CAA de PARIS, 6ème chambre, 29/05/2018, 17PA02032, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 décembre 2013, par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, ne lui a pas reconnu la qualité de combattant.
Par une ordonnance du 21 mars 2017, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 juin 2017 et 16 janvier 2018, M. A... représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 21 mars 2017 du vice-président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2013, par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, ne lui a pas reconnu la qualité de combattant.
3°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer la carte du combattant dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre de fournir son entier dossier militaire et de surseoir à statuer dans l'attente de cette production ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à MeB..., son conseil, en application de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a, au cours de son service militaire, été affecté en Algérie de mars à juillet 1962, soit pendant plus de 90 jours et aux forces locales, qui doivent être regardées comme une unité combattante ; il satisfaisait ainsi aux conditions posées pour se voir reconnaitre la qualité de combattant ;
- sa demande de première instance était assortie de précisions suffisantes et ne pouvait dès lors être régulièrement rejetée par ordonnance ;
- dès lors qu'il a été présent en Afrique du Nord pendant au minimum 120 jours, il devait bénéficier de la dérogation prévue par l'article L.253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et se voir délivrer en conséquence, la carte sollicitée ;
- il appartient à la Cour d'exercer son pouvoir d'instruction en exigeant la production de son entier dossier militaire.
Par un mémoire enregistré le 27 février 2018, l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen de légalité externe est irrecevable car il relève d'une cause juridique nouvelle en appel ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
1. Considérant que M. C...A...a sollicité auprès de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre l'attribution de la carte de combattant ; que par décision du 17 décembre 2013, la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre a rejeté sa demande ; que M.A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision ; que par ordonnance du 21 mars 2017, dont M. A...interjette appel, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...), le vice-président du Tribunal administratif de Paris (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont pas manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé " ; que, devant le Tribunal administratif de Paris, M. A...a notamment rappelé sa situation militaire, et a fait valoir qu'il avait servi en tant qu'appelé durant la guerre d'Algérie du 1er mai 1961 au 31 juillet 1962 et qu' après avoir été affecté en France métropolitaine au 110ème régiment à Besançon, il avait été affecté à Oran à compter du 16 avril 1962 ; qu'il a par ailleurs produit un extrait de services à l'appui de ses allégations ; qu'ainsi, cette demande était assortie de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; que seule une formation collégiale pouvait, dès lors, régulièrement y statuer ; que, par suite, l'ordonnance du 21 mars 2017 doit être annulée ;
3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M.A... ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : " Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235 " ; qu'aux termes de l'article R. 223 de ce code : " La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229 " ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code alors en vigueur : "Sont considérés comme combattants : (...)D-Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus...
c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954.
I.-Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises :
1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ;
Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ;
Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ;
2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ;
3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ;
4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ;
5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ;
6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève.
II.-Les listes des unités combattantes des armées de terre, de mer et de l'air, de la gendarmerie et des services communs et des formations des forces supplétives françaises assimilées sont établies par le ministre de la défense sur les bases suivantes :
Sont classées, pour une durée d'un mois, comme unités combattantes ou formations assimilées, les unités et formations impliquées dans au moins trois actions de feu ou de combat distinctes au cours d'une période de trente jours consécutifs.
Les éléments détachés auprès d'une unité reconnue comme combattante suivent le sort de cette unité.
Des bonifications afférentes à des opérations de combat limitativement désignées peuvent être accordées. La liste de ces opérations et bonifications est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la défense et du secrétaire d'Etat aux anciens combattants " ; qu'aux termes de l'article L.253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur: " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : Les militaires des armées françaises, les membres des forces supplétives françaises, les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d'unités françaises, qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations.
Le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre ou le directeur général de l'organisme mentionné à l'article L. 517 qu'il a habilité détermine les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat.
Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises.
Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa, y compris lorsque ces services se sont poursuivis au-delà du 2 juillet 1962 dès lors qu'ils n'ont connu aucune interruption " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que sont considérés comme combattants, pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus, notamment les personnes ayant appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation assimilée à une unité combattante ou satisfaisant à une autre des conditions posées par l'article R.224 D précité et que par ailleurs pour une personne ayant servi en Algérie, en Tunisie ou au Maroc une durée de quatre mois de services dans l'un de ces pays est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat requises par ailleurs ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui a servi dans l'armée française en qualité d'appelé du contingent du 1er mai 1961 au 31 juillet 1962, a servi en Algérie du 1er mai au 28 mai 1961 au centre de sélection n°11, puis a été affecté en France métropolitaine au 110ème régiment à Besançon du 30 mai 1961 au 24 mai 1962, avant d'être à nouveau affecté en Algérie, au 360ème régiment d'infanterie du 26 mai 1962 au 30 juillet 1962 ; qu'il est constant que le centre de sélection n°11 ne figure pas sur la liste des unités combattantes ; que, par ailleurs, il est constant que le 360ème régiment d'infanterie a été reconnu comme unité combattante uniquement jusqu'au 19 mars 1962 soit avant que l'intéressé n'y soit affecté ; que son temps de service en France métropolitaine ne peut être pris en compte pour l'octroi de la carte de combattant, dès lors qu'il était ainsi affecté sur un territoire hors conflit ; qu'il ne justifie ainsi d'aucun jour de service en unité combattante au sens des dispositions précitées de l'article R.224 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et ne satisfait par ailleurs à aucune autre des conditions posées par cet article pour se voir délivrer la carte de combattant ; que par ailleurs, il ne justifie pas des quatre mois de service en Algérie requis par l'article L.253 bis précité du même code ; qu'il n'est par suite pas fondé à soutenir qu'il aurait du se voir délivrer la carte de combattant ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre à l'administration de produire son entier dossier militaire et de surseoir à statuer dans l'attente de sa production , que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 17 décembre 2013, par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre ne lui a pas reconnu la qualité de combattant ; que sa demande de première instance ainsi que ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la Cour administrative d'appel, ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n°1612030 du vice-président du Tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande de première instance de M. A...est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...devant la Cour est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre des Armées .
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2018.
Le rapporteur,
M-I. LABETOULLELe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERANDLa République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02032