CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 05/06/2018, 17MA01826, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 juin 2016 par lequel le maire de la commune de Marseille a mis fin à compter du 10 juillet 2016 à son stage en qualité d'adjoint territorial du patrimoine et l'a radié des cadres de la fonction publique territoriale pour insuffisance professionnelle.
Par un jugement n° 1605750 du 1er mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er mai 2017 et le 11 mai 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er mars 2017 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 27 juin 2016 ;
3°) d'enjoindre au maire de Marseille de le réintégrer, de le titulariser et de reconstituer sa carrière à compter du 4 décembre 2014, dans le délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision attaquée doit être regardée comme prononçant un licenciement en cours de stage ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- les membres de la commission administrative paritaire n'ont pas été convoqués dans les conditions prévues aux articles 27 et 35 du décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;
- la commission administrative paritaire s'est réunie dans une composition qui n'était pas paritaire ;
- le dossier professionnel mis à sa disposition était incomplet ;
- la décision attaquée est entachée de l'incompétence de son auteur ;
- les missions qui lui ont été confiées au cours de son stage ne correspondaient pas à son grade ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision repose sur des faits matériellement inexacts ;
- cette décision constitue une sanction disciplinaire déguisée.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2018, la commune de Marseille, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 mai 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mai 2018 à 12 heures.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 22 mai 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2006-1692 du 22 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. A..., et de Me D..., substituant Me C..., représentant la commune de Marseille.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 2 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints territoriaux du patrimoine, dans leur rédaction applicable au litige, que ce cadre d'emplois comprend les grades d'adjoint territorial du patrimoine de 2e classe, d'adjoint territorial du patrimoine de 1re classe, d'adjoint territorial du patrimoine principal de 2e classe et d'adjoint territorial du patrimoine principal de 1re classe ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret du 22 décembre 2006, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les adjoints territoriaux du patrimoine de 2e classe peuvent occuper un emploi : / (...) 3° (...) de surveillant de musées et de monuments historiques ; en cette qualité, ils sont particulièrement chargés des conditions d'accueil du public ; ils assurent, dans les bâtiments affectés à la visite ou au dépôt des oeuvres d'art et des documents, l'entretien courant des locaux conformément aux obligations de service définies par les règlements intérieurs propres à chaque établissement ou catégorie d'établissements ; ils peuvent, en outre, assurer la conduite des visites commentées et participer à l'animation des établissements ; / II. - Les adjoints territoriaux du patrimoine de 1re classe assurent l'encadrement des adjoints du patrimoine de 2e classe placés sous leur autorité. Des missions particulières peuvent leur être confiées. Ils peuvent être chargés de tâches qui nécessitent une pratique et une dextérité particulières. (...) / III. - Les adjoints territoriaux du patrimoine principaux de 2e classe assurent le contrôle hiérarchique et technique des adjoints territoriaux du patrimoine de 2e classe et de 1re classe. Des missions particulières peuvent leur être confiées. Ils peuvent être chargés de tâches d'une haute technicité. / IV. - Les adjoints territoriaux du patrimoine principaux de 1re classe assurent le contrôle hiérarchique et technique des adjoints territoriaux principaux du patrimoine de 2e classe et des adjoints territoriaux du patrimoine de 2e et 1re classe. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige : " Les adjoints territoriaux du patrimoine sont recrutés sans concours dans le grade d'adjoint territorial du patrimoine de 2e classe. " ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : " Les candidats recrutés en qualité d'adjoint territorial du patrimoine de 2e classe sur un emploi d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public d'une collectivité territoriale (...) sont nommés stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an. (...) " ;
2. Considérant que, par arrêté du 23 décembre 2014, M. A..., alors agent contractuel exerçant déjà ses fonctions au musée Cantini depuis le 13 octobre 2014, a été nommé adjoint territorial du patrimoine de 2ème classe stagiaire pour occuper les fonctions de surveillant de musée à compter du 5 décembre 2014 ; que, par arrêté du 27 juin 2016, le maire de Marseille a mis fin à compter du 10 juillet 2016 à son stage et l'a radié des cadres de la fonction publique territoriale " pour insuffisance professionnelle et mauvaise manière de servir " ;
3. Considérant qu'en l'absence d'une décision expresse de titularisation ou de licenciement au cours ou à l'issue de la période de stage, l'agent conserve la qualité de stagiaire ; que l'administration peut alors mettre fin à tout moment à son stage pour des motifs tirés de l'inaptitude de l'intéressé à son emploi par une décision qui doit être regardée comme un refus de titularisation ; que, par ailleurs, un fonctionnaire stagiaire doit effectuer son stage dans un emploi du cadre dans lequel il est susceptible d'être ultérieurement titularisé et a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 23 décembre 2014 nommant M. A... adjoint territorial du patrimoine de 2ème classe stagiaire ainsi que l'arrêté du 27 juin 2016 mettant fin à ses fonctions à compter du 10 juillet 2016 et le rapport du 18 mars 2016 établie par la directrice des musées de Marseille sur le fondement duquel cette décision a été prise indiquent que l'intéressé a été affecté sur un emploi de surveillant de musée ; que néanmoins, tant les témoignages, à charge ou à décharge, produits par les parties, que les notes rédigées par le conservateur du musée Cantini et par la directrice des musées de Marseille, datées respectivement du 13 janvier 2016 et du 2 février 2016, révèlent que M. A... occupait au cours de l'intégralité de sa période de stage les fonctions de chef de l'une des deux équipes de surveillants du musée Cantini ; que sa hiérarchie lui a d'ailleurs reproché à ce titre son comportement à l'égard des membres de " son équipe " et de manquer à la " distance managériale " qui s'imposait ; que les responsabilités qui lui étaient confiées l'habilitaient notamment à mettre en oeuvre de nouvelles mesures d'organisation et à demander lui-même le concours de personnels travaillant dans d'autres musées de Marseille pour pallier des absences au sein du musée Cantini ; que de telles fonctions qui impliquaient l'exercice de l'autorité à l'encontre d'autres surveillants appartenant également au cadre d'emplois des adjoints territoriaux du patrimoine ne sont pas de celles auxquelles un adjoint territorial du patrimoine de 2ème classe est normalement destiné ; qu'alors même que le maire de Marseille a pris en compte, comme il le devait pour apprécier la manière de servir de l'intéressé, le comportement général de M. A... dans ses relations de travail, et notamment à l'égard du personnel de sexe féminin, la circonstance que le requérant n'a pas effectué son stage dans les conditions prévues par le décret du 22 décembre 2006 a entaché d'illégalité l'arrêté du 27 juin 2016 mettant fin à ses fonctions ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, en exécution d'une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 8 août 2016 suspendant l'exécution de l'arrêté du 27 juin 2016, le maire de Marseille a, par arrêté du 30 août 2016, réintégré juridiquement M. A... à compter du 10 juillet 2016 et l'a affecté dans un emploi de surveillant de musée à compter du 1er septembre 2016 ; que, en conséquence du jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er mars 2017, il a informé l'intéressé, le 10 mars 2017, que ce dernier cesserait ses fonctions à compter du 1er avril 2017 ; que, par arrêté du 29 mars 2017, il a placé M. A... en position de congé de maladie à demi-solde à compter du 24 mars 2017 ;
7. Considérant qu'eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique pour l'administration de réintégrer M. A... à la date de son éviction pour qu'il soit mis en mesure d'effectuer son stage dans les conditions de durée et d'emploi prévues par le décret du 22 décembre 2006 ; qu'il n'implique pas nécessairement de le titulariser et de reconstituer sa carrière à compter du 4 décembre 2014 ; que, par suite, il y a seulement lieu d'enjoindre au maire de Marseille de réintégrer M. A... à la date du 10 juillet 2016, comme le demande le requérant ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Marseille demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er mars 2017 et l'arrêté du maire de Marseille du 27 juin 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Marseille de réintégrer M. A... à la date du 10 juillet 2016.
Article 3 : La commune de Marseille versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et les conclusions de la commune de Marseille présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A...et à la commune de Marseille.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme E..., première conseillère
Lu en audience publique, le 5 juin 2018.
N° 17MA01826 2