CAA de BORDEAUX, 5ème chambre - formation à 3, 25/09/2018, 16BX01118, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision25 septembre 2018
Num16BX01118
JuridictionBordeaux
Formation5ème chambre - formation à 3
PresidentMme JAYAT
RapporteurMme Florence MADELAIGUE
CommissaireM. de la TAILLE LOLAINVILLE
AvocatsSCP ANDRIEU HADJADJ BAZALGETTE LAROZE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes et d'enjoindre à l'administration fiscale, sur le fondement de l'article L. 143 du livre des procédures fiscales, de communiquer les déclarations de revenus et avis d'imposition de leur fils Stéphane, à compter de l'année 2009.

Par un jugement n° 1402275 du 2 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er avril 2016 et le 10 novembre 2017, M. et MmeA..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 février 2016 ;





2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, intérêts et majorations afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010, 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- les versements au compte courant d'associé de M. A...correspondent à des remboursements d'avances consenties à la société ;
- les crédits proviennent des comptes de la société, destinés à corriger des erreurs comptables d'imputation, dues aux agissements des anciens comptables de la société assignés en référé devant le tribunal de grande instance de Bordeaux ; par ordonnance du 4 janvier 2016, il a été fait droit à la demande d'expertise sollicitée par la société Tourmaline ;
- c'est à tort que le nombre de parts de quotient familial a été ramené de 3 à 2, car leur fils, adulte majeur, handicapé au taux de 95 %, doit être rattaché à leur foyer fiscal au titre des années 2009 à 2011, bien qu'ayant déposé des déclarations de revenus en son nom ;
- l'administration fiscale ne peut, sans méconnaître les dispositions de l'article 196 A du code général des impôts, supprimer la part correspondant au rattachement de leur enfant majeur handicapé dès lors qu'ont été réintégrées les pensions versées par les époux A...à l'intéressé alors qu'ils acceptent la réintégration des pensions alimentaires ;
- l'administration ne peut choisir entre rattachement et déduction d'une pension alimentaire ;
- ils sont en droit de solliciter sur le fondement de l'article L. 143 du code des procédures fiscales la communication des déclarations de leur fils pour ces années ;
- en refusant la communication de documents produits par l'administration sur sa demande, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire de la procédure juridictionnelle.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 septembre 2016 et le 15 décembre 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
- à titre principal, les requérants ne sont pas recevables, en application de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, à contester la remise en cause du nombre de part de quotient familial ramené de 3 à 2 en tant que leurs conclusions excèdent les réductions initialement sollicitées dans leur réclamation ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 16 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 18 décembre 2017 à 12 heures.







Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue ;
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.






Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société Tourmaline dont M. A... est gérant et du contrôle sur pièces des revenus imposables des années 2009 à 2011 de M. et MmeA..., ces derniers ont été assujettis au titre de ces années à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à raison notamment du solde débiteur du compte courant d'associé que M. A...détenait au sein de la société Tourmaline et de la remise en cause du nombre de parts de quotient familial, ramené de 3 à 2 par le vérificateur. Ils relèvent appel du jugement du 2 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis.


Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ".


3. M. et Mme A...soutiennent qu'en refusant de leur transmettre les déclarations de revenus qu'il s'était fait communiquer par l'administration, le tribunal administratif a méconnu le caractère contradictoire de la procédure d'instruction.


4. Il résulte de l'instruction que l'administration a, le 14 décembre 2015, communiqué au tribunal administratif à sa demande, les déclarations de revenus déposées par le fils des requérants pour les années 2009, 2010 et 2011. Il ressort de la lecture du jugement que pour refuser aux époux A...le rattachement à leur foyer fiscal de leur fils majeur, le tribunal administratif a constaté que les pièces lui ayant été transmises par l'administration " attestaient " de ce que celui-ci avait déposé une déclaration distincte. Les pièces produites n'ayant pas été communiquées à M. et MmeA..., ces derniers n'ont pas été mis à même d'en discuter. M. et Mme A...sont dès lors fondés à soutenir qu'en ne leur communiquant pas un document dont ils avaient demandé la production dans le cadre de l'instruction et qu'ils ont utilisé pour asseoir leur solution, les premiers juges ont, en violation des dispositions précitées du code de justice administrative, méconnu le caractère contradictoire de la procédure d'instruction. En conséquence, le jugement attaqué en date du 2 février 2016, qui est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, doit être annulé.


5. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par devant le tribunal administratif de Bordeaux et reprise en appel.


En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :

6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a) Sauf preuve contraire, les sommes mises à disposition des associés directement ou par personnes interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. ". En application de ces dispositions, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts.


7. L'administration a réintégré dans les revenus imposables de M. A..., au titre des années 2009, 2010 et 2011, une somme de 25 626,30 euros égale au montant, à la date du 31 décembre 2009, du solde débiteur du compte courant ouvert au nom de M. A...dans les écritures de la société Tourmaline, ainsi qu'une somme de 15 904,24 euros, égale à la différence entre le montant du solde au 31 décembre 2010, soit 41 530,54 euros, et le report à nouveau au 1er janvier 2010, soit 25 626,30 euros, et enfin, une somme de 11 096,57 euros, égale à la différence entre le montant du solde au 31 décembre 2011, soit 52 627,11 euros, et le montant du report à nouveau au 1er janvier 2011, soit 41 530,54 euros.


8. Si M. A...soutient que le solde de son compte courant d'associé aurait été, en réalité, créditeur tant au 31 décembre 2009 qu'au 31 décembre 2010, et au 31 décembre 2011, et que les versements à son compte courant d'associé correspondent à des remboursements d'avances consenties à la société ou que des crédits proviennent des comptes de la société, destinés à corriger des erreurs comptables d'imputation, dues aux agissements des anciens comptables de la société, il n'apporte aucun élément justifiant la remise en cause des indications chiffrées que l'administration a tirées des écritures de la société.


9. Par ailleurs, ni le rapport de mission de la société Fimeco Baker Tilly sollicité par les requérants pour examiner les documents comptables mis à leur disposition, ni le rapport de synthèse de l'expert désigné par ordonnance du tribunal de grande instance de Bordeaux du 4 janvier 2017, pour vérifier les conditions d'exécution de la mission d'expertise comptable des anciens experts de la société Tourmaline pour les exercices 2005 à 2014, produits en appel, ne permettent de justifier les soldes créditeurs du compte courant d'associé de M.A.... La note de synthèse du 25 octobre 2017 confirme d'ailleurs les incertitudes évoquées par l'analyse du cabinet Fimeco Baker Tilly et conclut que " compte tenu de ce qui précède et des éléments versés aux débats, l'expert ne peut procéder à aucun retraitement du compte courant de M. A... ". Ces documents ne suffisent pas ainsi à combattre la présomption de distribution de la somme litigieuse figurant au crédit du compte courant d'associé de M. A... au titre des années en litige. Par suite, M. A...ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que les sommes dont s'agit n'ont pas eu le caractère de revenus distribués.


En ce qui concerne le nombre de parts de quotient familial :

10. L'administration qui a constaté que les époux A...avaient déduit la pension alimentaire qu'ils avaient versée à leur fils a remis en cause la détermination du nombre de part 2010/2011 en le ramenant de trois à deux sur le fondement du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts. Toutefois, si le rattachement d'un enfant majeur au foyer fiscal interdit la déduction de pensions alimentaires, l'administration ne pouvait légalement se fonder sur l'interdiction de cumul de la prise en compte du fils des requérants et de la déduction d'une pension alimentaire, avant d'avoir examiné les droits des requérants au regard notamment des dispositions de l'article 194 du code général des impôts relatif au nombre de parts à prendre en considération pour le revenu imposable d'un couple marié ayant un enfant infirme à charge.


11.Toutefois, l'administration peut, à tout moment de la procédure contentieuse, invoquer un nouveau fondement juridique pour justifier l'imposition à la condition que le contribuable ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel l'imposition aurait dû être établie.


12. Le ministre se prévaut des dispositions du 3° de l'article 6 du code général des impôts aux termes desquelles : " Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. (...) 3. Toute personne majeure âgée de moins de vingt et un ans, ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu'elle poursuit ses études, ou, quel que soit son âge, lorsqu'elle effectue son service militaire ou est atteinte d'une infirmité, peut opter, dans le délai de déclaration et sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du 2° du II de l'article 156, entre : (...) 2° Le rattachement au foyer fiscal dont elle faisait partie avant sa majorité, si le contribuable auquel elle se rattache accepte ce rattachement et inclut dans son revenu imposable les revenus perçus pendant l'année entière par cette personne ; le rattachement peut être demandé, au titre des années qui suivent celle au cours de laquelle elle atteint sa majorité, à l'un ou à l'autre des parents lorsque ceux-ci sont imposés séparément. ". Aux termes de l'article 196 A bis du même code : " Tout contribuable peut considérer comme étant à sa charge, au sens de l'article 196, à la condition qu'elles vivent sous son toit, les personnes titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles ". Il résulte de ces dispositions qu'une personne majeure entrant dans le champ d'application du 3 de l'article 6 du code général des impôts peut opter, dans le délai de déclaration, pour l'année entière et pour l'ensemble de ses revenus, entre une imposition de ses revenus dans les conditions de droit commun et le rattachement, avec l'accord du contribuable, au foyer fiscal de ses parents ou de l'un de ses parents, selon le cas et en suivant les règles fixées par ces dispositions.




13. M. et MmeA..., dont le fils majeur est titulaire de la carte d'invalidité, ont entendu le placer sous le régime de l'article 196 A bis du code général des impôts au titre des années 2009, 2010 et 2011 et ont bénéficié d'une part supplémentaire.


14. Il résulte de l'instruction, qu'au cours des années en litige, le fils des requérants, qui est handicapé et dont l'invalidité à plus de 80 % n'est pas contestée, vivait sous le même toit que ses parents en 2009 et 2010 et qu'au 1er janvier 2011 il s'est déclaré domicilié.... Si les requérants soutiennent que leur fils doit être rattaché à leur foyer fiscal au titre des années 2009 à 2011, bien qu'ayant déposé des déclarations de revenus en son nom, il ne résulte cependant pas de l'instruction qu'il ait demandé dans le délai règlementaire de déclaration, le rattachement prévu au 2° du 3 de l'article 6 précité à leur foyer fiscal. L'option pour ce rattachement n'a donc pas été régulièrement formulée. A supposer même qu'il n'ait disposé d'aucune autonomie, le fils de M. et Mme A...ne peut être regardé dans ces conditions comme ayant été à la charge de ses parents au sens des dispositions applicables en matière d'impôt sur le revenu. Dès lors, le ministre est fondé à substituer ce motif au motif initial de la remise en cause du quotient familial de M. et MmeA.... Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé à M. et Mme A...le bénéfice d'une part supplémentaire pour les années 2009, 2010 et 2011.


15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la demande présentée par M. et MmeA... devant le tribunal administratif de Bordeaux doit être rejetée. Les conclusions à fin de production par l'administration des déclarations fiscales de leur fils, qui sont inutiles à la résolution du présent litige, doivent également être rejetées.


Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que demandent M. et Mme A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 février 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par M. et Mme A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 28 août 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 septembre 2018.


Le rapporteur,
Florence MadelaigueLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01118