CAA de NANTES, 6ème chambre, 01/10/2018, 17NT00259, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision01 octobre 2018
Num17NT00259
JuridictionNantes
Formation6ème chambre
PresidentM. LENOIR
RapporteurMme Valérie GELARD
CommissaireM. LEMOINE
AvocatsCABINET COUDRAY CONSEIL & CONTENTIEUX

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, d'annuler la décision du 9 janvier 2014 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes l'a placée en position de retraite pour invalidité, en tant qu'elle a opéré ce placement à compter seulement du 1er septembre 2013 et, à titre subsidiaire, d'annuler totalement cette décision du 9 janvier 2014.
Par un jugement n° 1402032 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 janvier 2017 et 30 juillet 2018, Mme A...C..., représentée par le cabinet d'avocats Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2016 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) à titre principal, d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 9 janvier 2014 en tant que cette décision donne effet à ce placement à compter seulement du 1er septembre 2013 et, à titre subsidiaire, d'annuler totalement la décision en question ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Nantes de l'admettre à la retraite pour invalidité à compter du 11 juillet 2001, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de prononcer sa mise à la retraite à compter du 15 novembre 2008, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens de l'instance ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que la date de prise d'effet de sa mise à la retraite pour invalidité ne pouvait être fixée au 1er septembre 2013 ; elle devait nécessairement tenir compte des conséquences de l'annulation contentieuse du refus implicite du recteur de la placer à la retraite ; la date fixée ne pouvait donc être que soit la date à compter de laquelle son inaptitude à toutes fonctions a été reconnue par le comité médical départemental, c'est-à-dire au 11 juillet 2001, soit, à tout le moins, la date à laquelle elle a sollicité son placement à la retraite anticipée, c'est-à-dire le 15 novembre 2008 ;
- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation ; ainsi que l'a indiqué le comité médical départemental dans son avis du 6 mai 2013, elle est inapte à l'exercice de toutes fonctions depuis le 11 juillet 2001.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard ;
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant Mme A...C....

Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., professeure certifiée, a été placée en congé de maladie du 29 mai au 13 juin 1998 et du 20 janvier au 19 mars 1999, puis en congé de longue maladie du 19 mars au 10 octobre 1999 et du 10 janvier au 17 juin 2000, et enfin en congé de longue durée du 18 juin 2000 au 11 juillet 2001. Sur la demande de l'intéressée, l'administration a procédé à sa réintégration à compter du 12 juillet 2001 et l'a placée en disponibilité pour rapprochement de conjoint, du 1er septembre 2001 au 31 août 2013. Le 15 novembre 2008, Mme C...a demandé au recteur de l'académie de Nantes son admission anticipée à la retraite pour invalidité. Cette demande a fait l'objet d'un refus implicite, lequel a été annulé par jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 juin 2012. Saisi du réexamen de la demande de la requérante en exécution de ce jugement, le recteur de l'académie de Nantes, après avis de la commission de réforme en date du 3 octobre 2013, a admis à la retraite pour invalidité Mme C...à compter du 1er septembre 2013. La requérante relève appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 janvier 2014 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes l'a placée en retraite pour invalidité en tant qu'elle a opéré ce placement à compter seulement du 1er septembre 2013.
Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête.

2. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...)". Aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable (...) il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...). ". Aux termes de l'article 47 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) ".
3. Par un jugement en date du 15 juin 2012, le tribunal administratif de Nantes a annulé le refus implicite du recteur de l'académie de Nantes de placer Mme C...à la retraite anticipée pour invalidité. En exécution de ce jugement, enjoignant au service de réexaminer la demande de l'intéressée et de saisir la commission de réforme, l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale a saisi le comité médical départemental qui, après sa réunion du 25 avril 2013, a estimé que Mme C...était définitivement inapte à l'exercice de toute fonction à compter du 11 juillet 2001. L'annulation prononcée par le juge administratif le 15 juin 2012 impliquait donc nécessairement, en application de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 mentionné au point 2 et compte tenu de cet avis de la commission de réforme, que soit prononcée l'admission à la retraite de Mme C...à cette dernière date .En conséquence, l'exécution complète du jugement précité du 15 juin 2012 faisait obligation à l'administration de retirer la décision plaçant Mme C...en position de disponibilité et d'admettre cette dernière à la retraite à compter du 12 juillet 2001.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

5. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point 3, il est enjoint au ministre de l'éducation nationale de placer Mme C...à la retraite anticipée pour invalidité à compter du 12 juillet 2001 et de procéder dans un délai deux mois à compter de la notification du présent arrêt au calcul du reliquat de pension qui lui est dû. Il y a dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard.

Sur l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
6. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat (...) ". La présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens au sens de l'article susvisé, les conclusions de MmeC..., tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser les dépens, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1402032 du tribunal administratif de Nantes en date du 22 novembre 2016 ainsi que la décision du 9 janvier 2014 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a placé Mme C...en retraite pour invalidité à compter seulement du 1er septembre 2013 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale de placer Mme C...à la retraite anticipée pour invalidité à compter du 12 juillet 2001 et de procéder dans un délai deux mois à compter de la notification du présent arrêt au calcul du reliquat de pension qui lui est dû. Cette injonction est assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera transmise au recteur de l'académie de Nantes.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.


Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR

La greffière,
E. HAUBOIS




La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00259