CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 02/10/2018, 17MA03105, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision02 octobre 2018
Num17MA03105
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre - formation à 3
PresidentM. GONZALES
RapporteurMme Samira TAHIRI
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsFREICHET

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G... épouse B...a demandé au tribunal administratif de Marseille :

1°) d'annuler la décision du 16 février 2015 par laquelle le directeur ressources et appui aux transformations de La Poste des Bouches-du-Rhône l'a mise à la retraite d'office pour invalidité non imputable au service à compter du 16 avril 2015 ;

2°) d'enjoindre à La Poste de la réintégrer dans son emploi et de procéder à la reconstitution de sa carrière et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal ;

3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503038 du 12 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2017, Mme G... épouseB..., représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 16 février 2015 par laquelle le directeur ressources et appui aux transformations de La Poste des Bouches-du-Rhône l'a mise à la retraite d'office pour invalidité non imputable au service à compter du 16 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre à La Poste, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal, de la réintégrer dans son emploi et de procéder à la reconstitution de sa carrière et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la procédure suivie devant la commission de réforme est irrégulière compte tenu de la composition de cet organisme qui n'a compris aucun spécialiste, en méconnaissance de l'article R. 45 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- il ressort en outre du procès-verbal de la commission de réforme qu'elle n'a pas délibéré ou, si cela a été le cas, que le résultat des votes n'est pas connu ;
- ce procès-verbal n'a pas été signé par l'ensemble des membres de la commission de réforme, en l'occurrence le DrA... ; ce vice présente un caractère substantiel ;
- la décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, La Poste ne pouvant mener à son terme la procédure sans attendre l'avis du comité médical supérieur ; elle avait informé son employeur de sa saisine ;
- seule sa fibromyalgie a été prise en compte alors qu'elle souffre également d'une affection psychiatrique ;
- il n'est pas établi que son reclassement aurait été tenté en vain.


Par un mémoire, enregistré le 19 janvier 2018, La Poste SA, représentée par Me E... de la SELARL E...AMG, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 2011-619 du 31 mai 2011 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Tahiri,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant Mme B..., et de Me E..., représentant La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née en 1957 et employée depuis 1981 par La Poste en dernier lieu au grade ATG2 sur un emploi de guichetière, a été placée en congé de longue maladie du 3 novembre 2010 au 3 novembre 2013. Elle a été réintégrée à temps partiel thérapeutique du 17 novembre 2013 au 17 mai 2014 et a sollicité le 28 mars 2014 le bénéfice d'un nouveau mi-temps thérapeutique. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, le comité médical départemental s'est prononcé le 9 juillet 2014 et le 5 janvier 2015 dans le sens d'une inaptitude totale et définitive de l'intéressée à son poste. La Poste a alors engagé une procédure de mise à la retraite pour invalidité, au cours de laquelle la commission de réforme a rendu le 12 février 2015 un avis favorable à l'inaptitude totale et définitive de Mme B.... La Poste a admis cette dernière à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 16 avril 2015 par un arrêté du 16 février 2015 dont Mme B... a demandé l'annulation. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 juin 2017 qui a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 16 février 2015 :

2. D'une part, aux termes de l'article 34 bis de la loi du 11 janvier 1984 : " Après six mois consécutifs de congé de maladie pour une même affection, après un congé de longue maladie ou un congé de longue durée, les fonctionnaires peuvent être autorisés, après avis du comité médical compétent, à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique, accordé pour une période de trois mois renouvelable dans la limite d'un an pour une même affection. ". Aux termes de l'article 32 du décret du 31 mai 2011 relatif à la santé et à la sécurité au travail à La Poste : " La composition, le fonctionnement et les attributions des comités médicaux de La Poste sont identiques à ceux des comités médicaux prévus par l'article 6 du décret du 14 mars 1986 susvisé. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / 1. La prolongation des congés de maladie au-delà de six mois consécutifs ; 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; / 3. Le renouvellement de ces congés ; / 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congé de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée ; / 5. L'aménagement des conditions de travail du fonctionnaire après congé ou disponibilité ; / 6. La mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement ; (...) "

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 32 du décret du 31 mai 2011 relatif à la santé et à la sécurité au travail à La Poste : " Le fonctionnement et les attributions des commissions de réforme de La Poste sont identiques à ceux des commissions de réforme prévues à l'article 12 du décret du 14 mars 1986 susvisé.
/ Ces commissions sont composées de : / 1° Deux représentants de La Poste, dont le président, désignés par le président du conseil d'administration de La Poste ; / 2° Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, désignés par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire dont relève le fonctionnaire ; / 3° Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du décret du 14 mars 1986 susvisé. ". Aux termes de l'article 6 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) La composition de ce comité est semblable à celle du comité médical ministériel prévu à l'article 5. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " (...) Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) " ;

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

5. En premier lieu, la présence d'un spécialiste dans la composition de la commission de réforme, préalablement à la mise en retraite pour invalidité d'un agent, a pour objet d'éclairer cette commission sur la pathologie dont souffre l'agent et constitue pour celui-ci une garantie destinée à ce que la décision rendue soit médicalement justifiée. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... présentait depuis de nombreuses années un tableau fibromyalgique sur fond dépressif. Si l'appréciation des affections qui, selon l'administration, rendaient Mme B... inapte à exercer ses fonctions, requérait l'avis de spécialistes et si lors de sa réunion du 12 février 2015, la commission de réforme n'en comportait aucun, l'intéressée a été examinée le 30 juillet 2014 par le DrC..., spécialiste en médecine interne qui a estimé que Mme B..., au regard de la fibromyalgie dont elle était atteinte, dont les symptômes avaient été accentués par la reprise de son emploi de guichetière et qui était accompagnés d'une détérioration de son état psychologique, devait se voir reconnaître une invalidité pour inaptitude absolue et définitive à son poste. La commission de réforme a rendu un avis conforme à l'avis de ce spécialiste qui suffisait, nonobstant l'absence d'avis d'un médecin psychiatre, à l'éclairer sur l'aptitude de Mme B... à occuper son poste. Par suite, l'absence d'un spécialiste en psychiatrie au sein de la commission de réforme n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'avis rendu et n'a pas privé l'intéressée d'une garantie. Dès lors, le moyen tiré d'un vice de procédure au regard des dispositions citées ci-dessus de l'article 32 du décret du 31 mai 2011 doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les délibérations de la commission de réforme soient signées par l'ensemble des membres présents. Par suite, le moyen tiré de l'absence de signature de la délibération par l'un des médecins ayant siégé à ladite commission est inopérant.





7. En troisième lieu, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante et ainsi que cela ressort du procès-verbal de la commission de réforme réunie le 12 février 2015, les membres de cette instance, qui ont coché les cases sur le formulaire prévu à cet effet, ont effectivement délibéré sur sa situation et indiqué le sens de leur avis.

8. Enfin, Mme B... fait valoir que, par courrier du 24 janvier 2015, elle a sollicité la saisine du comité médical supérieur aux fins de contester l'avis rendu par le comité médical réuni le 5 janvier 2015. Il ressort des pièces du dossier que cet avis est favorable à sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service avec un taux d'incapacité de 30% et que le recours formé par Mme B... tendait à contester uniquement le taux d'incapacité retenu et la non-imputabilité au service de sa pathologie. Or, il résulte des dispositions précitées de
l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite qu'il appartient à la seule commission de réforme de se prononcer sur l'imputabilité au service des infirmités dont le fonctionnaire est atteint et le taux d'invalidité qu'elles entraînent. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'absence de saisine du comité médical supérieur par La Poste n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'avis rendu par la commission de réforme et n'a pas privé l'intéressée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure au regard de l'absence de saisine de cette instance doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision du 16 février 2015 :

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'avait pas soulevé devant le tribunal administratif de moyen mettant en cause la légalité interne de la décision attaquée, et notamment pas celui tiré d'un défaut de reclassement. Le moyen soulevé en ce sens pour la première fois devant la Cour relève ainsi d'une cause juridique nouvelle en appel, et n'étant pas par ailleurs d'ordre public, est dès lors irrecevable.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par cette dernière ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à l'instance la charge des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.




D É C I D E :



Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G...épouse B...et à La Poste.


Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme Tahiri, premier conseiller.


Lu en audience publique le 2 octobre 2018.

N° 17MA03105 2