CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 20/11/2018, 17MA02779, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 411 438 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la maladie professionnelle dont il est atteint.
Par un jugement nos 1405635, 1409312 du 28 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à lui verser la somme de 89 000 euros au titre de ses préjudices personnels et des préjudices patrimoniaux non réparés forfaitairement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2017, M.E..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 28 avril 2017 en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes fondées sur la responsabilité pour faute de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
2°) de condamner solidairement l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 411 438 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la maladie professionnelle dont il est atteint ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur les dépens ainsi que la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son employeur a méconnu son obligation de sécurité dès lors qu'il n'a mis en oeuvre aucune mesure de prévention en vue d'éviter les risques de contamination à la silice et que les risques liés à la vétusté et à la non-conformité des installations dans les ateliers de prothèse dentaire étaient connus ;
- la région a également commis une faute en s'abstenant, alors qu'elle était informée des risques liés à la vétusté et à la non-conformité des installations, d'entretenir et de mettre en conformité les locaux, ainsi que cela lui incombait en application des articles L. 214-6 et suivants du code de l'éducation ; les laboratoires de prothèses dentaires sont soumis à des règles de fabrication et des conditions d'hygiène et de sécurité depuis la directive européenne 93-42 applicable au 14 juin 1998 ; ils sont également soumis aux règles d'hygiène et de sécurité reprises à l'article L. 231 du code du travail ;
- le lien de causalité entre ses conditions de travail au lycée professionnel Léonard de Vinci et la pathologie dont il est désormais atteint est établi, son dossier médical auprès de son précédent employeur ne révélant aucune lésion ;
- il est en droit d'obtenir la somme de 60 000 euros au titre des pertes de rémunération subies de 2012 à 2016, la somme de 169 230 euros au titre de son préjudice patrimonial depuis le 1er janvier 2015, la somme de 32 208 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, la somme de 30 000 euros au titre des souffrances endurées, la somme de 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, la somme de 80 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, la somme de 30 000 euros au titre du préjudice d'agrément, la somme de 4 000 euros au titre du préjudice esthétique ainsi que la somme de 4 000 euros au titre du préjudice sexuel.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 août 2018 et le 29 octobre 2018, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par MeA..., conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête ou à l'exonération totale de sa responsabilité et à ce qu'il soit mis à la charge de M. E...la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- à titre subsidiaire, à l'exonération partielle de sa responsabilité et à ce que l'indemnité devant être allouée soit réduite à de plus justes proportions.
Elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute ;
- l'Etat et la victime ont commis une faute exonératoire de responsabilité ;
- l'appréciation des préjudices doit être minorée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.
Par lettre du 18 octobre 2018, la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office tiré de ce que la responsabilité sans faute de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur est susceptible d'être engagée pour défaut d'entretien normal du lycée professionnel Léonard de Vinci à Marseille dont elle a la charge.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Tahiri,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M.E..., né en 1952, a enseigné la profession de prothésiste dentaire à compter de 1997 au sein du lycée professionnel Léonard de Vinci à Marseille. La silicose dont il est atteint, diagnostiquée en 2011, a été reconnue comme une maladie professionnelle par décision du 4 juillet 2014. M. E...a recherché la responsabilité pour faute de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur afin d'obtenir réparation de l'intégralité des préjudices subis du fait de cette maladie. Par un jugement du 28 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille estimant qu'aucune faute n'était imputable à ces deux administrations, a condamné l'Etat, en tant qu'employeur de M.E..., à verser à ce dernier la somme de 89 000 euros au titre de ses préjudices non patrimoniaux. M. E...demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes fondées sur la responsabilité pour faute ainsi que la condamnation solidaire de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 411 438 euros en réparation des préjudices subis.
Sur la responsabilité :
2. En vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité, cumulable avec la pension rémunérant les services. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, rappelées précédemment, qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
En ce qui concerne la responsabilité de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur :
3. Aux termes de l'article L. 214-6 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable au litige : " La région a la charge des lycées, des établissements d'éducation spéciale et des lycées professionnels maritimes. Elle en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception, d'une part, des dépenses pédagogiques à la charge de l'Etat dont la liste est arrêtée par décret et, d'autre part, des dépenses de personnels prévues à l'article L. 211-8 sous réserve des dispositions de l'article L. 216-1. / La région assure l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique, à l'exception des missions d'encadrement et de surveillance des élèves, dans les établissements dont elle a la charge. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur avait à sa charge l'équipement et le fonctionnement du lycée professionnel Léonard de Vinci à Marseille, incluant les ateliers de prothèse dentaire au sein desquels M. E...assurait ses fonctions. Sa responsabilité est par suite susceptible d'être recherchée, en qualité de gestionnaire de l'ouvrage public que constitue le lycée Léonard de Vinci et à l'égard de M. E...qui avait la qualité d'usager de cet ouvrage, sur le terrain de la responsabilité sans faute pour défaut d'entretien de cet ouvrage.
5. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public dont il était usager et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
6. Il résulte de l'instruction que M. E...a assuré depuis 1997 des enseignements en tant que prothésiste dentaire au sein du lycée professionnel Léonard de Vinci à Marseille. Il est atteint d'une silicose diagnostiquée en 2011 et reconnue comme maladie professionnelle par décision du 4 juillet 2014, cette pathologie pulmonaire étant provoquée par une exposition prolongée ou répétée aux poussières de silice cristalline lesquelles peuvent être produites lors de la fabrication des prothèses dentaires et inhalées par les personnes exposées. M. E...produit son dossier médical auprès de son précédent employeur, lequel ne comporte, de 1994 à 2000, aucune anomalie y compris sur le plan pulmonaire. Par suite, le lien de causalité entre le fonctionnement de l'ouvrage public en litige et les dommages subis par M. E...est établi. Il résulte en outre de l'instruction, notamment des contrôles réalisés par le médecin de prévention du rectorat en novembre 2012 puis par le comité d'hygiène et de sécurité en 2013 ainsi que du rapport établi par l'Area à la demande de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, que l'exposition aux poussières de silice dans les ateliers dentaires ne résulte pas seulement de dysfonctionnements des extracteurs installés au droit des machines utilisées dans ces ateliers ou du manque d'étanchéité de certaines d'entre elles mais plus généralement du fonctionnement du réseau d'extraction des polluants et de distribution de l'air lequel, dès lors qu'il est incorporé à l'ouvrage public que constitue le lycée professionnel Léonard de Vinci, présente un caractère immobilier. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur, par les pièces qu'elle produit, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'un entretien normal de l'ouvrage dont elle a la charge. Sa responsabilité est ainsi engagée.
7. Contrairement à ce qu'indique la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, M. E...n'a pas reconnu dans ses écritures s'être abstenu de porter les masques mis à sa disposition par l'Etat mais a reproché à son employeur de s'être " contenté de distribuer des masques qui constituent les plus mauvaises protection ". En l'espèce, la Région, à qui incombe la charge de la preuve de la faute de la victime qu'elle invoque, ne produit aucun élément probant de la réalité des carences dont s'agit par le requérant qui serait de nature à l'exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité à l'égard de M.E....
8. Enfin, si la région Provence-Alpes-Côte d'Azur allègue que l'Etat aurait commis une faute en s'abstenant de contrôler le fonctionnement des équipements du lycée Léonard de Vinci et de l'aviser des éventuelles irrégularités constatées, cette circonstance, qui résulte du fait d'un tiers, n'est pas de nature à l'exonérer en tout ou partie de sa responsabilité à l'égard de M. E....
9. Dans ces conditions la responsabilité de région Provence-Alpes-Côte d'Azur dans la silicose contractée par M. E...est engagée pour défaut d'entretien de l'ouvrage public que constitue le lycée Léonard de Vinci.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute imputée à l'Etat :
10. Aux termes de l'article 2 du décret du 28 mai 1982 dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) les locaux doivent être aménagés, les équipements doivent être installés et tenus de manière à garantir la sécurité des agents (...) Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé des personnes (...) ".
11. Pour établir que l'Etat a méconnu son obligation de mettre à la disposition de ses agents des locaux présentant des conditions d'hygiène et de sécurité garantissant la santé des personnes, M. E...produit notamment le compte rendu du comité d'hygiène et de sécurité de l'établissement mentionnant le 21 février 2005 que les deux aspirations en atelier de prothèse dentaire qui ne fonctionnaient plus étaient désormais conformes aux normes de sécurité, celui du 12 juin 2006 mentionnant un problème du système d'aspiration en prothèse dentaire, celui du 21 septembre 2009 indiquant que l'air est vicié par les produits utilisés, un questionnaire renseigné par l'établissement destiné à la délégation académique Sécurité, Hygiène et Conditions de Travail du rectorat d'Aix-Marseille signalant que les utilisateurs du laboratoire de prothèse dentaire respirent des poussières ainsi qu'une attestation établie le 22 mai 2017 par
MmeG..., ancienne chef établissement de 2005 à 2010, mentionnant que le problème récurrent de l'évacuation des poussières laissait à désirer et s'agissant des travaux projetés que " l'importance des besoins a généré des devis de gros montants peu compatibles avec les crédits disponibles ". M. E...se prévaut également des contrôles réalisés par le médecin de prévention du rectorat en novembre 2012 puis par le comité d'hygiène et de sécurité en 2013,
à la suite de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, constatant des déficiences des systèmes de ventilation et d'aération des ateliers de prothèses dentaires.
Ces pièces établissent, pendant la période au cours de laquelle M. E...a exercé ses fonctions au sein du lycée professionnel Léonard de Vinci, l'insuffisance des installations d'évacuation des poussières au sein des ateliers de prothèses dentaires. L'Etat ne verse aucun élément de nature à remettre en cause les pièces produites et notamment aucune pièce démontrant que, nonobstant l'insuffisance de ces installations, les concentrations de poussières dans l'air seraient demeurées en deçà des seuils de nocivité ou que la mise à disposition de masques aurait été suffisante afin de limiter la concentration de poussières inhalées par un enseignant pendant ses journées de travail. Par suite, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. L'Etat n'ayant pas présenté d'appel en garantie à l'encontre de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, il ne peut utilement se prévaloir de la faute éventuellement commise par cette dernière, qui a concouru avec la sienne aux dommages subis par M.E..., pour s'exonérer de sa responsabilité.
12. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité sans faute de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la responsabilité pour faute de l'Etat sont engagées du fait des dommages subis par M. E...à la suite de la silicose dont il est atteint. Ces collectivités publiques ayant concouru aux mêmes dommages, M. E...est fondé à demander leur condamnation solidaire à l'indemniser des préjudices subis.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
13. Il y a lieu d'indemniser de manière distincte la perte de revenus subie jusqu'à l'âge auquel, en l'absence de maladie professionnelle, M. E...aurait pris sa retraite ainsi que le préjudice patrimonial subi, le cas échéant, au cours de la période ultérieure, en raison notamment d'une perte éventuelle de droits à pension. L'âge auquel l'intéressé aurait pris sa retraite est, en principe, celui auquel il aurait pu prétendre à une pension à taux plein, à moins que l'instruction ne fasse ressortir qu'il l'aurait prise à un âge différent.
S'agissant des pertes de rémunération :
14. M. E...réclame la somme de 60 000 euros au titre des rémunérations perdues entre 2012 et 2016 dans le cadre de son activité accessoire au sein du CFA interprofessionnel éducation nationale de Marseille. Il justifie avoir exercé cette activité depuis 1998 et avoir bénéficié, de la part de son employeur principal, chaque année d'une non opposition au cumul d'activités. Il résulte de l'instruction que M. E...a perçu, au titre de ces activités annexes, une somme annuelle d'environ 9 000 euros. Il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme totale de 45 000 euros.
S'agissant des gains futurs :
15. Si M. E...sollicite le versement d'une somme de 169 230 euros au titre d'une perte de chance de percevoir les revenus issus de son activité accessoire après 2016, ce préjudice présente un caractère purement éventuel et ne peut donc donner lieu à indemnisation.
16. En outre, il résulte de l'instruction et notamment du titre de pension civile d'invalidité produit que M. E...perçoit, depuis le 1er janvier 2015, une pension et une rente viagère d'invalidité d'un montant brut mensuel de 1 811,68 euros. Le ministre de l'éducation nationale fait valoir sans être contredit que la pension de retraite de M. E...ayant été assortie d'une surcote, il bénéficie de la pension maximale à laquelle il aurait pu prétendre s'il était resté en activité, en l'absence de maladie professionnelle. Par suite, M. E...n'est pas fondé à solliciter l'allocation d'une indemnité en réparation d'une perte de droits à pension.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
17. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport établi le 1er septembre 2015 par le Dr F... et de la réponse aux dires du 29 mars 2016, que M. E... a présenté un déficit fonctionnel temporaire au taux de 60 % pendant 280 jours, entre le 12 décembre 2012 et le
18 décembre 2013, puis au taux de 50 % jusqu'à la date de la consolidation de son état de santé, le 1er septembre 2015, soit pendant 713 jours. Il y a lieu de confirmer la somme de 10 000 euros accordée en première instance au titre de ce chef de préjudice.
S'agissant des souffrances endurées :
18. Les souffrances endurées par M. E...du fait de la silicose dont il est atteint ont été estimées par l'expert médical à 5 sur une échelle de 7. Le tribunal n'a pas fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 12 000 euros.
S'agissant du préjudice esthétique temporaire :
19. M. E...a subi un préjudice esthétique temporaire réduit, qui a été évalué à 1 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert. Il y a lieu de confirmer la somme de 500 euros accordée en première instance au titre de ce chef de préjudice.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
20. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport établi le 1er septembre 2015 par le Dr F... et de la réponse aux dires du 29 mars 2016, que M. E...conserve, depuis la consolidation de son état de santé intervenue le 1er septembre 2015 alors qu'il était âgé de 62 ans, un déficit fonctionnel permanent de 40 %. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'estimant à la somme de 60 000 euros.
S'agissant des troubles dans les conditions d'existence :
21. M. E... justifie d'un préjudice d'agrément, étant désormais notamment dans l'impossibilité de pratiquer ainsi qu'il le faisait habituellement le bricolage, le vélo et la promenade. Le préjudice sexuel a été évalué à " léger " par l'expert. Dans ces conditions, la somme de 6 000 euros accordée par les premiers juges en raison des troubles de toute nature ainsi subis par M. E...dans ses conditions d'existence, laquelle inclut la réparation du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel, doit également être maintenue.
S'agissant du préjudice esthétique :
22. Le préjudice esthétique permanent de M. E...a été évalué par l'expert à 1 sur une échelle allant de 1 à 7. Le tribunal n'a pas fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 500 euros.
23. Il résulte de ce qui précède que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a limité à 89 000 euros le montant de l'indemnité que l'Etat a été condamné à lui verser et a rejeté sa demande de condamnation solidaire de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à l'indemniser des préjudices résultant de sa maladie professionnelle. Il y a lieu de porter à 134 000 euros l'indemnité allouée à M. E...et de prononcer la condamnation solidaire de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser cette somme.
Sur les frais d'expertise :
24. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 500 euros doivent, dans les circonstances de l'espèce, être mis à la charge définitive solidaire de l'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Sur les frais liés à l'instance :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M.E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur une somme de 2 000 euros à verser à M. E...au titre des frais de cette nature.
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à M.E..., par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 avril 2017, est portée à 134 000 euros. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur est condamnée solidairement avec l'Etat à verser cette somme à M.E....
Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 500 euros, sont mis à la charge définitive solidaire de l'Etat et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Article 3 : Les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 avril 2017 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur verseront solidairement à M. E... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...et les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Copie en sera adressée au DrF..., expert.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président,
- M. D...et Mme Tahiri, premiers conseillers.
Lu en audience publique le 20 novembre 2018.
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N° 17MA02779