CAA de DOUAI, 3e chambre - formation à 3, 31/01/2019, 17DA00685, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 avril 2013 par lequel le maire de la commune de Mont-Saint-Aignan l'a placée en demi-traitement à compter du 21 avril 2013 ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux formé le 5 décembre 2014 et de condamner la commune de Mont-Saint-Aignan à lui verser une somme de 32 000 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant de son accident de service, ainsi qu'une somme de 4 927 euros au titre des traitements dont elle a été privée du fait de l'illégalité de l'arrêté du 15 avril 2013.
Par un jugement n° 1501076 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Rouen a condamné la commune de Mont-Saint-Aignan à verser à Mme A...une somme de 1 500 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la réception par la commune de sa réclamation préalable du 5 décembre 2014, en réparation du préjudice de douleur résultant de l'accident de service, et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2017, MmeA..., représentée par Me D...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice à la somme de 1 500 euros ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Mont-Saint-Aignan du 15 avril 2013 ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux ;
3°) de condamner la commune de Mont-Saint-Aignan à lui verser la somme de 15 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable, en réparation des préjudices résultant de l'accident du service, ainsi que la somme de 4 927 euros au titre des salaires non perçus du fait de l'arrêté du 15 avril 2013 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Mont-Saint-Aignan la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., adjointe technique territoriale, occupe des fonctions d'agent d'entretien au sein de la commune de Mont-Saint-Aignan. Le 13 décembre 2012, elle a été victime d'un accident de service en déplaçant une poutre et a bénéficié d'un arrêt de travail à ce titre jusqu'au 30 janvier 2013. Elle a de nouveau été placée en congé de maladie du 8 février au 31 juillet 2013 pour maladie ordinaire, puis en congé pour grossesse pathologique et enfin en congé de maternité. Par un arrêté du maire du 15 avril 2013, elle a été placée rétroactivement en congé à demi-traitement à compter du 21 avril 2013. Mme A...a formé deux recours gracieux contre cet arrêté. Le premier a été rejeté expressément par le maire le 14 mars 2014 et le second a été rejeté implicitement. Mme A...relève appel du jugement du 14 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a limité à la somme de 1 500 euros l'indemnisation des préjudices résultant de cet accident de service et a rejeté, d'une part, le surplus de ses conclusions indemnitaires et, d'autre part, ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté du 15 avril 2013 et de la décision rejetant son recours gracieux, qu'il a estimé irrecevables.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2013 et de la décision rejetant implicitement le second recours gracieux formé contre cet arrêté :
2. Mme A...réitère en cause d'appel ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2013 et de la décision rejetant implicitement son second recours gracieux, sans contester les motifs par lesquels les premiers juges ont estimé ces conclusions irrecevables en raison de leur tardiveté. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de rejeter ces conclusions comme tardives et, par suite, irrecevables.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie.
4. Mme A...n'établit, ni même n'allègue, remplir les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité. Si elle soutient que l'accident de service résulte d'une faute commise par la commune, elle a elle-même, en tout état de cause, en décidant de déplacer seule une poutre très lourde, commis une faute de nature à exonérer entièrement la commune de sa responsabilité. Mme A...n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance de précisions sur ses préjudices extrapatrimoniaux, qu'elle limite désormais en appel à un montant de 15 000 euros. Il résulte de l'expertise judiciaire menée le 9 octobre 2014 par le docteur Gelis, que ce dernier a pris en compte les souffrances endurées par l'intéressée à la suite de cet accident de service et a estimé l'existence d'un préjudice de douleur à 2 sur une échelle de 7. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction qu'en fixant à un montant de 1 500 euros l'indemnité destinée à réparer le préjudice de douleur de MmeA..., le tribunal administratif de Rouen en ait fait une insuffisante appréciation.
5. Mme A...n'apporte aucune précision quant aux frais médicaux qu'elle soutient avoir engagés. Par suite, ses conclusions présentées, à ce titre, doivent être rejetées.
6. Mme A...se prévaut, par ailleurs, au soutien de ses conclusions indemnitaires, de l'illégalité de l'arrêté du 15 avril 2013 par lequel le maire de la commune l'a placée rétroactivement en congé à demi-traitement à compter du 21 avril 2013.
7. Toute illégalité commise par l'administration constitue, en principe, une faute de nature à engager sa responsabilité, à la condition qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.
8. Contrairement à ce que soutient la commune de Mont Saint-Aignan, la circonstance que l'arrêté en litige soit devenu définitif ne fait pas obstacle à ce que la requérante invoque son illégalité au soutien de ses conclusions tendant à obtenir la réparation des préjudices en résultant.
9. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'expertise médicale du 17 juin 2013 diligentée à la demande de la commune, la commission de réforme a estimé, dans son avis du 7 novembre 2013, que les soins et arrêts prescrits après le 31 janvier 2013 n'étaient pas imputables au service et devaient être pris en charge au titre de la maladie ordinaire. Par un arrêté du 15 avril 2013, le maire a, en conséquence, décidé que Mme A...devait être placée en mi-traitement à compter du 21 avril 2013 compte tenu des quatre-vingt-dix jours de congés de maladie ordinaire pris entre le 16 octobre 2012 et cette date et de l'impossibilité pour l'agent, en vertu de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, de bénéficier d'un nombre supérieur de jours de congés de maladie à plein traitement pendant une période de douze mois consécutifs. Toutefois, il résulte de l'instruction et, en particulier, du rapport d'expertise du 9 octobre 2014 établi par l'expert désigné par le tribunal administratif que l'état de santé de Mme A...doit être regardé comme consolidé à compter du 31 juillet 2013, et que ses arrêts de travail et soins antérieurs à cette date sont directement liés à son accident de service survenu le 13 décembre 2012. Par suite, c'est à tort que Mme A...a été rétroactivement placée en mi traitement à compter du 21 avril 2013. L'illégalité de l'arrêté du 15 avril 2013 est ainsi constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.
10. Mme A...soutient qu'elle a subi un préjudice correspondant au total des demi-traitements dont elle a été privée à compter du 21 avril 2013 et qu'elle évalue, sans produire de justificatifs, à la somme de 4 729 euros. Toutefois, la commune de Mont Saint-Aignan soutient sans être contredite que la somme due pour la période comprise entre le 21 avril 2013 et le 31 juillet 2013 n'est égale qu'à 1 609,59 euros. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la commune de Mont Saint- Aignan à verser à Mme A...cette somme de 1 609,59 euros. Elle s'ajoutera à la somme de 1 500 euros que la commune de Mont-Saint-Aignan a déjà été condamnée à verser à Mme A...par le jugement du 14 février 2017 du tribunal administratif de Rouen en réparation du préjudice de douleur consécutif à l'accident de service, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la réception par la commune de sa réclamation préalable du 5 décembre 2014.
11. Il y a lieu d'assortir la somme de 1 609,59 euros que la commune de Mont-Saint-Aignan est condamnée à verser à Mme A...des intérêts au taux légal à compter de la réception par la commune de sa demande préalable du 5 décembre 2014.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée, dans la seule mesure de ce qui a été dit au point 10, à demander la réformation du jugement du 14 février 2017 du tribunal administratif de Rouen.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Mont Saint-Aignan le versement à Mme A...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Mont-Saint-Aignan au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 1 500 euros que la commune de Mont-Saint-Aignan a été condamnée à verser à MmeA..., par le jugement du 14 février 2017 du tribunal administratif de Rouen, est portée à 3 109,59 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par la commune de sa réclamation préalable du 5 décembre 2014.
Article 2 : Le jugement mentionné à l'article 1er ci-dessus est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Mont-Saint-Aignan versera à Mme A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Mont-Saint-Aignan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et à la commune de Mont- Saint-Aignan.
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