CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 26/03/2019, 17NC00897, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 6 mai 2014 par laquelle le directeur de l'établissement public de santé Alsace Nord (EPSAN) a refusé de reconnaitre comme imputable au service l'affection dont elle est atteinte du fait de la vaccination contre le virus de l'hépatite B qu'elle a dû subir et, d'autre part, d'enjoindre à cet établissement, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, de reconstituer les droits auxquels elle pouvait prétendre au titre du régime des accidents de service, au besoin d'ordonner à l'établissement de procéder aux rappels correspondant et au calcul de l'allocation temporaire d'invalidité, et d'ordonner l'indemnisation de l'ensemble des frais qu'elle a acquittés et qui auraient dus être pris en charge par son employeur.
Par un jugement n° 1403621 du 16 février 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 6 mai 2014 par laquelle le directeur de l'établissement public de santé Alsace Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont est atteinte Mme B... et a enjoint au centre hospitalier de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B...et d'en tirer toutes les conséquences de droit dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 30 novembre 2018, l'établissement public de santé Alsace Nord, représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 février 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que :
- il n'appartenait pas au directeur de l'établissement de se prononcer sur l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre MmeB... ; seule la commission de réforme était compétente pour se prononcer sur cette imputabilité ;
- la décision du Conseil d'Etat ne statue pas sur la question de l'imputation au service de la maladie de Mme B...mais se prononce uniquement sur le lien entre le vaccin et le développement de cette sclérose en plaques sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique.
Par des mémoires enregistrés le 28 septembre 2017 et le 19 décembre 2018, Mme B..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par le centre hospitalier ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- et les conclusions de Mme Kohler , rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...a été recrutée par l'établissement public de santé Alsace Nord (EPSAN) en 1991 en qualité d'agent des services hospitaliers. Elle a subi, dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à cette activité professionnelle, trois injections d'un vaccin contre le virus de l'hépatite B en octobre et novembre 1992 et en janvier 1993, puis un rappel de ce vaccin le 24 novembre 1993. Atteinte d'une sclérose en plaques diagnostiquée en septembre 1994, elle a recherché, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, la responsabilité de l'Etat au titre de cette affection qu'elle imputait à la vaccination qu'elle avait subie. Par une décision du 6 novembre 2013, le Conseil d'Etat a considéré que la sclérose en plaques développée par Mme B...pouvait être regardée comme étant imputable à cette vaccination. Il a ainsi condamné l'Etat à verser à l'intéressée une somme de 40 000 euros. Par un courrier du 27 janvier 2014, Mme B...a, par ailleurs, demandé au directeur de l'établissement public de santé mentale Alsace Nord de reconnaitre l'imputabilité au service de la sclérose en plaques dont elle est atteinte et d'en tirer les conséquences juridiques et financières. Cette demande a été rejetée par une décision du 6 mai 2014. Par un jugement du 16 février 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et a enjoint au centre hospitalier de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B...et d'en tirer toutes les conséquences de droit dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. L'établissement public de santé mentale Alsace Nord relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
3. En premier lieu, Mme B...a saisi l'établissement public de santé mentale Alsace Nord afin que la sclérose en plaques dont elle est atteinte soit reconnue comme étant imputable au service. La demande de Mme B...tendait notamment au bénéfice des avantages prévus par les dispositions précitées du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986. Pour contester le jugement attaqué, l'EPSAN fait valoir que le directeur de l'établissement n'était pas compétent pour se prononcer sur cette demande qui relevait, selon lui, de la seule compétence de la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. Toutefois, s'il résulte des dispositions précitées que la commission de réforme devait être saisie pour avis, il appartenait bien au directeur de l'établissement lui-même, en application de l'article 6 de la loi du 9 janvier 1986, de se prononcer sur l'imputabilité au service de la maladie de MmeB....
4. En second lieu, si dans sa décision du 6 novembre 2013, le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur la question de l'imputation au service de la maladie de MmeB..., il a reconnu l'existence d'un lien entre la vaccination obligatoire subie par l'intéressée et le développement de sa sclérose en plaques. Il ne ressort par ailleurs d'aucune des pièces du dossier que la pathologie dont est atteinte Mme B...ne serait pas en lien avec la vaccination obligatoire qu'elle a subie dans le cadre de ses fonctions.
5. Il résulte de ce qui précède que l'établissement public de santé mentale Alsace Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 6 mai 2014 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... et d'en tirer toutes les conséquences de droit.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public de santé mentale Alsace Nord une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'établissement public de santé Alsace Nord est rejetée.
Article 2 : L'établissement public de santé Alsace Nord versera une somme de 1 500 euros à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et à l'établissement public de santé Alsace Nord.
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N° 17NC00897