Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 10/04/2019, 412651

Information de la jurisprudence
Date de décision10 avril 2019
Num412651
Juridiction
Formation7ème - 2ème chambres réunies
RapporteurM. Thomas Pez-Lavergne
CommissaireM. Gilles Pellissier
AvocatsSCP ROUSSEAU, TAPIE

Vu la procédure suivante :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 20 avril 2015 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui octroyer une pension de réversion en tant qu'orpheline majeure infirme et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de lui verser cette pension à compter du 31 mai 2013 dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par un jugement n° 1502567 du 5 mai 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 17MA02681 du 17 juillet 2017, enregistrée le 20 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi enregistré le 28 juin 2017 au greffe de cette cour, présenté par MmeA.... Par ce pourvoi et par deux nouveaux mémoires, enregistrés les 28 août et 13 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. D...Pez-Lavergne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. B...Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de MmeA....



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeA..., dont le père, décédé le 6 avril 2013, percevait une pension militaire de retraite, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 20 avril 2015 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui octroyer une pension de réversion en tant qu'orpheline majeure infirme. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 5 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Chaque orphelin a droit jusqu'à l'âge de vingt et un ans à une pension égale à 10 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu'il aurait pu obtenir au jour de son décès, et augmentée, le cas échéant, de 10 % de la rente d'invalidité dont il bénéficiait ou aurait pu bénéficier (...) / Pour l'application des dispositions qui précèdent, sont assimilés aux enfants âgés de moins de vingt et un ans les enfants qui, au jour du décès de leur auteur, se trouvaient à la charge effective de ce dernier par suite d'une infirmité permanente les mettant dans l'impossibilité de gagner leur vie. (...) Elle est suspendue si l'enfant cesse d'être dans l'impossibilité de gagner sa vie. / (...) ".

3. Ces dispositions subordonnent le bénéfice de la pension de réversion pour l'enfant de plus de vingt et un ans atteint d'une infirmité à la condition, d'une part, que ce dernier soit à la charge effective de son parent, titulaire de la pension, au jour de son décès et, d'autre part qu'il soit dans l'impossibilité de gagner sa vie. Pour vérifier si l'orphelin infirme est à la charge effective de son parent, il y a lieu de prendre en compte l'ensemble de ses revenus, à l'exception des pensions ou allocations qu'il perçoit du fait de son infirmité. En revanche, seuls les revenus d'origine professionnelle de l'enfant doivent être pris en compte pour apprécier si cette infirmité l'empêche d'exercer une activité professionnelle lui permettant de subvenir à ses besoins.

4. Par suite, le tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit en prenant en compte la pension d'invalidité perçue par Mme A...pour vérifier si elle se trouvait à la charge effective de son père au sens des dispositions précitées de l'article L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Son jugement doit donc, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de l'instruction que Mme A...était atteinte, à la date du décès de son père, d'un handicap l'empêchant d'exercer une activité professionnelle et qu'elle était à la charge effective de son père, qui l'hébergeait et participait de manière continue à différentes dépenses de sa vie courante. Dès lors, elle remplissait les conditions requises pour bénéficier des dispositions précitées de L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite, alors même qu'elle percevait, à cette date, une pension civile d'invalidité au titre de son handicap. Elle est, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa demande, fondée à demander l'annulation de la décision du 20 avril 2015 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui octroyer une pension de réversion en tant qu'orpheline majeure infirme.

7. L'exécution de la présente décision implique que la demande de Mme A...soit accueillie. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de la défense de lui verser une pension de réversion en tant qu'orpheline majeure infirme à compter du 1er mai 2013.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à MmeA..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble de la procédure.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 5 mai 2017 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La décision du 20 avril 2015 par laquelle le ministre de la défense a refusé d'octroyer à Mme A...une pension de réversion en tant qu'orpheline majeure infirme est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de la défense de verser à Mme A...une pension de réversion en tant qu'orpheline majeure infirme à compter du 1er mai 2013.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C...A..., au ministre de l'action et des comptes publics et à la ministre des armées.

ECLI:FR:CECHR:2019:412651.20190410