CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 06/06/2019, 17VE00764, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 juin 2019
Num17VE00764
JuridictionVersailles
Formation6ème chambre
PresidentMme DOUMERGUE
RapporteurM. Jean-Edmond PILVEN
CommissaireM. ERRERA
AvocatsSELARL JEAN-PIERRE & WALGENWITZ AVOCATS ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.A... B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du président du conseil général des Yvelines, en date du 6 août 2012, portant placement en disponibilité d'office à compter du 14 juillet 2012, et la décision implicite de rejet de son recours gracieux en date du 19 décembre 2012, d'autre part, d'enjoindre au département des Yvelines, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, de le replacer dans une position statutaire régulière et de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 14 juillet 2012, notamment en ce qui concerne ses droits sociaux et ses droits à pension.

Par un jugement n° 1300915 du 9 janvier 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2017, M.B..., représenté par Me Sénéjean, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cet arrêté et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3° d'enjoindre au département des Yvelines de le replacer dans une position statutaire régulière et de reconstituer sa carrière à compter du 14 juillet 2012, notamment pour les droits sociaux et les droits à pension, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge du département des Yvelines le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur les possibilités de reclassement et que l'avis du comité médical du 5 avril 2012 mentionnait une inaptitude aux fonctions mais pas à toutes fonctions ;
- le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de fait en retenant à tort qu'il était reconnu inapte à toutes fonctions par l'avis du comité médical du 5 avril 2012 ;
- les décisions attaquées sont entachées d'illégalité dès lors qu'elles ont omis de reconnaitre l'imputabilité au service de sa maladie et que le tribunal administratif s'est borné à se référer à un jugement rendu le 19 septembre 2016 qui n'a pas l'autorité de la chose jugée ;
- les rapports médicaux produits au dossier ainsi que des attestations de personnel établissent l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ayant conduit à la dégradation de son état de santé ainsi que l'imputabilité au service de sa maladie ; il aurait ainsi dû pouvoir bénéficier d'une prolongation de son congé de longue durée au lieu d'être placé en disponibilité d'office.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., adjoint du patrimoine de 2ème classe, a été placé en disponibilité d'office à compter du 14 juillet 2012 par arrêté du président du conseil général des Yvelines en date du 6 août 2012, à la suite de l'avis rendu par le comité médical, dans sa séance du 5 avril 2012, concluant à une inaptitude définitive à toutes fonctions à la date du 14 juillet 2012 et à sa mise à la retraite pour invalidité. Par jugement du 9 janvier 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de son recours gracieux en date du 19 décembre 2012.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif a constaté que M. B...a été placé d'office en position de disponibilité pour maladie après que l'avis, rendu par le comité médical départemental le 5 avril 2012, a retenu son inaptitude définitive à l'exercice de toutes fonctions. Dès lors que le comité médical s'est ainsi prononcé sur l'inaptitude de l'agent à l'exercice de toutes fonctions et implicitement sur l'impossibilité à envisager un reclassement, le tribunal administratif n'a pas omis de se prononcer sur l'absence de reclassement de l'intéressé ni sur le moyen tiré du vice de procédure. Il a par ailleurs rendu un jugement suffisamment motivé en droit et en fait.

Sur le fond :

3. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an. Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie ; 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans (...) ". Aux termes de l'article 72 de la même loi : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 4 du décret n° 87-602 précité du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Le comité médical départemental est chargé de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les questions médicales soulevées par l'admission des candidats aux emplois publics, l'octroi et le renouvellement des congés de maladie et la réintégration à l'issue de ces congés, lorsqu'il y a contestation. Il est consulté obligatoirement pour : (...) f/ La mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement ; (...)". Aux termes de l'article 17 de ce décret : " (...) Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) ". Aux termes de l'article 37 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée attribuable, reprendre son service est soit reclassé (...), soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) ". Et aux termes de l'article 38 du même décret : " La mise en disponibilité visée aux articles 17 (...) du présent décret est prononcée après avis du comité médical (...) sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions (...). Le renouvellement de la mise en disponibilité est prononcé après avis du comité médical (...) ". Enfin, aux termes de l'article 30 du décret n° 2003-1306 précité du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande " et aux termes de l'article 39 du même décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande soit d'office (...) ".

5. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées précitées qu'un fonctionnaire territorial ne peut être placé d'office en position de disponibilité pour maladie qu'après que l'avis du comité médical départemental sur son inaptitude à reprendre ses fonctions a été recueilli. En outre, un fonctionnaire territorial qui a été, à l'issue de la période de congés de maladie ordinaire, reconnu par le comité médical définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, ne peut qu'être admis à la retraite, soit d'office, soit sur sa demande, après avis de la commission de réforme. Il appartient à l'autorité administrative, qui est tenue de placer l'intéressé dans une position statutaire régulière, de placer d'office l'agent en position de disponibilité jusqu'à ce que la commission de réforme se soit prononcée sur sa radiation des cadres et de saisir cette commission dans les plus brefs délais suivant l'avis du comité médical.

6. Comme mentionné au point 2, le comité médical a rendu un avis le 5 avril 2012 aux termes duquel M. B...a été reconnu inapte définitif à toutes fonctions et devait être mis à la retraite pour invalidité. M. B...ne peut donc soutenir que le tribunal administratif a commis une erreur de fait en ne retenant pas qu'il n'a été reconnu inapte qu'à l'exercice de ses fonctions.

7. En deuxième lieu, M. B...soutient qu'il ne pouvait être placé en disponibilité d'office au motif qu'il aurait dû bénéficier d'une prolongation de son congé de longue durée et que le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur le jugement qu'il a rendu le 19 septembre 2016 et par lequel il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 1er juillet 2013 prises par le directeur des ressources humaines du département des Yvelines et par le conseiller général délégué au personnel. Toutefois, il ressort des termes du jugement du 9 janvier 2017, dont M. B... demande l'annulation, que le tribunal, pour décider que M. B... ne remplissait pas les conditions pour que l'imputabilité de sa maladie au service soit reconnue, s'est borné à constater que par le précédent jugement du 19 septembre 2016 il avait rejeté la demande d'annulation des décisions refusant la saisine de la commission de réforme dans le but de faire requalifier son congé de longue durée en congé de longue durée pour une maladie contractée dans l'exercice des fonctions, ainsi qu'il était en droit de le faire, quand bien même ledit jugement n'était pas devenu définitif.

8. En troisième lieu, si M. B...soutient que sa dépression nerveuse est le résultat d'un harcèlement moral subi dans l'exercice de ses fonctions, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision de placement en disponibilité d'office qu'il conteste. Cette circonstance ne serait de nature qu'à remettre en cause les décisions du 1er juillet 2013 par lesquelles le directeur des ressources humaines du département des Yvelines et le conseiller général délégué au personnel ont refusé sa demande de prolongation de congé de longue durée pour imputabilité de sa maladie au service. Par ailleurs, l'arrêté contesté qui se borne à placer l'intéressé en disponibilité ne se prononce pas sur l'imputabilité au service de sa maladie, laquelle relève d'une procédure distincte et fait l'objet d'un arrêt n° 16VE03323 de ce jour, enjoignant au département de statuer à nouveau sur la demande d'imputabilité au service présentée par M.B.... Ainsi ce moyen soulevé à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision le plaçant en disponibilité a en fait trait à la légalité des décisions du 1er juillet 2013 refusant d'admettre l'imputabilité au service de la pathologie dont il est atteint. Un tel moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 6 août 2012 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 19 décembre 2012. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent aussi être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Le département des Yvelines n'étant pas dans la présente instance la partie perdante, les conclusions de M. B...tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...une somme à verser au département des Yvelines en application de ces dispositions.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Yvelines tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 17VE00764