CAA de MARSEILLE, , 06/06/2019, 19MA01343 - 19MA01344, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 juin 2019
Num19MA01343 - 19MA01344
JuridictionMarseille
AvocatsSCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER & ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une provision de 34 400 euros en réparation de son préjudice extrapatrimonial résultant d'un accident de service dont elle a été victime.

Par une ordonnance n° 1806000 du 12 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre communal d'action sociale de Montpellier à verser à Mme B... une provision de 27 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 22 mars 2019 sous le n° 19MA01343, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représenté par la SCP d'avocats Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et Associés, demande au juge des référés de la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 mars 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
* l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;
* l'indemnisation de chefs de préjudices autres que ceux réparés par le versement de l'allocation temporaire d'invalidité (ATI) ne peut être accordée qu'à la condition que leur existence soit établie ;
* en l'espèce, la provision allouée par le premier juge a été déterminée, en son montant, de manière automatique au regard du taux de l'incapacité permanente partielle (IPP) alors que, par ailleurs, par une ordonnance faisant l'objet d'un recours pendant devant la Cour, le premier juge a ordonné une expertise aux fins d'évaluation du préjudice subi par Mme B...;
* ainsi, la provision allouée, qui n'est justifiée dans son montant par aucun élément médical précis ne peut être regardée comme se rattachant à une obligation non sérieusement contestable ;
* la seule obligation pesant sur lui réside dans le versement à l'intéressée de l'ATI, qui vient compenser les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique et, en conséquence, Mme B... ne pouvait être indemnisée sur ce même fondement par l'octroi de la provision en litige ;
* de plus, le versement de cette provision injustifiée constitue un enrichissement sans cause de l'intéressée.


Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 8 avril 2019, Mme B..., représentée par Me C..., conclut, à titre principal, à la condamnation du centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser la provision réclamée en première instance, soit la somme de 34 400 euros, à titre subsidiaire, à la confirmation de l'ordonnance attaquée et à ce qu'une somme de 600 euros soit mise à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* l'obligation dont elle se prévaut n'est pas sérieusement contestable puisque la provision réclamée a trait à l'indemnisation de ses préjudices extrapatrimoniaux qui ne sont pas compensés par le versement de l'ATI qui compense les pertes de salaires et les incidences professionnelles ;
* les préjudices extrapatrimoniaux correspondent au taux d'IPP, taux fixé par le Dr Deblock et qui est reconnu par le centre communal d'action sociale;
* l'IPP correspond au déficit fonctionnel permanent partiel (DFPP) qui se définit comme un préjudice extrapatrimonial et la jurisprudence admet que ce préjudice soit évalué en fonction du taux d'IPP ou du taux du DFPP ;
* en tenant compte du barème des préjudices corporels des cours d'appel, elle est en droit de demander, étant âgée de 57 ans, la somme de 34 400 euros.

II. Par une requête, enregistrée le 22 mars 2019 sous le n° 19MA01344, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représentée par la SCP d'avocats Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et Associés, demande au juge des référés de la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-6 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de l'ordonnance du 12 mars 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* l'exécution de l'ordonnance attaquée risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
* il fait valoir des moyens sérieux à l'appui de sa demande d'annulation de cette ordonnance et du rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2019, Mme B..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 600 euros soit mise à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* le centre communal d'action sociale ne démontre pas l'existence de conséquences difficilement réparables dans l'hypothèse de l'exécution de l'ordonnance attaquée ;
* il ne fait valoir aucun moyen sérieux justifiant l'annulation de l'ordonnance attaquée.


Vu :
- Vu la décision du 1er septembre 2018 de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille désignant Mme D..., présidente de la 9ème chambre, pour juger les référés.
- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., auxiliaire de soins principal exerçant ses fonctions au sein des services du centre communal d'action sociale de Montpellier, a été victime, le 30 juillet 2014, d'un accident de service. Par un arrêté du 11 octobre 2018, le président du centre communal d'action sociale de Montpellier, suivant l'avis favorable de la commission de réforme du 28 septembre 2018 ayant retenu notamment un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 20 %, a reconnu imputable au service l'accident dont a été victime l'intéressée et a fixé la date de consolidation de son état de santé au 18 juin 2018. Par un courrier du 23 août 2018, l'intéressée a formé auprès du président du centre communal d'action sociale de Montpellier une réclamation préalable indemnitaire restée sans réponse. Le 7 décembre 2018, Mme B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'une demande d'allocation d'une provision, d'un montant de 34 400 euros, en réparation du préjudice extrapatrimonial résultant de son accident de service. Par une ordonnance du 12 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre communal d'action sociale de Montpellier à verser à Mme B... une provision de 27 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande. Le centre communal d'action sociale de Montpellier relève appel de cette ordonnance et en sollicite le sursis à l'exécution. Par la voie d'un appel incident, Mme B... demande le versement de la provision à hauteur du montant réclamé devant le tribunal.
Sur la jonction des requêtes :
2. Les requêtes, enregistrées sous le n° 19MA01343 et 19MA01344, présentées pour le centre communal d'action sociale de Montpellier sont dirigées contre la même ordonnance et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même ordonnance.

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Il résulte de l'examen de l'ordonnance attaquée que le premier juge, après avoir rappelé l'état du droit applicable et indiqué qu'il résultait de l'instruction, en particulier de l'expertise médicale menée par le Dr Deblock, médecin agréé, le 18 juin 2018, et de l'avis favorable de la commission de réforme, que Mme B..., victime d'un accident de service reconnu imputable au service, avait vu son état de santé consolidé au 18 juin 2018 et s'était vue reconnaître un taux d'IPP de 20 %, a jugé que, même en l'absence de faute de la collectivité, l'intéressée pouvait prétendre, au titre de son préjudice personnel, à une provision à hauteur de 27 000 euros. Ce faisant, le premier juge a énoncé les circonstances de fait et de droit sur lesquelles il s'est fondé pour estimer que la créance dont se prévalait Mme B... présentait un caractère non sérieusement contestable à hauteur de cette somme. Il a ainsi suffisamment motivé son ordonnance. Par suite le moyen tiré de son irrégularité, pour ce motif, doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".
S'agissant de l'obligation du centre communal d'action sociale de Montpellier :
5. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité d'une personne publique ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.
6. D'une part, compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. En conséquence, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le versement éventuel à Mme B... d'une allocation temporaire d'invalidité n'est pas de nature à faire obstacle à ce que cet agent puisse réclamer à sa collectivité employeur une indemnité au titre du préjudice extrapatrimonial qu'elle estimait avoir subi du fait de son accident de service.
7. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise médicale menée par le Dr Deblock le 18 juin 2018, dont les conclusions ne sont pas remises en cause par le centre communal d'action sociale de Montpellier qui n'a versé au dossier aucun élément médical précis de nature à les infirmer, que Mme B... a été victime d'un accident de service à l'origine d'un traumatisme de l'épaule droite et du rachis lombaire se traduisant à cette date, correspondant à la date de consolidation de l'état de santé de l'intéressée, par une inaptitude absolue et définitive à l'exercice de ses fonctions et à l'impossibilité pour l'intéressée de mener des activités manuelles de manutention ou d'effectuer des mouvements répétitifs au niveau du membre supérieur droit, ce qui a conduit l'expert à proposer un taux d'IPP de 20 %. Ce taux, après avis favorable de la commission de réforme, n'est pas contesté par le centre communal d'action sociale de Montpellier. Ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a estimé, au vu de ces éléments permettant d'établir la réalité du préjudice personnel subi par l'intéressée, que Mme B... justifiait à l'égard du centre communal d'action sociale de Montpellier, même en l'absence de faute de ce dernier, d'une obligation non sérieusement contestable.

S'agissant du montant de la provision :

8. Eu égard au taux, non contesté, du déficit fonctionnel permanent fixé à 20 % et de l'âge de Mme B..., soit 57 ans à la date de consolidation de son état de santé, le premier juge, qui a tenu compte de l'ensemble des troubles affectant l'intéressée et décrits par l'expert médical dans son rapport, a fait une appréciation ni excessive ni insuffisante de ce chef de préjudice en allouant une provision à hauteur d'une somme de 27 000 euros. La circonstance que le juge des référés du tribunal administratif ait, antérieurement à l'ordonnance attaquée, prescrit une mesure d'expertise aux fins de déterminer l'étendue des préjudices subis par Mme B... à la suite de son accident de service, par une ordonnance du 6 février 2019, dont le bien-fondé a été confirmé par une ordonnance de la présidente de la Cour du 16 avril 2019, et dont l'objet visait à parfaire l'évaluation de l'ensemble des préjudices subis par l'agent , n'est pas de nature à remettre en cause le caractère non sérieusement contestable de la créance de Mme B... à hauteur de la provision accordée par le premier juge. La provision allouée étant justifiée dans son principe et son montant, Le centre communal d'action sociale de Montpellier ne peut utilement faire valoir que Mme B... aurait bénéficié d'un enrichissement sans cause.



9. Il résulte de tout ce qui précède que le centre communal d'action sociale de Montpellier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a alloué à Mme B... une provision de 27 000 euros. Pour sa part, Mme B... n'est pas fondée, par la voie de l'appel incident, à demander la réformation de cette ordonnance et à ce que la provision allouée soit portée à la somme de 34 400 euros.

Sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution de l'ordonnance attaquée :

10. Le présent arrêt statuant sur les conclusions du centre communal d'action sociale de Montpellier tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 12 mars 2019, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au sursis à l'exécution de cette ordonnance.
Sur les frais liés au litige :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties au litige la charge des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Montpellier tendant au sursis à l'exécution de l'ordonnance du 12 mars 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes du centre communal d'action sociale de Montpellier est rejeté.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident de Mme B... et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au centre communal d'action sociale de Montpellier et à Mme A... B....


Fait à Marseille, le 6 juin 2019

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N° 19MA01343 - 19MA01344