CAA de MARSEILLE, , 16/09/2019, 19MA03358, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision16 septembre 2019
Num19MA03358
JuridictionMarseille
AvocatsBETROM

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser la somme de 19 500 euros à titre de provision sur les indemnités qu'elle estime lui être dues en réparation des dommages consécutifs à un accident de service.

Par une ordonnance n° 1901948 du 16 juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2019, rectifiée le 24 juillet 2019, Mme B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 16 juillet 2019 ;

2°) statuant en référé, de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une provision de 19 500 euros ;

3°) de mettre le versement de la somme de 600 euros à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- la provision est demandée pour l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux due au titre de la responsabilité sans faute de son employeur dans le cadre d'une maladie professionnelle ;
- le déficit fonctionnel permanent est indemnisable à ce titre.


La requête a été communiquée au centre communal d'action sociale de Montpellier qui n'a pas produit de mémoire.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;
- le code de justice administrative ;

Le président de la Cour a désigné M. Vanhullebus, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.




Considérant ce qui suit :

1. Alors aide-soignante, Mme B... a été victime, au mois de juin 2005, d'un accident qui a été reconnu imputable au service. Le centre communal d'action sociale de Montpellier a également pris en charge les soins consécutifs aux rechutes du 5 juillet 2010, du 25 octobre 2011, du 29 novembre 2012 et du 24 novembre 2017. L'agent ayant demandé une réévaluation du taux d'incapacité permanente partielle, la commission de réforme a émis l'avis, le 13 décembre 2018, après expertise, que le taux global de l'incapacité permanente partielle soit fixé à 15 %, dont 3 % correspondant à l'état antérieur, consécutif à l'accident initial, consolidé le 5 octobre 2012. Le centre communal d'action sociale de Montpellier a indiqué suivre cet avis par une décision du 20 décembre 2018. Le 29 janvier 2019, Mme B... a demandé à son employeur le versement d'une somme de 25 500 euros à titre d'indemnité en réparation des préjudices extra-patrimoniaux qu'elle estime avoir subis. Sa réclamation étant restée sans réponse, l'intéressée a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une provision de 19 500 euros. Mme B... fait appel de l'ordonnance du 16 juillet 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.


3. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et à leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.


4. Mme B..., qui fait valoir qu'elle est en droit de solliciter, même en l'absence de faute de l'administration, la réparation des préjudices extra-patrimoniaux consécutifs à l'accident de service dont elle a été victime, se prévaut de l'obligation qui incombe au centre communal d'action sociale de Montpellier de la garantir contre les risques qu'elle a pu courir dans l'exercice de leurs fonctions. En se fondant à la fois sur le rapport du 3 septembre 2018 de l'expertise préalable à l'avis de la commission de réforme du 13 décembre 2018 qui a évalué son taux d'incapacité à 15 % et sur un barème judiciaire qui estime à 1 300 euros le point d'incapacité permanente partielle, la provision de 19 500 euros réclamée par la requérante doit être regardée comme demandée en réparation du seul déficit fonctionnel permanent. Le centre communal d'action sociale ne peut dès lors utilement contester son obligation en faisant valoir que Mme B... ne distinguerait pas la nature ni l'évaluation des divers préjudices extrapatrimoniaux dont elle est susceptible de demander l'indemnisation.


5. La réalité et l'importance de l'incapacité permanente partielle en lien avec l'exercice des fonctions conservée par la requérante sont suffisamment établies par le rapport d'expertise mentionné au point précédent, qui met le juge des référés à même de se prononcer sur le bien-fondé des conclusions portées devant lui, alors même que l'expert ne s'est pas prononcé sur l'existence d'autres préjudices extrapatrimoniaux dont Mme B... ne demande au demeurant pas l'indemnisation dans le cadre de la présente instance.


6. Ainsi qu'il a été indiqué au point 3, l'allocation temporaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Contrairement à ce que prétend le centre communal d'action sociale, cette allocation n'a ainsi pas vocation à indemniser l'incapacité permanente partielle, laquelle est au nombre des préjudices extrapatrimoniaux. Il suit de là que le centre communal d'action sociale de Montpellier n'est pas fondé à soutenir que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent conservé par Mme B... constituerait pour elle un enrichissement sans cause.


7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise déjà mentionné fixant à 15 % le taux d'incapacité permanente partielle, que l'obligation du centre communal d'action sociale présente, eu égard à l'âge de la requérante, un caractère non sérieusement contestable à hauteur de la somme de 19 000 euros. Le centre communal d'action sociale ne peut utilement faire valoir que Mme B... ne démontre pas l'existence d'une urgence à percevoir cette somme. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de subordonner le versement de la provision de 19 000 euros à la constitution d'une garantie.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier le versement de la somme de 600 euros réclamée par Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


ORDONNE


Article 1er : L'ordonnance du 16 juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : Le centre communal d'action sociale de Montpellier est condamné à verser à Mme B... une provision de 19 000 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le centre communal d'action sociale de Montpellier versera à Mme B... la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... B... et au centre communal d'action sociale de Montpellier.


Fait à Marseille, le 16 septembre 2019.
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N°19MA03358