Conseil d'État, 7ème chambre, 04/10/2019, 426240, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision04 octobre 2019
Num426240
Juridiction
Formation7ème chambre
RapporteurM. François Lelièvre
CommissaireM. Gilles Pellissier
AvocatsSCP BOUZIDI, BOUHANNA

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de réversion de la pension d'ancien combattant de son mari décédé. Par un jugement n° 1601035 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et a enjoint à la ministre des armées de liquider et de verser à Mme A... la pension de retraite due.

Par un pourvoi, enregistré le 13 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 2009-1052 du 26 août 2009 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Poitiers a regardé le courrier, adressé au ministre de la défense par le conseil de Mme A... le 27 novembre 2014, comme constituant une demande de réversion de la pension militaire de retraite dont aurait bénéficié le défunt mari de cette dernière. Pour prononcer l'annulation de la décision implicite de rejet né du silence gardé par l'administration sur cette demande, le tribunal a retenu, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, le ministre de la défense était réputé avoir acquiescé aux affirmations de Mme A..., selon lesquelles son mari percevait une pension militaire de retraite et était décédé sans que le mariage ait été dissous, et, d'autre part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 39 et L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite, Mme A... avait droit à la réversion sollicitée dès lors qu'elle satisfaisait aux conditions fixées par ces dispositions.

2. Toutefois, ainsi que la ministre des armées le fait valoir dans son pourvoi, il ne résulte ni de la demande qui avait été adressée à l'administration, ni de la requête devant le tribunal administratif, qui ne se référaient qu'aux dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, que Mme A... avait sollicité le bénéfice de la réversion de la pension militaire de retraite qui aurait été concédée à son mari décédé sur le fondement du code des pensions civiles et militaires de retraite, ni même évoqué l'existence d'une telle pension. Aussi, en relevant que la ministre des armées avait acquiescé à des faits non mentionnés dans la requête et en lui enjoignant, après avoir annulé le refus qu'elle avait opposé à la demande dont l'administration avait été saisie, de procéder à la liquidation et au versement d'une pension de retraite qui n'avait pas été sollicitée, le tribunal administratif de Poitiers s'est mépris sur la portée des écritures de Mme A... et a entaché son jugement d'une erreur de droit. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

4. Il résulte tant de la demande adressée à l'administration que des termes de la requête présentée au tribunal administratif de Poitiers que Mme A... a sollicité le bénéfice de la réversion d'une pension de retraite de combattant en se prévalant de pièces attestant que son mari, désormais décédé, avait été militaire du rang entre la fin du mois d'octobre 1954 et la fin du mois de septembre 1962 et avait participé à des opérations à caractère militaire en Algérie. Toutefois, d'une part, ni ces écritures, ni les pièces produites ne font état d'une pension militaire de retraite dont son mari aurait bénéficié avant son décès sur le fondement des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite et dont la ministre des armées conteste l'existence. D'autre part, si Mme A... se prévaut, dans sa requête, des dispositions des articles L. 1 et L. 1 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicables, les dispositions de l'article L. 255 du même code prévoient que la pension du combattant n'est, en tout état de cause, pas réversible. Dans ces conditions, les éléments produits par Mme A... ne sont pas de nature à établir le bien fondé de la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif de Poitiers. Par suite, celle-ci ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 11 octobre 2018 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Poitiers et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à Mme B... A....

ECLI:FR:CECHS:2019:426240.20191004