CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 29/10/2019, 17BX02464, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision29 octobre 2019
Num17BX02464
JuridictionBordeaux
Formation3ème chambre
PresidentM. NAVES
RapporteurMme Fabienne ZUCCARELLO
CommissaireMme MOLINA-ANDREO
AvocatsHIRTZLIN-PINÇON

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner La Poste à lui verser la somme totale de 286 967 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa mise à la retraite pour invalidité.

Par un jugement n° 1502665 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2017, M. A..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 mai 2017 ;

2°) de condamner La Poste à lui verser la somme totale de 304 319 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa mise à la retraite pour invalidité, assortie de l'anatocisme ;

3°) de mettre à la charge de La Poste, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :
- La Poste a commis une faute en ne lui proposant pas de reclassement à la suite de son dernier congé de longue maladie alors qu'il n'était pas inapte à toute fonction mais seulement inapte à reprendre ses fonctions antérieures ainsi que cela est mentionné dans la concession de congé de longue maladie du 13 octobre 2010 et ainsi que l'a reconnu la MDPH en lui accordant la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé ;
- La Poste l'a contraint à demander sa retraite pour invalidité, cela ne résulte pas d'un choix de sa part ;
- il a subi des préjudices résultant de la différence entre le montant de sa retraite pour invalidité et le montant des rémunérations qu'il aurait pu percevoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2018, La Poste, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :
- la requête est irrecevable car identique à la requête de première instance ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2017.

Vu :
- les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°84-1051 du 30 novembre 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... F...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent professionnel qualifié de 2ème niveau de La Poste, a été placé en congé de longue maladie du 8 janvier 2008 au 7 janvier 2011. A l'occasion du dernier renouvellement de son congé de longue maladie, par courrier du 1er septembre 2010, M. A... a sollicité son admission à la retraite pour invalidité. Le 13 octobre 2010, la commission de réforme de La Poste a émis un avis favorable à cette demande. M. A... a donc été informé par courrier du 13 décembre 2010, de son admission à la retraite à compter du 8 janvier 2011. Estimant qu'il n'avait pas été informé de la possibilité d'obtenir un reclassement, il a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner La Poste à lui verser la somme totale de 286 967 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis pour avoir été irrégulièrement mis à la retraite. Le tribunal administratif de Toulouse ayant rejeté sa demande par un jugement du 24 mai 2017, M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité de La Poste :

2. Aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions de la fonction publique d'Etat : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. (...)". Selon l'article 1er du décret du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes ". Aux termes de l'article 2 de même décret : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. ". Enfin l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Il n'en va autrement que si l'état de santé du fonctionnaire le rend totalement inapte à l'exercice de toute fonction.

4. M. A... soutient que La Poste ne l'a pas invité à demander son reclassement à l'issue de son congé de longue maladie et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, s'il résulte des dispositions précitées que l'administration est tenue, avant de procéder à la mise à la retraite pour invalidité d'un agent inapte à ses fonctions, d'inviter ce dernier à présenter une demande de reclassement, la circonstance que l'agent n'a pas été invité à demander un reclassement n'est pas fautif, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, lorsqu'il a été médicalement constaté que l'état de santé de l'intéressé le rend définitivement inapte à un reclassement sur quelque poste que ce soit. Et il résulte de l'instruction, que le 31 aout 2010 un médecin généraliste a estimé que M. A... était inapte à toute fonction et a noté que l'intéressé demandait sa retraite pour invalidité. Puis le 1er septembre 2010 un médecin spécialiste (orthopédie, traumatologie) a déclaré également que l'intéressé était inapte à toute activité professionnelle et a noté également qu'il demandait sa retraite pour invalidité. M. A... n'a d'ailleurs pas contesté cette inaptitude en demandant à La Poste, dès le 1er septembre 2010, sa mise à la retraite pour invalidité compte tenu de son inaptitude définitive à tout poste. En outre, le 22 septembre 2010 M. A... a été examiné, à la demande de La Poste, par un médecin rhumatologue agréé, lequel a constaté que l'intéressé bénéficiait d'un congé de longue maladie depuis le 8 janvier 2008 et était porteur de taux d'invalidité préexistants de ses trois infirmités de 28%, 20% et 5%, ce qui le rendait incapable d'occuper un poste proposé par son administration. L'absence de mention quant à une inaptitude définitive à tout poste portée sur la " concession de congés de longue maladie " du 13 octobre 2010, alors que le comité médical ne se prononçait que sur une prolongation du congé et non sur le caractère définitif de l'inaptitude de l'agent, ne saurait contredire ces constatations médicales sur l'état d'inaptitude définitive de M. A.... Enfin, la circonstance que M. A... aurait été un militant syndical à La Poste, au demeurant contredite par son employeur, n'est d'aucune incidence sur l'inaptitude définitive à tout poste de l'intéressé. Par suite, le moyen de M. A... tiré de ce que La Poste a commis une faute en ne l'invitant pas à demander son reclassement doit être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste.

Sur les frais d'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au conseil de M. A... une somme sur ce fondement combiné avec l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.


DECIDE :


Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à La Poste.







Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,
Mme D... F..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.

La rapporteure,
Fabienne F... Le président,
Dominique NAVES Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX02464