CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 05/06/2020, 17VE01232, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le département de la Seine-Saint-Denis sur sa demande tendant à bénéficier de la protection fonctionnelle, à la communication de son dossier administratif et de son dossier médical, à la saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), à l'ouverture d'une enquête administrative interne et à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, de son préjudice de carrière et de son préjudice de santé et à prendre en charge l'ensemble des frais de justice qu'il a exposés et de lui enjoindre, enfin, de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle, au besoin sous astreinte.
Par un jugement n° 1600482 du 17 février 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de M. C... tendant à la communication de son dossier administratif, a annulé la décision implicite refusant de lui accorder la protection fonctionnelle et la communication de son dossier médical, a condamné le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice tiré du trouble dans les conditions d'existence, a mis à sa charge une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 avril 2017, M. C..., représenté par Me Mazza, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler partiellement ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de faits de harcèlement moral, à la saisine du CHSCT, à la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle et n'a pas condamné son employeur pour manquement à l'obligation de protection ;
2° de condamner le département de la Seine-Saint-Denis, au titre de la responsabilité pour faute, du fait des agissements de harcèlement moral et de manquement à l'obligation de protection tirée de l'article L. 4121-1 du code du travail, à lui verser une somme de 17 000 euros en réparation de son préjudice moral, de carrière et de santé ;
3° de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à prendre en charge les frais de justice qu'il a exposés à hauteur provisoire de 5 516 euros au stade de la requête ;
4° d'enjoindre au département de la Seine-Saint-Denis de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle à son égard, au besoin sous astreinte, et de rétablir des conditions de travail conformes aux restrictions médicales et à son état de santé ;
5° de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé pour n'avoir pas répondu au moyen tiré de la faute commise par le département au regard de son obligation de garantir la sécurité physique et mentale de ses agents et pour avoir relevé son état de "vulnérabilité particulière" sans le justifier ;
- le refus du département de la Seine-Saint-Denis de saisir le CHSCT afin qu'il mène une enquête, qui méconnaît les dispositions des articles 38, 39 et 41 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail, est illégal et fautif ;
- il a été victime d'une situation de harcèlement moral résultant d'attitudes agressives à son encontre, de mesures de déstabilisation, d'une absence de prise en compte de son état de santé, de son isolement et de l'absence de promotion au titre de son déroulement de carrière, sans que repose sur lui la preuve de l'existence d'une situation de harcèlement moral dès lors qu'il lui suffisait de rapporter une simple présomption ; en outre, il ne lui incombait pas de démontrer l'existence d'une faute de l'administration résultant d'une intention de nuire, condition qui n'est pas exigée pour caractériser des faits de harcèlement moral ;
- le département de la Seine-Saint-Denis a méconnu ses obligations résultant des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail pour n'avoir pas assuré sa sécurité ni protégé sa santé physique et mentale ;
- ces illégalités commises par l'administration constituent des fautes qui engagent sa responsabilité ;
- il est fondé à demander la réparation de son préjudice moral subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral pour un montant de 5 000 euros, de son préjudice de carrière à hauteur de 5 000 euros et de son préjudice de santé à hauteur de 10 000 euros ;
- au titre de la protection fonctionnelle le département aurait dû prendre en charge les frais et honoraires qu'il a déboursés pour un montant de 5 516 euros.
............................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code du travail ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., titulaire du grade d'ingénieur territorial principal, exerce les fonctions de gestionnaire d'applications au sein de la direction des systèmes d'information du département de la Seine-Saint-Denis. Par un courrier du 18 septembre 2015, reçu le 21 septembre, il a demandé au président du conseil départemental de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison de faits de harcèlement moral dont il estimait être victime, de reconnaître sa pathologie en maladie professionnelle, de saisir le CHSCT pour manquement à une obligation de sécurité, de l'indemniser à hauteur de 20 000 euros en réparation des préjudices moral, de carrière et de santé qu'il indiquait avoir subis en conséquence de cette situation de harcèlement et de la méconnaissance par la collectivité de son obligation de sécurité, et de lui communiquer enfin son dossier administratif et son dossier médical. A la suite du silence conservé par l'administration, M. C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a implicitement refusé de faire droit à ses demandes et de condamner l'administration à l'indemniser des préjudices subis. Par un jugement du 17 février 2017, le Tribunal a annulé la décision implicite refusant de lui accorder la protection fonctionnelle et la communication de son dossier médical, a condamné le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice tiré du trouble dans les conditions d'existence, a mis à la charge du département une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de sa demande. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entièrement satisfaction et le département de la Seine-Saint-Denis, par la voie d'un appel incident, demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision implicite du 21 novembre 2015 rejetant la demande de M. C... tendant à la communication de son dossier médical et à bénéficier de la protection fonctionnelle, et qu'il l'a condamné à verser à l'intéressé la somme de 3 000 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. C... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé pour n'avoir pas répondu au moyen tiré de la faute commise par le département au regard de son obligation de garantir la sécurité physique et mentale de ses agents. Toutefois, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés au soutien de ce moyen, y a répondu par une appréciation motivée, aux points 25 et 26. En outre, les premiers juges ont pu relever, au vu de l'ensemble des pièces du dossier et notamment des pièces médicales évoquées dans le jugement, que l'état de santé de l'intéressé présentait une "vulnérabilité particulière", sans être tenus de justifier davantage leur appréciation. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement du 17 février 2017 serait irrégulier.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'appel principal de M. C... :
S'agissant de la décision refusant de saisir le CHSCT et d'ouvrir une enquête :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 33-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.- Un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est créé dans les mêmes conditions que celles prévues pour les comités techniques par les premier à quatrième alinéas de l'article 32.(...) / II.- Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission : 1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail et à l'amélioration des conditions de travail ; 2° De veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières. / Le comité est réuni par son président à la suite de tout accident mettant en cause l'hygiène ou la sécurité ou ayant pu entraîner des conséquences graves. (...) ". Selon les dispositions de l'article 5-2 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Si un membre du comité mentionné à l'article 37 constate, notamment par l'intermédiaire d'un agent qui s'est retiré d'une situation de travail définie au premier alinéa de l'article 5-1, qu'il existe une cause de danger grave et imminent, il en avise immédiatement l'autorité territoriale et consigne cet avis dans le registre établi dans les conditions fixées à l'article 5-3. / Il est procédé à une enquête immédiate par l'autorité territoriale, en compagnie du membre du comité mentionné à l'article 37 ayant signalé le danger. L'autorité territoriale prend les mesures nécessaires pour remédier à la situation et informe le comité des décisions prises. / En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le comité mentionné à l'article 37 est réuni en urgence dans un délai n'excédant pas vingt-quatre heures. L'inspecteur du travail est informé de cette réunion et peut y assister. (...) ". Aux termes de l'article 41 de ce même décret : " Le comité procède, dans le cadre de sa mission d'enquête en matière d'accidents du travail, d'accidents de service ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel, à une enquête à l'occasion de chaque accident du travail, chaque accident de service ou de chaque maladie professionnelle ou à caractère professionnel au sens des 3° et 4° de l'article 6. (...) ". Les points 3° et 4° de l'article 6 de ce décret auxquels renvoie cet article concernent les accidents de service graves ou maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave ayant entraîné mort d'homme, ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente, ou ayant révélé l'existence d'un danger grave, même si les conséquences ont pu en être évitées ainsi que l'accident de service ou la maladie professionnelle ou à caractère professionnel présentant un caractère répété à un même poste de travail, ou à des postes de travail similaires, ou dans une même fonction, ou des fonctions similaires. Enfin, selon les termes de l'article 58 de ce décret : " Le comité se réunit au moins trois fois par an sur convocation de son président, à son initiative, ou dans le délai maximum d'un mois, sur demande écrite de deux représentants titulaires du personnel lorsque le comité comprend au plus quatre représentants titulaires et de trois représentants dans les autres cas. / En outre, le comité est réuni par son président à la suite de tout accident dans les conditions prévues par le II de l'article 33-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée (...) ".
4. M. C... soutient que la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis rejetant implicitement sa demande du 18 décembre 2015 en vue de la saisine du CHSCT afin que cette instance mène une enquête, serait entachée d'une erreur de droit pour méconnaître les dispositions des articles 38, 39 et 41 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail. Il résulte des dispositions rappelées au point précédent, et notamment des termes de l'article 33-1 de la loi du 26 janvier 1984 et 58 du décret du 10 juin 1985, que l'administration est tenue de réunir le CHSCT à la suite de tout accident mettant en cause l'hygiène ou la sécurité, ou ayant pu entraîner des conséquences graves. Si M. C... avait précédemment été placé en arrêt pour accident du travail à compter du 9 avril 2012 jusqu'au 1er juillet 2013, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle est survenue la décision en litige, soit le 21 novembre 2015, l'intéressé aurait été victime d'un nouvel accident du travail ou d'une maladie professionnelle répondant aux conditions de saisine de cette instance paritaire. Au surplus, il résulte des dispositions des articles 5-2 et 41 du décret précité que le CHSCT procède à une enquête lorsqu'un agent est soumis à une cause de danger grave et imminent, ainsi qu'à l'occasion d'accident du travail ou de maladie professionnelle ayant entraîné mort d'homme, ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente, ou ayant révélé l'existence d'un danger grave, ou encore présentant un caractère répété à un même poste de travail, ou à des postes de travail similaires, ou dans une même fonction, ou des fonctions similaires. M. C... ne démontrant pas avoir été dans l'une de ces situations à la date de la décision litigieuse, il n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de saisir le CHSCT en vue de l'ouverture d'une enquête par ce comité serait entachée d'une erreur de droit.
5. En deuxième lieu, si M. C... déclare en appel reprendre la totalité de ses écritures de première instance à l'encontre de cette décision, par lesquelles il avait également soulevé le moyen tiré du détournement de pouvoir, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée aurait été prise pour des motifs étrangers à l'intérêt du service.
6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite refusant la saisine du CHSCT en vue de l'ouverture d'une enquête, doivent être rejetées.
En ce qui concerne l'appel incident du département de la Seine-Saint-Denis :
S'agissant de la décision implicite refusant d'accorder à M. C... le bénéfice de la protection fonctionnelle :
7. Le département de la Seine-Saint-Denis soutient que la décision implicite rejetant la demande que M. C... avait formulée dans son courrier du 18 septembre 2015, tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle n'avait pas à être motivée, et par suite, n'était pas illégale.
8. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". Aux termes de l'article 5 de cette loi : " Une décision implicite intervenue dans des cas où une décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande ".
9. Comme l'ont relevé les premiers juges, le bénéfice de la protection fonctionnelle constitue un droit pour les agents en remplissant les conditions. Par conséquent, la décision implicite née le 21 novembre 2015 refusant à M. C... le bénéfice de la protection fonctionnelle devait être motivée en application des dispositions visées au point précédent. Par un courrier en recommandé avec avis de réception daté du 20 janvier 2016, M. C... a demandé au département communication des motifs de cette décision implicite de rejet. Le département de la Seine Saint-Denis n'ayant pas répondu à cette demande de communication des motifs dans le délai d'un mois qui lui était imparti par l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, ni pris de décision expresse de rejet de la demande dont il avait été saisi, il n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé, pour défaut de motivation, sa décision refusant d'accorder à M. C... le bénéfice de la protection fonctionnelle.
S'agissant de la décision implicite refusant de communiquer à M. C... son dossier médical :
10. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, alors en vigueur : " (...) Sont considérés comme documents administratifs, au sens des chapitres Ier, III et IV du présent titre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission (...) ". Selon les dispositions de l'article 2 de cette même loi : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre ".
11. Si M. C... disposait d'un droit d'accéder à son dossier médical, ce droit d'accès n'était pas opposable au département de la Seine-Saint-Denis dès lors que cette collectivité ne détenait pas ce document administratif, protégé par le secret médical, et n'était donc pas tenue, en application des dispositions rappelées au point précédent, de le communiquer à l'intéressé. Par suite, la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis refusant implicitement de communiquer à l'intéressé son dossier médical n'avait pas à être motivée en application des dispositions citées au point 8. Par conséquent, le département défendeur est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision en retenant le moyen tiré du défaut de motivation. Il s'ensuit, à défaut d'autre moyen contre la décision implicite refusant de communiquer à M. C... son dossier médical, que le département de la Seine-Saint-Denis est fondé à demander l'annulation du jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions de M. C... tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne l'appel principal et la responsabilité pour faute du département de la Seine-Saint-Denis :
12. En premier lieu, M. C... soutient qu'il a été victime d'une situation de harcèlement moral résultant d'attitudes agressives à son encontre, de mesures de déstabilisation, d'une absence de prise en compte de son état de santé, de son isolement et de l'absence de promotion au titre de son déroulement de carrière, cette faute engageant la responsabilité du département de la Seine-Saint-Denis.
13. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
14. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
15. M. C... soutient tout d'abord avoir été victime d'agissements de harcèlement moral en raison de l'attitude agressive de collègues de travail, faisant état du comportement de son chef de service, de la secrétaire de ce dernier et d'un collègue de travail dont il a partagé le bureau. Si des tensions ont parfois pu survenir, notamment lorsqu'un collègue lui a demandé en septembre 2010 de cesser de travailler en musique dans leur bureau commun, ou lorsque la secrétaire du service a refusé le 26 mars 2012 de le saluer après qu'un incident fut survenu quelques jours plus tôt à l'occasion de la transmission d'une demande de formation, ces faits isolés, qui ne sauraient être qualifiés "d'agression", ne constituent pas des agissements répétés au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. En outre, si l'intéressé fait état d'un entretien survenu le 18 septembre 2009 avec son supérieur hiérarchique au cours duquel il aurait connu une crise d'angoisse, il n'apporte aucun élément établissant que sa réaction aurait résulté de l'attitude de sa hiérarchie. De plus, comme l'ont relevé les premiers juges, la circonstance que M. C... ait été placé en congé de longue maladie du 18 septembre 2009 au 17 septembre 2010 ne révèle pas, à elle seule, une situation de harcèlement moral.
16. L'intéressé soutient ensuite avoir fait l'objet de mesures de déstabilisation, pour avoir été inscrit par erreur le 3 mai 2007 à une formation qu'il n'avait pas sollicitée au lieu de celle qu'il avait demandée, pour avoir intégré un bureau collectif avec un collègue avec lequel il était en conflit lors de sa réintégration en septembre 2010, pour avoir subi une effraction de l'armoire qui lui avait été affectée et dans laquelle se trouvait du matériel professionnel, ou encore pour avoir été victime d'un accident de service le 6 avril 2012 à la suite d'une réunion. Comme l'ont relevé les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que l'inscription de M. C... à une formation qu'il n'avait pas sollicitée ne relèverait pas d'un simple dysfonctionnement administratif, ni que sa hiérarchie connaissait ses différends avec le collègue devant partager avec lui un bureau commun lors de sa réintégration en septembre 2010. De plus, si son armoire personnelle et son vestiaire ont été forcés et du matériel dérobé en septembre 2010, son chef de service a demandé que la lumière soit faite sur cet incident et que l'ordinateur portable de M. C... soit remplacé. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le chef de service de M. C... aurait tenté de le déstabiliser lors de la réunion du 6 avril 2012 en refusant d'aborder ses rapports avec la secrétaire du service.
17. M. C... soutient ensuite que son administration n'a pas pris en considération son état de santé pour avoir été affecté dans un bureau collectif en septembre 2010 en dépit des préconisations d'un médecin psychiatre et pour avoir été obligé de reprendre le service à temps complet à compter du 29 juin 2014. Il ressort toutefois de l'instruction que M. C... n'a demandé au médecin de prévention de prescrire un changement de bureau que le 20 janvier 2011 et il ne démontre pas avoir saisi sa hiérarchie ou le service des ressources humaines des difficultés rencontrées avant cette date. En outre, comme l'a relevé le jugement attaqué, l'intéressé ne démontre pas que son état de santé n'était pas compatible avec une activité à temps complet lors de sa reprise le 29 juin 2014 en dépit de l'absence de consolidation de son accident de service. Enfin, il apparaît que le département de la Seine-Saint-Denis a accédé à la demande de l'agent de bénéficier d'un congé maladie pour accident de service du 9 avril 2012 au 1er juillet 2013.
18. L'intéressé n'établit pas avoir été personnellement et systématiquement écarté des réunions de bureau à compter du mois de septembre 2010, et il ne ressort pas de l'instruction qu'il aurait été privé des moyens lui permettant d'accomplir ses missions. Par suite, il n'est pas démontré qu'il aurait fait l'objet de mesures d'isolement susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel. Si M. C... soutient enfin avoir subi des atteintes à ses droits statutaires pour n'avoir pas bénéficié d'une promotion au grade d'ingénieur au cours du mois de mai 2011, il ne disposait pas d'un droit à être nommé à ce grade supérieur, sur lequel il a, au demeurant été nommé avec effet au 1er janvier 2011 par arrêté du 1er octobre 2011. En outre, s'il fait état de l'absence de versement de la prime informatique au titre de l'année 2011, il ne démontre pas qu'il remplissait les conditions pour bénéficier de cette prime qui a également été refusée à d'autres agents du service. Enfin, le refus de l'administration de l'inscrire à une formation au mois d'octobre 2011 ne saurait constituer à elle seule un agissement constitutif de harcèlement moral.
19. Il ressort de l'ensemble des points précédents que les éléments de fait allégués par M. C... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du département de la Seine-Saint-Denis.
20. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du IV de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " IV. -La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ".
21. Il résulte de ce qui précède que les faits de harcèlement moral dont M. C... soutient avoir été victime ne sont pas établis par les seuls éléments qu'il produit. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'administration serait engagée pour avoir refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle énoncé au point précédent, en raison de ces agissements.
22. En troisième lieu, l'intéressé soutient que l'administration aurait méconnu ses obligations résultant des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, pour n'avoir pas assuré sa sécurité ni protégé sa santé physique et mentale, commettant ainsi une faute engageant sa responsabilité.
23. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. ". Aux termes de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 : " Dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2, les règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité sont celles définies par les livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application, (...). Il peut toutefois y être dérogé par décret en Conseil d'Etat. ". Enfin, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ". En application de ces dispositions, le département de la Seine-Saint-Denis a l'obligation générale d'assurer la sécurité et la protection de la santé des agents placés sous son autorité.
24. Comme il l'a été dit aux points 13 à 19, la situation de harcèlement moral à laquelle M. C... prétend avoir été exposé n'est pas établie. Il ne ressort pas non plus de l'instruction, et pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, que M. C... aurait été confronté à un climat de travail conflictuel, ayant engendré des comportements anormaux de nature à porter atteinte à la préservation de sa santé mentale et de son intégrité physique. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le département de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu son obligation de sécurité et de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses agents prévue par les dispositions rappelées au point 23, et que l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
25. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur les fautes commises à son égard par le département de la Seine-Saint-Denis.
En ce qui concerne l'appel incident du département de Seine-Saint-Denis :
26. Le département de Seine-Saint-Denis soutient, par la voie de l'appel incident, que M. C... ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier d'une réparation de son préjudice moral au titre de la responsabilité sans faute, le critère tiré de l'anormalité du dommage n'étant pas rempli.
27. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, qui doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles ces dispositions subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle.
28. En l'espèce, M. C... a, dans ses écritures devant les premiers juges, sollicité l'indemnisation d'un préjudice de santé a raison d'un trouble anxio-dépressif développé du fait des agissements de son employeur qui ont conduit à plusieurs arrêts maladie et à un congé de longue maladie l'ayant empêché de reprendre une activité à temps plein. Le préjudice dont il demande réparation est un préjudice de santé, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait distinct du préjudice résultant de l'incidence professionnelle causée par ses arrêts maladie. Si celle-ci avait vocation à être réparée par l'allocation temporaire d'invalidité à condition que l'intéressé en remplisse les conditions, le département ne pouvait être condamné à indemniser le préjudice invoqué par l'agent en dehors du régime légal rappelé au point précédent, sur le fondement de la responsabilité sans faute, comme le fait valoir l'administration. Par suite, le département de la Seine Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil l'a condamné à verser à M. C... la somme de 3 000 euros au titre de la responsabilité sans faute.
Sur les conclusions tendant à enjoindre à l'administration d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle :
29. Le présent arrêt n'implique pas que la protection fonctionnelle soit accordée à l'intéressé.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
31. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties une quelconque somme en application de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600482 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 17 février 2017 est annulé en tant qu'il a annulé la décision implicite refusant de communiquer à M. C... son dossier médical et qu'il a condamné le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser une somme de 3 000 euros.
Article 2 : Les demandes présentées par M. C... devant le Tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation de la décision implicite refusant de lui communiquer son dossier médical et à la condamnation du département de la Seine-Saint-Denis à l'indemniser d'un préjudice de santé à raison d'un trouble anxio-dépressif développé du fait des agissements de son employeur ayant conduit à plusieurs arrêts maladie sont rejetées.
Article 3 : La requête de M. C... et le surplus des conclusions du département de la Seine-Saint-Denis sont rejetés.
N° 17VE01232 2