CAA de DOUAI, 3ème chambre, 30/07/2020, 18DA01394, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 mai 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Nord, en ce qu'elle fixe la date de consolidation de son état de santé au 21 janvier 2014 et refuse de lui reconnaître un taux d'incapacité permanente partielle de 10 %, ensemble la décision en date du 27 juillet 2015 portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, de lui reconnaître un taux d'incapacité permanent partielle de 10 % et de prendre en charge ses frais médicaux au-delà du 21 janvier 2014 ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous peine d'astreinte.
Par un jugement n° 1508713 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2018 et le 29 mai 2020, Mme C... D..., représentée par Me A... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille du 18 mai 2015 ainsi que la décision du 27 juillet 2015 rejetant son recours gracieux contre cette décision ;
3°) d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, de lui reconnaître un taux d'incapacité permanente partielle de 10% et de prendre en charge au titre de la maladie professionnelle ses soins au-delà du 21 janvier 2014, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., adjointe administrative en fonction au centre pénitentiaire de Bapaume, a fait l'objet d'un traitement prophylactique à compter du 21 juillet 2010, à la suite d'un contact avec un détenu atteint de la tuberculose. Ne tolérant pas ce traitement, elle a développé une hépatite médicamenteuse qui a été reconnue comme maladie professionnelle par décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille du 24 juillet 2014. Mme D... a toutefois demandé une expertise complémentaire, contestant la date de consolidation fixée au 24 janvier 2014 et l'absence de taux d'incapacité permanente partielle. Le directeur interrégional des services pénitentiaires a néanmoins confirmé sa première décision le 18 mai 2015. Il a ensuite rejeté le 27 juillet 2015 le recours gracieux formé par Mme D.... Celle-ci relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 18 mai 2015 et du 27 juillet 2015.
Sur la légalité externe des décisions en litige :
2. D'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, applicable à la date des décisions contestée, désormais codifiées au code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :/ -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / -infligent une sanction ; / -subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / -retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / -opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / -refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / -refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; / -rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire.". D'autre part aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".
3. La reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, ainsi que la date de consolidation des dommages et le cas échéant, le taux d'incapacité permanente demeurant à cette date en lien avec la maladie ou l'accident constituent, en application des dispositions citées au point 2 de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, des avantages dont l'attribution constituent un droit dès lors que le fonctionnaire remplit les conditions pour les obtenir. En particulier, la date de consolidation constitue la date à partir de laquelle les frais médicaux ne sont plus pris en charge par l'administration et à partir de laquelle les arrêts maladie ne donnent plus lieu de plein droit à la perception du traitement à taux plein. De même, un taux d'incapacité permanente partielle d'au moins 10% permet au fonctionnaire de prétendre à une allocation temporaire d'invalidité en application de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984. Par suite, les décisions refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident et celles prises pour la mise en oeuvre de ces dernières fixant la date de consolidation et le taux d'incapacité permanente doivent être motivées conformément aux dispositions rappelées au point 2 de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifiées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En l'espèce, la décision contestée du 18 mai 2015 confirmait l'imputabilité au service de l'hépatite médicamenteuse contractée à la suite du traitement prophylactique contre la tuberculose de Mme D..., fixait la date de consolidation au 24 janvier 2014 et considérait qu'aucun taux d'incapacité permanente partielle ne résultait de cette maladie. Cette décision vise les textes dont elle fait application, cite le premier avis de la commission de réforme du 4 juillet 2014, précise qu'aucun taux d'incapacité permanente partielle n'était proposé, rappelle que le dossier a été réexaminé à la demande de Mme D... et que la commission de réforme, lors de sa séance du 17 avril 2015, a confirmé l'avis du 4 juillet 2014, pour considérer que la maladie est reconnue comme maladie professionnelle. Cette décision est donc suffisamment motivée, compte tenu des exigences du secret médical qui s'oppose à ce que les éléments médicaux justifiant les propositions de la commission de réforme soient détaillés dans les décisions prises sur avis de cette commission. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 18 mai 2015 ne peut donc qu'être écarté.
5. La décision également contestée du 27 juillet 2015 rejette le recours gracieux formé par Mme D... contre la décision du 18 mai 2015. La première décision en litige étant suffisamment motivée, le rejet du recours gracieux, qui ne constitue pas en l'espèce un recours administratif préalable obligatoire et qui confirme la première décision, n'avait par suite pas à comporter les motifs le justifiant. Cette seconde décision, si elle ne vise pas les textes dont elle fait application, comporte, d'ailleurs, les éléments de droit et les circonstances de fait qui la rendent compréhensible à sa simple lecture. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 27 juillet 2015 doit, en tout état de cause, être écarté.
Sur la légalité interne :
6. La commission de réforme, lors de sa séance du 4 juillet 2014, s'était fondée sur une première expertise qui retenait une hépatite médicamenteuse, suite à un traitement bacillaire guéri. Cette expertise ne faisait pas état de séquelles résultant de cette hépatite, mais retenait un taux d'incapacité permanente partielle de 10%. La commission de réforme suggérait de suivre cette expertise sur l'imputabilité au service de la maladie et sur la date de consolidation mais ne proposait aucun taux d'incapacité permanente partielle. Le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille s'est approprié cet avis de la commission de réforme par sa décision du 24 juillet 2014. A la demande de Mme D..., une nouvelle expertise a été diligentée. Celle-ci fait état d'un bilan hépatique normal dès septembre 2010 et d'une échographie abdominale, y compris hépatique, normale. Elle conclut à cet égard à l'absence d'hépatite chronique et à l'absence de signe de tuberculose active. Elle confirme aussi la date du 24 janvier 2014 comme date de consolidation et l'absence de séquelle justifiant une incapacité permanente partielle. Sur cette base, la commission de réforme, puis le directeur interrégional ont confirmé leurs précédents avis et décision. Pour remettre en cause ces éléments, l'appelante produit un certificat médical d'un médecin généraliste, attestant seulement qu'elle doit effectuer un suivi hépatique au moyen de prises de sang. Les derniers éléments communiqués, postérieurs aux décisions contestées, confirment une surcharge en fer mais ne permettent pas d'imputer ce fait à l'hépatite médicamenteuse, le bilan sanguin produit se limitant à indiquer que ce taux n'est pas en lien avec une infection virale B ou C. De même, la fiche de visite du médecin de prévention, si elle proscrit certaines situations de travail en lien avec la scoliose antérieure de l'intéressée, ne démontre pas le lien direct entre les affections que subit Mme D... et la maladie reconnue imputable au service. Ces pièces ne suffisent à démontrer que l'état de santé de Mme D... lié à ses maladies professionnelles n'est pas stabilisé.et nécessite un traitement. Elles n'établissent pas non plus que Mme D... souffre de séquelles des affections reconnues comme maladies professionnelles entraînant une incapacité permanente partielle. Par suite, c'est par une exacte appréciation des faits de l'espèce que le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille a reconnu l'imputabilité au service de l'affection de Mme D... en fixant la date de consolidation au 24 janvier 2014 et en ne retenant aucune incapacité permanente partielle.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande par le jugement du 15 mai 2018. Par suite, il y a lieu de rejeter sa requête, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
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