Conseil d'État, 9ème chambre, 28/12/2020, 426651, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, le certificat du 7 mars 2016 suspendant sa pension militaire de retraite de réversion en tant qu'ayant-cause et sa pension de réversion en tant qu'orphelin majeur infirme et, d'autre part, la demande de reversement des trop-perçus du 17 mars 2016, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 19 670 euros à titre de dommages et intérêts et, à titre subsidiaire, de dire que la prescription de deux ans s'applique sur la créance de 17 022,63 euros relative au trop-perçu correspondant à sa pension d'invalidité n° 66994099 G. Par un jugement nos 1602325, 1602326 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Par une ordonnance n° 18MA04002 du 17 décembre 2018, enregistrée le 26 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article
R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 21 août 2018 au greffe de cette cour, formé par M. A... contre ce jugement.
Par ce pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 mars et 9 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de M. B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A... est atteint depuis sa naissance d'une infirmité permanente et incurable. Le père de M. A..., invalide de guerre, est décédé le 2 mai 1965. Par un arrêté du 10 août 2015, l'administration a accordé à M. A..., à la suite du décès de sa mère le 20 octobre 2011, le bénéfice de la pension militaire de réversion de 50 % de sa mère en sa qualité d'ayant-cause et d'une pension de réversion de 10 % en tant qu'orphelin majeur infirme. Par un certificat du 7 mars 2016 transmis par courrier du 17 mars 2016, le service des retraites de l'Etat a suspendu le paiement des arrérages de ces deux pensions à compter du 1er novembre 2011. Par un jugement du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de M. A... tendant à l'annulation du certificat du 7 mars 2016 et du courrier du 17 mars 2016 ainsi que ses demandes indemnitaires au titre de dommages et intérêts. M. A... demande l'annulation de ce jugement.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le courrier du 17 mars 2016 :
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si le courrier du 17 mars 2016 transmettant à M. A... le certificat de suspension du 7 mars 2016 lui indiquait le montant total des sommes à reverser, il précisait également que ces sommes ne seraient exigibles qu'à compter de la réception d'un ordre de reversement qui lui serait adressé ultérieurement et se référait explicitement à la décision de suspension du 7 mars 2016. Dès lors, en jugeant que ce courrier présentait un caractère purement informatif et, qu'en l'absence de caractère de décision faisant grief, il était insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le certificat de suspension du 7 mars 2016 :
En ce qui concerne le droit de M. A... de bénéficier d'une pension de réversion en tant qu'orphelin majeur infirme :
3. Aux termes de l'article L. 40 du code des pensions civiles et militaire de retraite : " Chaque orphelin a droit jusqu'à l'âge de vingt et un ans à une pension égale à 10 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu'il aurait pu obtenir au jour de son décès (...). / Pour l'application des dispositions qui précèdent, sont assimilés aux enfants âgés de moins de vingt et un ans les enfants qui, au jour du décès de leur auteur, se trouvaient à la charge effective de ce dernier par suite d'une infirmité permanente les mettant dans l'impossibilité de gagner leur vie. La pension accordée à ces enfants n'est pas cumulable avec toute autre pension ou rente d'un régime général, attribuée au titre de la vieillesse ou de l'invalidité, à concurrence du montant de ces avantages. Elle est suspendue si l'enfant cesse d'être dans l'impossibilité de gagner sa vie ".
4. Ces dispositions subordonnent le bénéfice de la pension de réversion pour l'enfant de plus de vingt et un ans atteint d'une infirmité à la condition, d'une part, que ce dernier soit à la charge effective de son parent, titulaire de la pension, au jour de son décès et, d'autre part, qu'il soit dans l'impossibilité de gagner sa vie. Pour vérifier si l'orphelin infirme est à la charge effective de son parent, il y a lieu de prendre en compte l'ensemble de ses revenus, à l'exception des pensions ou allocations qu'il perçoit du fait de son infirmité. En revanche, seuls les revenus d'origine professionnelle de l'enfant doivent être pris en compte pour apprécier si cette infirmité l'empêche d'exercer une activité professionnelle lui permettant de subvenir à ses besoins.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le certificat de suspension du 7 mars 2016 est fondé sur la circonstance que le montant cumulé des pensions de retraite perçues par M. A... était supérieur à celui de la pension d'orphelin majeur infirme. Pour rejeter la demande d'annulation de ce certificat, le tribunal s'est fondé non seulement sur l'impossibilité, non contestée en cassation et qui justifie à elle seule la mesure de suspension, de cumuler celle-ci avec les pensions de retraite perçues par M. A... au titre du régime général, du régime des salariés agricoles et du régime complémentaire, mais également sur le fait que celui-ci ne pouvait être regardé comme ayant été dans l'impossibilité de gagner sa vie au sens de l'article L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite dès lors qu'il avait exercé une activité professionnelle régulière et rémunérée de 1970 jusqu'à sa mise à la retraite en 2001. En tout état de cause, en excluant pour ce second motif le bénéfice de la pension d'orphelin majeur infirme, le tribunal n'a pas commis l'erreur de qualification juridique alléguée et a suffisamment motivé son jugement.
En ce qui concerne la rétroactivité du certificat de suspension du 7 mars 2016 :
6. Aux termes de l'article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Sauf le cas de fraude, omission, déclaration inexacte ou de mauvaise foi de la part du bénéficiaire, la restitution des sommes payées indûment au titre des pensions, de leurs accessoires ou d'avances provisoires sur pensions, attribués en application des dispositions du présent code, ne peut être exigée que pour celles de ces sommes correspondant aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle le trop-perçu a été constaté et aux trois années antérieures ".
7. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal a relevé que, dans la déclaration signée le 24 août 2015 pour obtenir la mise en paiement de sa pension militaire de réversion en tant qu'ayant-cause à la suite du décès de sa mère et de sa pension de réversion de 10 % en tant qu'orphelin majeur infirme, M. A... a omis de cocher l'information selon laquelle il disposait lui-même de revenus au titre de ses pensions de retraite du régime général et du régime des salariés agricoles. Eu égard à cette omission, qui, alors même qu'elle ne révèle aucune intention frauduleuse ou mauvaise foi, fait obstacle à l'application de la prescription prévue par l'article L. 93 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le tribunal n'a ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ni insuffisamment motivé sa décision en jugeant que l'administration pouvait exiger la restitution des sommes versées indûment à M. A... au titre des deux pensions de réversion qui lui avaient été accordées par erreur à compter du 1er novembre 2011, sans se limiter aux sommes correspondant aux arrérages au titre de l'année 2016 et des trois années antérieures.
Sur les conclusions indemnitaires de M. A... :
8. En rejetant les conclusions indemnitaires présentées par M. A... au motif qu'il n'établissait ni l'existence d'une faute résultant de la suspension, à compter du 1er novembre 2011, du paiement des arrérages de la pension de réversion en tant qu'orphelin majeur infirme ni l'existence d'un préjudice, le tribunal n'a pas insuffisamment motivé sa décision.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.