CAA de LYON, 3ème chambre, 28/01/2021, 18LY02667, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision28 janvier 2021
Num18LY02667
JuridictionLyon
Formation3ème chambre
PresidentMme PAIX
RapporteurMme Sophie CORVELLEC
CommissaireM. DELIANCOURT
AvocatsCABINET ALTERNATIVES AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du centre hospitalier de Morestel du 15 janvier 2015 rejetant sa demande indemnitaire et de condamner le centre hospitalier de Morestel à lui verser 149 012 euros en réparation de divers préjudices subis en conséquence d'un accident du travail et des fautes commises à son égard par le centre hospitalier de Morestel.

Par un jugement n° 1501439 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2018, M. F..., représenté par Me Devers, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Morestel à lui verser 153 012 euros en réparation des préjudices subis en conséquence d'un accident du travail et des fautes commises à son égard par le centre hospitalier de Morestel ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Morestel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- les premiers juges ont omis d'examiner la responsabilité pour faute du centre hospitalier ;
- il a subi, le 12 mars 2013, une décompensation qui constitue un accident de service, dont le directeur du centre hospitalier était informé ;
- le centre hospitalier de Morestel a en outre commis des fautes, eu égard à l'absence de suivi médical, à la situation de suractivité dans laquelle il a été placé, à l'absence de soutien de la direction face aux évènements de février et mars 2013 et à la gestion des congés et des jours de réduction de temps de travail par l'établissement ;
- cet accident du travail et ces fautes l'ont contraint à solliciter son placement en disponibilité et lui ont causé un préjudice moral qui peut être évalué à 30 000 euros, un préjudice économique qui s'élève à 96 012 euros, une perte de droits à la retraite de 20 000 euros et une perte de vingt-et-un jours de congés annuels qui doit être indemnisée à hauteur de 7 000 euros.


Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2019, le centre hospitalier de Morestel, représenté par Me Brun (AARPI Alternatives Avocats), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. F... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2019.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... E..., première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Brun avocat, représentant le centre hospitalier de Morestel ;



Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 14 novembre 2014, M. F..., praticien hospitalier au sein du centre hospitalier de Morestel depuis le 1er septembre 2003, a sollicité auprès du directeur de l'établissement la reconnaissance comme accident de service d'une décompensation psychique survenue le 12 mars 2013 et a sollicité l'indemnisation des préjudices causés par cet accident de service et différentes fautes imputables au centre hospitalier, à hauteur 149 012 euros. Sa demande ayant été rejetée par décision du 15 janvier 2015, M. F... a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une requête aux mêmes fins, laquelle a été rejetée par un jugement du 7 juin 2018. M. F... relève appel de ce jugement.


Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont écarté la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Morestel, en estimant que M. F... n'apportait aucun commencement de preuve d'une faute dans l'organisation de l'établissement, ni davantage dans la gestion de ses congés, de sa charge de travail et de son suivi médical. Par suite, et contrairement à ce que soutient M. F..., le jugement attaqué n'est entaché d'aucune omission à statuer.


Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. Constitue un accident de service, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
4. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
5. En premier lieu, M. F... soutient avoir subi, le 12 mars 2013, une décompensation psychique qui serait liée à une altercation avec un cadre de santé survenue lors d'une réunion le 14 février 2013, et, plus généralement, avec ses conditions de travail, et qui serait constitutive, selon lui, d'un accident de service. Toutefois, s'il est constant qu'il a été placé en congés de maladie pour " syndrome anxio-dépressif sévère dans un contexte de burn out professionnel " à compter de cette date, un tel syndrome ne constitue pas en lui-même un accident de service. M. F... n'établit aucunement la survenance d'un évènement susceptible, par sa violence et sa soudaineté, d'être qualifié d'accident à la date du 12 mars 2013. En particulier, l'attestation d'un collègue, datée du 24 mai 2013, qui témoigne de la grande nervosité de l'intéressé ce jour-là, ne fait aucunement mention de la survenance d'un évènement particulier à l'origine ou en conséquence de cette nervosité. En outre, si M. F... expose avoir été reçu, ce même jour, par le directeur du centre hospitalier, il ne démontre, ni même ne prétend que cet entretien se serait déroulé dans des conditions anormales, en se bornant à regretter l'absence de toute réponse utile du directeur à ses difficultés. Dans ces conditions, M. F... ne démontre pas que la décompensation psychique qu'il invoque aurait pour origine un accident survenu le 12 mars 2013. M. F... ayant lui-même indiqué dans ses écritures d'appel ne pas solliciter la qualification en accident de service du conflit survenu le 14 février 2013, aucune responsabilité du centre hospitalier de Morestel ne saurait être engagée en raison d'un accident de service.
6. En second lieu, M. F... invoque une faute imputable au centre hospitalier de Morestel résultant de la " conjonction de plusieurs évènements " dans un contexte de surmenage. Toutefois, il ne démontre nullement le caractère fautif de la réaction de la direction face au conflit survenu lors d'une réunion organisée le 14 février 2013 et qu'il avait lui-même qualifié, dans une " fiche de signalement d'un évènement indésirable ", de " gravité modérée " tenant à une situation réversible et aux conséquences temporaires. Il n'établit pas davantage avoir fait part, avant ce conflit, de difficultés personnelles à la direction de l'établissement, tenant notamment à sa charge de travail, laquelle, au demeurant, comporte, outre les tâches incombant normalement à un praticien hospitalier, essentiellement des missions auxquelles il a spontanément candidaté, voire qu'il a lui-même initiées. Il ne prétend pas que ces missions lui auraient été imposées, ni qu'il n'aurait pu s'en dégager. Par ailleurs, il ne prétend, ni ne démontre avoir été empêché de solliciter le bénéfice des congés auxquels il pouvait prétendre, ni que tels congés lui auraient été refusés. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le comportement de la direction de l'établissement face à ce conflit et au contexte de surmenage dénoncé par M. F... soit constitutif d'une faute imputable au centre hospitalier de Morestel. Dans ces conditions, les circonstances que le suivi médical que le centre hospitalier de Morestel doit organiser pour ses agents aurait été insuffisant et que M. F... n'aurait pas été régulièrement informé de ses droits à congés n'apparaissent pas directement à l'origine de la situation de surmenage et de la dépression qu'il invoque et sont ainsi dépourvus de lien avec les préjudices dont il se prévaut. En conséquence, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier de Morestel doit être engagée en raison d'une telle faute.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires en tant qu'elles excèdent le montant réclamé initialement, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Morestel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. F.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 800 euros à verser au centre hospitalier de Morestel en application de ces mêmes dispositions.


DÉCIDE :



Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : M. F... versera au centre hospitalier de Morestel une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au centre hospitalier de Morestel.



Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, où siégeaient :
Mme C... A..., présidente,
M. Gilles Fedi, président-assesseur,
Mme B... E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
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N° 18LY02667