CAA de NANTES, 6ème chambre, 16/02/2021, 19NT03865, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans d'annuler la décision du 20 octobre 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'obtention d'une pension militaire d'invalidité.
Par un jugement n° 17/00005 du 8 mars 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans a retenu le taux de 10 % pour les séquelles au genou imputables au service présentées par M. C... et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2019 sous le n° 19/01224 au greffe de la cour régionale des pensions d'Orléans et des mémoires complémentaires enregistrés les 21 novembre 2019, 13 décembre 2019 et 23 octobre 2020 sous le n°19NT03865 devant la présente cour, laquelle est devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, la ministre des armées demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans en tant qu'il a confirmé le taux d'invalidité de 10 % attribué à M. C... pour les séquelles qu'il présente au genou ;
2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable dès lors que le jugement avant-dire droit ne s'est prononcé que sur la demande d'expertise ;
- le jugement du 8 mars 2019, qui ne se réfère à aucune disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), est entaché d'un défaut de base légale et méconnaît les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 121-1 du CPMIVG dans la mesure où M. C... n'apporte pas la preuve que l'évènement du 11 avril 2011 serait à l'origine directe et certaine des séquelles qu'il présente au genou ;
- la demande de M. C... est irrecevable compte tenu de son engagement à renoncer à tout contentieux dans le protocole d'accord transactionnel qu'il produit ;
- M. C... n'a présenté aucune demande préalable de pensions concernant ses douleurs neuropathiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2020, M. C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions relatives aux douleurs neuropathiques dont il souffre, et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la ministre des armées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête de la ministre est irrecevable dès lors que le jugement du 16 février 2018 est devenu définitif ;
- à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par le ministre des armées ne sont pas fondés ;
- un taux complémentaire de 10 % lui sera alloué au titre des douleurs neuropathiques.
La clôture de l'instruction est intervenue le 16 novembre 2020 à 16 heures en vertu d'une ordonnance du 30 octobre 2020.
Le mémoire présenté le 29 novembre 2020, pour M. C..., n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., qui est né le 23 juillet 1990, s'est engagé dans l'armée française le 5 mai 2009. Par un arrêté du 3 novembre 2016, il a été rayé des contrôles. Le 6 mars 2012, il a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre des séquelles dont il reste atteint au niveau du genou gauche. Par une décision du 20 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Le 6 avril 2017, M. C... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans, lequel, par un jugement avant-dire droit du 16 février 2018, a ordonné une expertise médicale. L'expert ayant déposé son rapport, par un jugement du 8 mars 2019 le tribunal a partiellement fait droit à la demande présentée par M. C... en reconnaissant l'imputabilité au service de sa blessure au genou et en évaluant le taux de la pension d'invalidité à laquelle il pouvait prétendre à 10 %. Il a rejeté le surplus des conclusions de l'intéressé. Le 13 mai 2019, la ministre des armées a relevé appel de ce jugement devant la cour régionale des pensions d'Orléans, laquelle a transféré ce dossier à la présente cour en application des dispositions de l'article 51 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. Cette instance, désormais enregistrée sous le n°19NT03865, est en état d'être jugée.
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. C... :
2. Si M. C... soutient que la requête de la ministre des armées est irrecevable au motif que le jugement du 16 février 2018 est devenu définitif, il est constant que ce jugement avant-dire droit n'avait pour objet que d'ordonner une expertise médicale sans se prononcer sur ses conclusions tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par suite, cette fin de non-recevoir ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions à fin d'allocation d'une pension militaire d'invalidité :
3. Aux termes de l'article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ".
4. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que, lorsque la présomption légale d'imputabilité ne peut être invoquée, le demandeur d'une pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation directe et certaine entre l'origine ou l'aggravation de l'infirmité qu'il invoque et une blessure reçue, un accident ou une maladie contractée par le fait du service. Cette preuve ne saurait résulter ni de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service ni d'une hypothèse médicale, d'une vraisemblance ou d'une probabilité, ni des conditions générales du service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques.
5. M. C... a indiqué de manière constante qu'il serait tombé sur le genou gauche au cours d'une épreuve physique qui se serait déroulée le 11 avril 2011 dans le cadre de la formation au certificat militaire élémentaire qu'il suivait. Si l'intéressé, qui n'entre pas dans le champ de la présomption d'imputabilité prévue à l'article 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, affirme, sans toutefois l'établir, avoir prévenu son chef de section le jour même, il est constant qu'il n'a consulté le médecin des armées dont il dépendait que le 31 mai suivant. La circonstance que l'intéressé voulait terminer son stage validant pour son cursus militaire sans attirer l'attention sur cette blessure, ne suffit pas à justifier ce délai de près de deux mois qui s'est écoulé entre le 11 avril 2011 et le 31 mai suivant. Les autres documents dont se prévaut M. C..., et notamment le rapport circonstancié établi par ce même médecin le 16 novembre 2011, se fondent uniquement sur ses propres déclarations quant aux circonstances de cet accident. Dans le cadre de son rapport établi le 10 avril 2018, l'expert désigné par le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans, a estimé que cet accident était imputable au service sans remettre en cause ni sa date, ni les circonstances dans lesquelles il serait survenu en se fondant uniquement sur un protocole d'accord transactionnel signé entre les parties le 9 mars 2015. Ce document produit pour la première fois en appel, se borne cependant à indiquer sans se référer à aucune pièce, médicale notamment, que M. C... a été victime d'un accident de service le 11 avril 2011 et que la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée à hauteur de 100 %. Il ne précise ni les circonstances de cet accident, ni les blessures subies par M. C.... Par suite, en l'absence de constat médical contemporain aux faits invoqués, ce seul document, établi plusieurs années après la date supposée de l'accident et dans le cadre d'un litige distinct de celui dont la cour est saisie, qui concerne l'octroi d'une pension militaire d'invalidité et non l'indemnisation de préjudices, ne suffit pas à établir un lien direct et certain entre la tendinopathie rotulienne gauche distale dont souffre M. C... et le service. Il n'est d'ailleurs pas contesté que M. C... pratiquait de nombreuses activités sportives y compris en dehors de ses entraînements militaires et que sa blessure au genou pouvait en résulter. Dans ces conditions, la ministre des armées est fondée à soutenir que l'intéressé n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'imputabilité au service des infirmités en litige.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, ni la recevabilité de la demande présentée en première instance par M. C..., que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans a fixé à 10 % le taux de la pension militaire d'invalidité à laquelle l'intéressé pouvait prétendre au titre des séquelles imputables au service qu'il conserve au genou gauche.
Sur les conclusions d'appel incident présentées par M. C... :
7. Si M. C... sollicite le bénéficie d'un taux complémentaire de pension militaire d'invalidée au titre des douleurs neuropathiques qu'il aurait présentées à la suite de l'accident du 11 avril 2011, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait subi à cette date de telles souffrances. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. C... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité d'Orléans du 8 mars 2019 en tant qu'il a fixé à 10 % le taux de la pension militaire d'invalidité à laquelle M. C... pouvait prétendre au titre des séquelles imputables au service qu'il conserve au genou gauche est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées en appel par M. C... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. B... C....
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03865