CAA de DOUAI, 2ème chambre, 09/03/2021, 19DA02566, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille l'annulation de la décision du 24 octobre 2016 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession de pension militaire d'invalidité.
Par un jugement n° 17/08 du 7 octobre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a fixé à 10 % le taux d'invalidité pour les " séquelles de hernie discale L4-L5 médiane et paramédiane droite, discopathie dégénérative lombaire étagée avec lombarthrose constituant un état antérieur, stigmates maladie de Scheuermann, lombalgies de repos et d'effort, fessalgies droites " et rejeté le surplus des conclusions de sa demande au motif que ces séquelles devaient être qualifiées de maladie et non de blessure.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2019, M. B..., représenté par Me A... B..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;
2°) de lui concéder une pension après avoir retenu qu'il est atteint d'une blessure avec un taux d'invalidité de 10 % ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise médicale afin de rechercher la nature de son infirmité.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 3 juillet 1973, militaire engagé à compter du 1er octobre 1994 dans la marine nationale, a été rayé des contrôles le 23 mars 2014. Le 11 juillet 2013, l'intéressé a demandé une concession de pension à la suite de l'infirmité dont il est atteint après un lumbago aigu avec douleur à la fesse droite survenu après le port d'une charge lourde le 16 janvier 2013. Par une décision du 24 octobre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que le taux de cette infirmité était inférieur au minimum de 10 % requis pour l'ouverture d'un droit à pension, sans que l'origine de celle-ci ait à être recherchée. M. B... relève appel du jugement du 7 octobre 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande de concession de pension au motif que son infirmité résultait, non d'une blessure, mais d'une maladie dont le taux d'invalidité, après expertise, était inférieur à 30 %.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en vigueur à la date de la demande de révision de la pension de M. B..., devenu l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; /2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / b) 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". L'appréciation de l'infirmité, objet de la demande de concession de pension, s'apprécie à la date de dépôt de la demande, soit, en l'espèce le 11 juillet 2013.
3. M. B... a demandé une concession de pension pour des " séquelles de hernie discale L4-L5 médiane et paramédiane droite, discopathie dégénérative lombaire étagée avec lombarthrose constituant un état antérieur, stigmates maladie de Scheuermann, lombalgies de repos et d'effort, fessalgies droites ". Il ressort du rapport de l'expertise judiciaire du 31 mai 2018 du docteur Chochois, médecin des hôpitaux que celui-ci, après avoir pris connaissance de l'ensemble du dossier médical de M. B..., a constaté que l'intéressé a présenté le 16 janvier 2013, à la suite du port d'une charge lourde alors qu'il était en service, une lombo sciatique L4-L5 conflictuelle dont il persiste une infirmité à type d'irradiation sciatique L5 droite après avoir relevé que l'intéressé avait déjà présenté en 2006 un épisode analogue moins intense. Il relève que le scanner lombaire, réalisé le 31 janvier 2013 et l'imagerie par résonance magnétique nucléaire effectuée le 28 août 2013, ont mis en évidence un état antérieur de M. B... sous la forme de hernie de Scheuermann, soit une dystrophie rachidienne de croissance trouvée la plupart du temps à l'adolescence. Cependant, l'expert souligne que cet état antérieur lié à la maladie de Scheuermann n'a participé en rien au processus douloureux. Il conclut expressément à une infirmité à type d'irradiation sciatique L5 droite sans implication des hernies de Scheuermann et évalue au 11 juillet 2013 le taux d'invalidité de cette infirmité à 10 % avoir indiqué précisément que ce taux était " en conformité avec le barème des pensions militaires ". Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, si M. B... présentait un état antérieur dès lors qu'il était atteint d'une dystrophie rachidienne de croissance dénommée maladie de Scheuermann, cette maladie n'est toutefois pas en relation directe et déterminante avec la pathologie dont il souffre, selon les dires de l'expert qui sont dépourvus de toute ambigüité. Il en résulte que M. B... souffre d'une infirmité provoquée par une blessure résultant d'une lésion soudaine consécutive à un fait précis du service, et non d'une maladie, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise sur ce point précis, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a estimé qu'il souffrait d'une maladie et non d'une blessure au sens des dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en vigueur à la date de la décision en litige.
5. M. B... soutient ensuite que le taux d'invalidité de cette blessure a été fixé à 10 % par le dernier expert et qu'il est ainsi fondé à demander l'attribution d'une pension militaire d'invalidité à ce titre. Il résulte de l'instruction que si l'expertise réglementaire du 13 mars 2015 demandée par le ministre de la défense et l'avis du 14 avril 2015 du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du centre d'expertise médicale et de la commission de réforme, ont évalué à 8 % l'infirmité dont souffre l'intéressé, l'expert judiciaire, le docteur Chochois, a toutefois retenu un taux de 10 % pour cette infirmité à la date du 11 juillet 2013. Par suite, c'est à tort que le ministre de la défense a estimé, par la décision du 24 octobre 2016 attaquée, que l'infirmité de M. B... n'était pas de nature à lui ouvrir droit à une pension d'invalidité.
6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande de concession de pension.
Sur les conclusions indemnitaires de M. B... :
7. M. B... demande le versement d'une somme globale de 12 000 euros au titre des souffrances endurées et de ses préjudices esthétique et d'agrément. Toutefois, ces conclusions sont irrecevables à défaut de liaison du contentieux en l'absence de demande préalable adressée à la ministre des armées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 qu'il y a lieu d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à la liquidation de la pension de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, en prenant en compte le taux de 10 % applicable à son infirmité à compter du 11 juillet 2013, date de réception de sa première demande de concession de pension, avec intérêts au taux légal à compter de cette date.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... de la somme de 1 500 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 17/08 du 7 octobre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la ministre des armées de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à la liquidation des droits à pension de M. B... tendant à la prise en compte de son infirmité résultant de sa blessure consécutive à un fait précis du service avec un taux d'invalidité de 10 % à compter du 11 juillet 2013, date de réception de sa première demande de concession de pension, avec intérêts au taux légal à compter de cette date.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au conseil de M. B... sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la ministre des armées et à Me A... B....
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N°19DA02566