CAA de DOUAI, 2ème chambre, 23/03/2021, 19DA02437, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision23 mars 2021
Num19DA02437
JuridictionDouai
Formation2ème chambre
PresidentMme Seulin
RapporteurMme Muriel Milard
CommissaireM. Baillard
AvocatsREGODIAT

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine l'annulation de la décision du 7 octobre 2013 du ministre de la défense rejetant sa demande adressée le 25 janvier 2013 tendant à la concession d'une pension militaire d'invalidité pour onze infirmités.

Par un jugement du 22 janvier 2015, le tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande concernant dix infirmités sur les onze demandées et, avant dire droit, ordonné une expertise concernant celle relative aux troubles psychotiques et aux séquelles de traumatisme crânien.

Par une ordonnance du 1er juillet 2015, ce tribunal s'est dessaisi au profit du tribunal des pensions militaires d'invalidité du département du Nord pour incompétence territoriale.

Par un jugement n° 15/14 du 4 février 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté la demande de M. B....


Par une requête, enregistrée le 13 février 2019, M. B... demande à la cour régionale des pensions militaires de Douai :

1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille du 4 février 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 7 octobre 2013 du ministre de la défense rejetant sa demande de concession de pension.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
-et les observations de Me C... F... substituant Me A... D..., représentant M. B....


Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 12 novembre 1962, engagé dans l'armée de terre le 5 septembre 1979 pour entrer à l'école des sous-officiers d'Issoire, a été radié des contrôles le 30 juin 2005 pour motif disciplinaire. Il a été victime d'un accident de la circulation le 9 octobre 1988 ayant entraîné notamment un traumatisme crânien avec une perte de conscience. Il a demandé le 25 janvier 2013 la concession d'une pension militaire d'invalidité pour onze infirmités dont des troubles psychotiques et des séquelles de traumatisme crânien. Par une décision du 7 octobre 2013, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que certaines de ces infirmités n'étaient pas imputables au service pour défaut de preuve et de présomption et que six d'entre elles avaient un taux d'invalidité inférieur au seuil de 10 % requis par le code des pensions militaires d'invalidité et de victimes de guerre. Par un jugement du 22 janvier 2015, le tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine a rejeté la demande de M. B... pour dix des infirmités alléguées et, avant dire droit, a ordonné une expertise concernant celle relative aux troubles psychotiques et aux séquelles de traumatisme crânien. M. B... relève appel du jugement du 4 février 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille, compétent à la suite du dessaisissement du tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine, a rejeté sa demande de concession de pension pour troubles psychotiques et séquelles de traumatisme crânien.


Sur l'étendue du litige :

2. Par un jugement du 22 janvier 2015, le tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine a rejeté la demande de M. B... dirigée contre la décision du 7 octobre 2013 rejetant sa demande de concession de pension pour les infirmités suivantes, " syndrome du canal carpien de la main droite, fourmillements, douleurs du poignet ", " syndrome du canal carpien de la main gauche, fourmillements, douleurs du poignet ", " anomalie constitutionnelle lombaire, névralgies sciatiques gauches, anomalie transitionnelle S1, pincement L5-S1 ", " cervicarthrose dégénérative, cervicalgies, discarthrose C5-C6, C6-C7 ", " séquelles d'entorses récidivantes de la cheville gauche ", " séquelles de traumatisme vertébral", " douleur de la hanche droite ", " douleur de la hanche gauche " et " douleur de la cheville droite ". Les conclusions de la requête de M. B... sont exclusivement dirigées contre le jugement du 4 février 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille, qui a statué uniquement sur l'infirmité relative aux troubles psychotiques et aux séquelles de traumatisme crânien de l'intéressé et rejeté la demande de M. B... de concession de pension présentée à ce titre. Il en résulte que les moyens soulevés tenant à la légalité de la décision du 7 octobre 2013 du ministre de la défense en tant qu'il a rejeté sa demande de concession de pension pour les dix autres infirmités, sont inopérants à l'encontre du jugement du 4 février 2019 contesté.


Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 4 février 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille :

3. En premier lieu, M. B... soutient qu'il aurait dû être entendu devant la commission de réforme qui s'est réunie le 11 avril 1989 et que, par suite, la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. Toutefois, la circonstance que M. B... n'aurait pas été entendu lors de la réunion de la commission de réforme du 11 avril 1989 est sans lien avec la procédure de demande de concession de pension que M. B... a engagée en 2013, vingt-quatre ans plus tard. Par suite, et en tout état de cause, ce moyen est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée du 7 octobre 2013 rejetant sa demande de concession de pension.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ".

5. Le ministre de la défense a rejeté la demande de M. B... du 25 janvier 2013 tendant à l'attribution d'une concession de pension militaire d'invalidité pour des troubles psychotiques et des séquelles de traumatisme crânien consécutifs à l'accident de la circulation survenu le 9 octobre 1988, au motif que la preuve de l'imputabilité au service n'était pas établie et que la présomption d'imputabilité ne pouvait s'appliquer, l'infirmité invoquée n'ayant pas été constatée pendant une période ouvrant droit à ce bénéfice.
6. M. B... soutient tout d'abord que le dernier expert, le docteur Baroncini, ne présentait pas les compétences requises dans le domaine de la psychiatrie et que la précédente expertise ordonnée par le tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine n'avait pas été réalisée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du jugement avant dire droit du 22 janvier 2015 du tribunal des pensions militaires d'invalidité des Hauts-de-Seine, le médecin pressenti comme expert a décliné la mission qui lui était proposée et, à la suite du dessaisissement de ce tribunal au profit du tribunal des pensions militaires d'invalidité du Nord pour incompétence territoriale, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a, par un jugement du 12 septembre 2016, désigné un nouvel expert, qui a été remplacé par le docteur Baroncini, lequel a rendu son rapport le 8 septembre 2017. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'expertise ordonnée par le tribunal des pensions militaires des Hauts-de-Seine n'aurait pas été réalisée. Ensuite, le docteur Baroncini, neurochirurgien au centre hospitalier régional universitaire de Lille, avait une spécialité adaptée au cas de M. B..., victime d'un traumatisme crânien à la suite de son accident et qui allègue être atteint de troubles psychotiques en lien avec ce traumatisme. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, ce praticien avait les compétences requises pour exercer la mission qui lui était confiée.
7. M. B... soutient ensuite que l'infirmité relative à ses troubles psychotiques est imputable au service. Toutefois, il ressort du rapport d'expertise du 8 septembre 2017 du docteur Baroncini que M. B... a présenté un traumatisme crânien de gravité modérée le 9 octobre 1988, l'expert ayant souligné que l'existence d'une perte de connaissance et d'une amnésie des faits ne signait pas un traumatisme grave mais justifiait seulement une surveillance de 24 heures en milieu hospitalier. Il a précisé que l'examen clinique était resté normal à chaque évaluation de M. B... et qu'une imagerie par résonnance magnétique nucléaire réalisée en juillet 2017, n'avait pas retrouvé de séquelle traumatique. Il a souligné qu'il y avait eu un délai particulièrement long entre le traumatisme et l'apparition des premiers signes psychiatriques un an plus tard alors qu'en cas de traumatisme crânien sévère entraînant des troubles du comportement, ceux-ci sont présents dès la sortie du coma sans intervalle libre. Cet expert n'a pas d'avantage retenu de syndrome post-commotionnel dès lors que celui-ci apparaît habituellement dans le mois suivant le traumatisme et disparaît généralement au-delà de deux ans. Il a conclu à un traumatisme crânien sans séquelle objectivée ni clinique, ni radiologique et à une absence d'infirmité séquellaire de l'accident de la route du 9 octobre 1988.
8. Si M. B... soutient également qu'il a subi " des abus de pouvoir laissant préjuger des délires paranoïaques et d'une psychose interprétative ", qu'il s'en est suivi de " nombreuses sanctions disciplinaires à son encontre jusqu'à sa radiation des cadres par mesure disciplinaire ", qu'il a subi plusieurs internements en psychiatrie contre sa volonté et a dû prendre une quantité importante de médicaments, ces seules allégations, qui ne sont étayées par aucun élément médical probant, sont sans incidence sur la légalité de la décision en litige.
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le traumatisme crânien subi par M. B... à la suite de son accident de circulation du 9 octobre 1988 n'a entraîné aucune infirmité séquellaire et, par suite, que les troubles psychotiques de M. B... ne sont pas en relation directe, certaine et déterminante avec l'accident dont il a été victime. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre de la défense a, par la décision attaquée du 7 octobre 2013, rejeté sa demande d'attribution de pension au titre de l'infirmité relative aux troubles psychotiques et aux séquelles de traumatisme crânien.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Lille a rejeté sa demande. Doivent donc être rejetées les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :



Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la ministre des armées et à Me A... D....
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