CAA de NANTES, 6ème chambre, 06/04/2021, 19NT02740, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 avril 2021
Num19NT02740
JuridictionNantes
Formation6ème chambre
PresidentM. COIFFET
RapporteurMme Fanny MALINGUE
CommissaireM. LEMOINE
AvocatsCABINET COUDRAY CONSEIL & CONTENTIEUX

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision implicite du 27 novembre 2016 par laquelle le maire d'Auray a refusé de procéder à la reconstitution de sa carrière ainsi que la décision expresse du 16 décembre 2016 ayant le même objet, d'autre part, d'enjoindre au maire d'Auray de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 14 octobre 2010 et jusqu'au 1er septembre 2015, date de sa mise à la retraite, sur la base de l'emploi qu'elle occupait à la date de son dernier jour d'activité avec une quotité horaire hebdomadaire de 18,5 heures, et enfin de mettre à la charge de cette collectivité une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700274 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du 27 novembre 2016 et 16 décembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au maire d'Auray de procéder à la reconstitution de sa carrière depuis la date du 14 octobre 2010, sur la base de l'emploi qu'elle occupait à la date de son dernier jour d'activité, soit sur l'emploi occupé de 18,50 heures hebdomadaires, jusqu'à la date de sa mise à la retraite pour invalidité ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Auray une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la commune d'Auray a commis une erreur de droit dès lors que son congé de maladie étant intervenu antérieurement à la décision modifiant la durée hebdomadaire de son emploi, cette décision n'a pas pu avoir pour effet de modifier sa situation ;
- pour l'application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, le traitement pris en compte doit être celui tel qu'il est fixé à la date du début du congé ; l'effectivité du droit au maintien du traitement ne peut dépendre de circonstances liées au fonctionnement du service qui sont totalement extérieures à la personne et à la situation du fonctionnaire ; il en va ainsi s'agissant du temps partiel thérapeutique où le droit est déconnecté du régime du travail appliqué avant la survenance de la pathologie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2020, la commune d'Auray, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- l'argumentation relative au régime du temps partiel thérapeutique est inopérante ;
- les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;
- le décret n° 91-861 du 2 septembre 1991 ;
- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant Mme A....


Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée à compter du 1er janvier 1992 par la commune d'Auray en qualité d'assistante territoriale d'enseignement artistique pour assurer les fonctions de professeur de piano à l'école de musique municipale. Elle a été titularisée par un arrêté du 20 septembre 2000. Après plusieurs malaises survenus en juin et septembre 2009 associés à des acouphènes, elle a été placée en congé de maladie. Par un arrêté du 27 octobre 2010, pris sur le fondement de la délibération du conseil municipal du 20 octobre 2010, sa durée hebdomadaire de travail a été portée à 16,75 heures par semaine. Par un premier arrêté du 7 mai 2015, sa pathologie a été reconnue comme imputable au service à compter du 3 juin 2009. Par un second arrêté du même jour, elle a été placée en congé pour maladie professionnelle survenue dans l'exercice de ses fonctions pour différentes périodes. Enfin, par un arrêté du 23 novembre 2015, elle a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2015. Mme A... a demandé, par un courrier reçu le 27 septembre 2016 par les services de la commune d'Auray, la reconstitution de sa carrière du 14 octobre 2010 au 1er septembre 2015 sur la base d'un emploi occupé à hauteur de 18,50 heures par semaine. Elle relève appel du jugement du 9 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus opposé implicitement puis expressément à sa demande.

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 11 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé ". Aux termes de l'article 57 de cette même loi, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...) ".

3. Les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 selon lesquelles le fonctionnaire conserve, selon la durée du congé, l'intégralité ou la moitié de son traitement, ont pour seul objet de compenser la perte de rémunération due à la maladie en apportant une dérogation au principe posé par l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 subordonnant le droit au traitement au service fait. Elles ne peuvent avoir pour effet d'accorder à un fonctionnaire bénéficiant d'un congé de maladie des droits à rémunération supérieurs à ceux qu'il aurait eus s'il n'en avait pas bénéficié. Dans le cas particulier des agents à temps non complet, dont le traitement est calculé au prorata du nombre d'heures hebdomadaires de service afférent à l'emploi dans lequel ils sont nommés et dont le nombre d'heures de service hebdomadaire peut être modifié, en vertu des dispositions précitées du décret du 20 mars 1991, sans que cette modification ne soit subordonnée à l'acceptation préalable des intéressés, les dispositions de l'article 57 ne font pas obstacle à ce qu'une modification de la durée hebdomadaire de service impliquant une modification de la rémunération intervienne pendant un congé de maladie, les intéressés ayant toujours la possibilité, lorsque cette modification est assimilée à la suppression d'un emploi, de refuser a postériori cette transformation et, dans toutes les hypothèses, de contester devant le juge la délibération de l'organe délibérant procédant à cette modification.

4. Il ressort des pièces du dossier que la durée hebdomadaire de travail de Mme A..., fixée à 18,5 heures par un arrêté du 8 février 2001, a été ramenée à 16,75 heures par un arrêté du 27 octobre 2010. Il est constant que cet arrêté est devenu définitif à la suite du rejet par le tribunal administratif de Rennes le 31 décembre 2013 dans l'instance n° 1102584 de la requête formée par l'intéressée tendant à son annulation. Or c'est sur la base de cet arrêté que la commune d'Auray a pris en compte, pour le calcul du versement effectué à Mme A... sur le fondement de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 du fait de congé de maladie, l'impact financier de cette réduction de la durée hebdomadaire de travail à compter du 1er novembre 2010. Si la requérante soutient que cet élément postérieur au 14 octobre 2010, date du début de son congé de maladie, ne devait pas être retenu pour le calcul du traitement intégral auquel elle avait droit et que sa situation devait être déterminée à la date du dernier jour précédant sa mise en congé, les dispositions de l'article 57 précitées, applicables en cas d'imputabilité au service de la maladie, ne prévoient pas que soit exclue, pour le calcul du versement opéré, la prise en compte des évènements affectant la carrière de l'agent après la date de sa mise en congé. Par ailleurs, ces dispositions légales qui ont pour objet de compenser la perte de rémunération liée à la maladie de Mme A... ne peuvent avoir pour effet de lui accorder un droit à rémunération supérieur à celui qui aurait été le sien si elle n'avait pas été dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Par suite, la commune d'Auray n'a pas fait une inexacte application des dispositions régissant sa situation en prenant en compte la modification induite par l'arrêté du 27 octobre 2010.

5. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme sollicitée par la commune d'Auray sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Auray présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse A... et à la commune d'Auray.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021.

Le rapporteur,
F. E...Le président,
O. COIFFET
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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