CAA de DOUAI, 3ème chambre, 22/04/2021, 19DA02769, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 avril 2021
Num19DA02769
JuridictionDouai
Formation3ème chambre
PresidentMme Borot
RapporteurMme Ghislaine Borot
CommissaireM. Cassara
AvocatsKRAIEM

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 mars 2016 par lequel le maire de Rouen a refusé de reconnaître ses arrêts maladie postérieurs au 31 août 2015 comme étant imputables au service et l'a placé en congé maladie ordinaire à compter de cette date ainsi que l'arrêté du 1er juin 2016 par lequel le maire l'a placé en congé ordinaire à demi-traitement pour la période du 1er décembre 2015 au 28 mars 2016, et d'autre part, de condamner la commune de Rouen à lui rembourser les retenues sur salaire effectuées à partir du mois de mars 2016 et à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Par un jugement n° 1602607 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2019, M. A... E..., représenté par Me F... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 9 mars 2016 et 1er juin 2016 ;

3°) de condamner la commune de Rouen à lui rembourser les retenues sur salaire effectuées à partir du mois de mars 2016 ;

4°) de condamner également la commune de Rouen à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Rouen la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- les observations de Me B... D..., représentant la commune de Rouen.


Considérant ce qui suit :
1. M. A... E..., adjoint technique principal de 2ème classe affecté à la direction des espaces publics et naturels de la commune de Rouen, est atteint depuis 2008 d'une pathologie du poignet droit reconnue maladie professionnelle. Par un arrêté du 9 mars 2016, le maire de Rouen a refusé de reconnaître ses arrêts maladie postérieurs au 31 août 2015 comme étant imputables au service et l'a placé en congé maladie ordinaire à compter de cette date. Par un arrêté du 1er juin 2016, le maire de Rouen l'a ensuite placé en congé ordinaire à demi-traitement pour la période du 1er décembre 2015 au 28 mars 2016. M. E... relève appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ainsi que celle tendant à la condamnation de la commune à réparer ses préjudices.

Sur la fin de non-recevoir tiré de l'irrecevabilité de la requête d'appel :

2. La requête d'appel de M. E... ne constitue pas la reproduction littérale de sa demande de première instance. Elle énonce de manière précise les moyens dirigés contre les arrêtés contestés déjà soulevés en première instance et soulève en outre de nouveaux moyens. Elle répond ainsi aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Rouen, tirée de l'absence de moyens d'appel dans la requête, doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 9 mars 2016 :

3. Si la commune de Rouen a fait valoir, en première instance, que les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 9 mars 2016, qui n'ont été introduites que le 28 juillet 2016 devant le tribunal administratif, étaient tardives et par suite irrecevables, elle ne justifie pas de la date de notification de cet arrêté à M. E.... Par suite, la fin de non-recevoir ainsi opposée doit être écartée.

4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...)
6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande d'imputabilité au service des arrêts de travail de M. E... postérieurs au 31 août 2015, l'arrêté vise l'expertise pratiquée le 1er septembre 2015 du médecin agréé en indiquant qu'elle ne reconnaissait pas l'imputabilité au service des prolongations d'arrêts au-delà du 31 août 2015, ainsi que l'avis défavorable de la commission de réforme sans toutefois en énoncer les termes permettant de comprendre le motif pour lequel les arrêts postérieurs au 31 août 2015 ne devaient plus être regardés comme imputables à la maladie professionnelle. En outre, si le maire de Rouen a entendu s'approprier le contenu de ces avis, il est constant qu'ils n'étaient pas joints à l'arrêté en litige. Par suite, l'arrêté du 9 mars 2016 est entaché d'un défaut de motivation, en méconnaissance des dispositions citées au point précédent. Il doit, dès lors, être annulé.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens dirigés contre cet arrêté, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 9 mars 2016.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 1er juin 2016 :

7. L'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dispose : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service. (...) ".

8. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

9. Il ressort notamment des pièces du dossier que l'expert judiciaire désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a estimé dans son rapport du 17 novembre 2016, produit désormais en appel, que les arrêts de travail postérieurs au 31 août 2015 de M. E..., sont imputables à la pathologie survenue le 25 mars 2008, reconnue comme maladie professionnelle. Il indique également que la pathologie étant toujours en cours, aucune date de consolidation ne peut être fixée. Il relève d'ailleurs le caractère arbitraire de la date de consolidation fixée au 31 août 2015. La commune de Rouen fait valoir que cet état de santé résulte des négligences de M. E... dans la prise en charge de sa pathologie, celui-ci n'ayant entrepris aucune démarche auprès de son chirurgien depuis avril 2015 selon les termes du rapport médical établi par le médecin agréé. Toutefois, cette seule circonstance relevée d'ailleurs sur une période relativement courte entre avril 2015 et septembre 2015, alors que cette pathologie existe depuis 2008, ne suffit pas à révéler un comportement fautif de M. E... dans sa propre prise en charge médicale de nature à détacher la maladie du service. Le requérant a d'ailleurs subi une échographie en juin 2015 de son poignet droit. L'expert judiciaire n'a quant à lui qu'évoqué la nécessité d'un nouveau geste chirurgical. Dans ces conditions, dès lors que les arrêts de travail postérieurs au 31 août 2015 sont imputables à la maladie professionnelle, M. E... devant conserver l'intégralité de son traitement, l'arrêté en litige le plaçant à demi-traitement méconnaît les dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Il doit, par suite, être annulé.

10. Il résulte de ce précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés contre cet arrêté, alors que l'expertise demandée par la commune n'est pas utile à la résolution du litige, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du 1er juin 2016.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. En se bornant à demander sans autre précision une indemnisation d'un montant de 1 000 euros, M. E... n'établit pas la réalité de son préjudice moral. Ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

12. Il n'apporte pas davantage d'éléments pour corroborer son allégation selon laquelle des retenues sur traitement auraient été effectuées à compter de mars 2016. Par suite, il n'établit pas la réalité de son préjudice financier. Ses conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent être également rejetées.

13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Rouen, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge M. E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Rouen demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Rouen la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. E... tendant à l'annulation des arrêtés du maire de Rouen du 9 mars 2016 et 1er juin 2016. Ces arrêtés sont annulés.

Article 2 : La commune de Rouen versera à M. E... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Rouen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... C... pour M. A... E... et à la Selarl DAMC pour la commune de Rouen.

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