CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 17/05/2021, 18BX03327, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 mai 2021
Num18BX03327
JuridictionBordeaux
Formation3ème chambre
PresidentM. ARTUS
RapporteurM. Didier ARTUS
CommissaireMme MOLINA-ANDREO
AvocatsCABINET LAPUELLE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 août 2014 de la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-Ouest qui l'a placé à la retraite pour invalidité non imputable au service, ensemble la décision implicite de rejet du 22 décembre 2014 et la décision expresse de rejet du 24 décembre 2014, et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de le placer à la retraite pour invalidité imputable au service.

Par un jugement avant-dire-droit du 5 mars 2018, ce tribunal a ordonné un supplément d'instruction avant de statuer sur les conclusions en annulation de la requête n° 1500576 présentée par M. F....

Par un jugement n° 1500576 du 9 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 août 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 21 avril 2020, M. F..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1500576 du tribunal administratif de Toulouse du 9 juillet 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2014 par lequel la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-Ouest l'a placé à la retraite pour invalidité non imputable au service ainsi que la décision expresse de rejet du 24 décembre 2014 de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de le placer à la retraite pour invalidité imputable au service, le cas échéant sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le tribunal a méconnu l'autorité de la chose jugée par la cour dans son arrêt n°11BX02684 alors que l'appréciation de l'imputabilité au service de son invalidité, alors même que l'objet de cette affaire était disciplinaire, s'imposait aux premiers juges dans le cadre de sa mise à la retraite pour invalidité, la cour ayant estimé qu'il devait être tenu pour établi que sa pathologie est liée au fait qu'il a tenté en vain de raisonner son collègue pour l'empêcher d'attenter à ses jours ;
- les premiers juges ont irrégulièrement apprécié la régularité de la procédure suivie devant la commission de réforme , faute d'avoir vérifié s'il avait été mis en mesure, conformément à l'article R. 49 al. 5 du code des pensions civiles et militaires, de prendre connaissance des rapports établis par les médecins agréés ;
- les premiers juges ont irrégulièrement apprécié la composition de la commission de réforme, sans rechercher si la spécialité du médecin siégeant au sein de la commission de réforme correspondait effectivement aux affections invalidantes dont il est atteint, alors qu'aucun spécialiste des maladies mentales n'était présent lors de la réunion de la commission de réforme et que sa pathologie psychiatrique est principalement la cause de sa mise à la retraite pour invalidité, justifiant un taux d'invalidité évaluée à 70 %, les affectations rhumatologiques ayant un caractère subsidiaire ;
- en posant une condition d'exclusivité du lien de causalité entre les pathologies contractées en service et sa mise à la retraite, les premiers juges ont commis une erreur de droit ; à supposer que sa pathologie psychiatrique soit également en lien avec des difficultés personnelles et que son affectation rhumatologique soit apparue antérieurement à sa titularisation en 1990, son état s'est dégradé pendant ses années de service ;
- l'arrêté du 19 août 2014 et la décision expresse de rejet du 24 décembre 2014 constituent des décisions défavorables qui devaient être motivées dès lors qu'elles lui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; elles ne sont pas motivées en droit et en fait ;
- les décision contestées le plaçant à la retraite pour invalidité non imputable au service ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'a pas eu connaissance de la possibilité de contester les résultats de l'expert devant le comité médical supérieur ni qu'il pouvait se faire assister par un médecin de son choix devant le comité médical ; il n'a pas été informé qu'il pouvait prendre connaissance des rapports établis par les médecins agréés ;
- l'arrêté du 19 août 2014 et la décision expresse de rejet du 24 décembre 2014 contestés ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que la composition du comité médical et de la commission de réforme est irrégulière, la présence d'un spécialiste des maladies mentales s'imposait davantage que celle d'un médecin rhumatologue ; le procès-verbal de la séance de la commission de réforme ne contient aucune information sur le respect de la règle de quorum fixée par l'article 19 du décret du 14 mars 1986, notamment si les deux praticiens de médecine générale ou le médecin spécialiste se sont abstenus de prendre part au vote ;
- eu égard aux motifs de l'arrêt de la cour n°11BX02684 du 9 mai 2012, l'administration ne pouvait considérer que l'affection psychiatrique dont il souffre n'est pas imputable au service sans méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cet arrêt ;
- l'arrêté du 19 août 2014 et la décision expresse de rejet du 24 décembre 2014 sont entachés d'erreur d'appréciation, dès lors que l'administration s'est crue liée par les avis rendus par le comité médical et par la commission de réforme ; l'affection psychiatrique est liée directement au suicide d'un collègue survenu le 29 janvier 1991, auquel il a assisté, qui a déclenché un syndrome de stress post-traumatique ; il justifie n'avoir pas d'antécédent avant cet incident traumatisant ; les éléments d'expertise sur lesquels l'administration s'est appuyée sont erronés ; ses affectations rhumatologiques sont imputables au service, dès lors que sa première cure d'hernie discale est intervenue en mars 1991 et que le professeur Lazorthes a indiqué dès 1996 que son métier est relativement exposé aux contraintes mécaniques rachidiennes ; ces problèmes se sont aggravés en 1993 à la suite d'une agression imputable au service ;
- le lien de causalité entre les pathologies dont il reste atteint et le service n'a pas à être exclusif, il suffit qu'il soit direct ; l'existence d'un état antérieur ne suffit pas à exclure tout lien avec le service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

Une clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2020.

Vu :
- les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... A...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteure publique,
- et les observations de M. F..., requérant.


Une note en délibéré présentée par le requérant, Monsieur F..., a été enregistrée le 9 avril 2021.


Considérant ce qui suit :

1. M. B... F..., gardien de la paix dont la dernière affectation était la direction départementale de la police aux frontières de Toulouse, souffre d'un état dépressif ayant justifié son placement en congé de longue maladie à compter du 26 juillet 2004. Par un arrêté du 19 août 2014, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité de la zone Sud-Ouest l'a mis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 28 juillet 2014. Après avoir rejeté implicitement le recours gracieux formé le 20 octobre 2014 par M. F... contre l'arrêté du 19 août 2014, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité a réitéré son rejet du recours gracieux de M. F... par une décision expresse du 24 décembre 2014. M. F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 août 2014 l'admettant à la retraite pour invalidité non imputable au service, ensemble les décisions rejetant son recours gracieux. M. F... relève appel du jugement du 9 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 août 2014 et de la décision du 24 décembre 2014 rejetant son recours gracieux.


Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

2. L'arrêté contesté du 19 août 2014, par lequel le préfet de la zone de défense Sud-Ouest a admis M. F... à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 26 juillet 2014, a été pris à la suite de l'avis du comité médical interdépartemental qui a conclu, le 20 mai 2014, à l'inaptitude définitive de l'intéressé à l'exercice de ses fonctions d'actif dans la police nationale, sans possibilité de reclassement, et de l'avis du même jour par lequel la commission de réforme a conclu à son inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions et à son placement à la retraite pour invalidité non imputable au service.

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans leur rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme (...). Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances (...). ".

4. Aux termes des dispositions de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / (...) 6. L'application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite. ". Aux termes de l'article 19 du même décret : " (...) Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix (...) ".

5. Le dossier mentionné par les dispositions précitées de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 doit contenir le rapport du médecin agréé qui a examiné le fonctionnaire. Si ces dispositions n'exigent pas que l'administration procède de sa propre initiative à la communication des pièces médicales du dossier d'un fonctionnaire avant la réunion de la commission de réforme, elles impliquent que ce dernier ait été informé de la possibilité d'obtenir la consultation de ces pièces.

6. En l'espèce, avant la réunion de la commission de réforme, le 20 mai 2014, M. F... a été informé par courrier du 24 avril 2014, reçu le 30 avril suivant, de la tenue de cette réunion et de ce qu'il pouvait consulter la partie administrative de son dossier. Si M. F... reproche aux premiers juges de ne pas s'être assurés qu'il avait été informé de la faculté de prendre connaissance des conclusions des rapports établis par les médecins agréés en vue de la réunion de la commission, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a été informé le 30 avril 2014 de la possibilité de demander la communication de la partie médicale de son dossier, avant la réunion du comité médical prévue le même jour que celle de la commission de réforme et sur le même ordre du jour, de sorte qu'il doit être regardé comme ayant été mis en mesure d'accéder à son dossier, y compris dans ses éléments médicaux, et n'ayant ainsi été privé d'aucune garantie.

7. Aux termes des dispositions de l'article 7 du décret précité du 14 mars 1986 : " (...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; / - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. / L'avis du comité médical est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. / Le secrétariat du comité médical est informé des décisions qui ne sont pas conformes à l'avis du comité médical. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a reçu notification le 30 avril 2014 de la lettre du 24 avril 2014 par laquelle le secrétariat du comité médical interdépartemental l'a informé de la date du 20 mai 2014 à laquelle le comité médical allait examiner son dossier, de ses droits concernant la communication de son dossier médical, de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix et de faire appel devant le comité médical supérieur en cas de contestation de sa part de l'avis émis par le comité médical interdépartemental. Par suite, le moyen tiré de ce que l'intéressé n'a pas eu connaissance de la possibilité de porter une contestation devant le comité médical supérieur ni qu'il pouvait se faire assister par un médecin de son choix manque en fait.

9. Aux termes des dispositions de l'article 12 du décret précité du 14 mars 1986 : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : /1. Le chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; /2. Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou son représentant ;/ 3. Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, élus par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire locale dont relève le fonctionnaire ; toutefois, s'il n'existe pas de commission locale ou si celle-ci n'est pas départementale, les deux représentants du personnel sont désignés par les représentants élus de la commission administrative paritaire centrale, dans le premier cas et, dans le second cas, de la commission administrative paritaire interdépartementale dont relève le fonctionnaire ; / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 19 du même décret, dans sa rédaction issue du décret n°2000-610 du 28 juin 2000 : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. /Les avis sont émis à la majorité des membres présents. /Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote. (...) ".

10. Il ne résulte pas des dispositions précitées dont se prévaut M. F... que l'ensemble des membres de la commission de réforme doit signer l'avis qu'elle rend, lequel a, en l'espèce, été signé par le président, les représentants du personnel, le représentant de l'administration, le médecin spécialiste, et les deux autres médecins du comité médical. En l'absence du directeur général des finances publiques, la commission de réforme a siégé ce jour-là, conformément aux règles de quorum prévues par les dispositions précitées, avec cinq de ses six membres de droit et rendu, à l'issue du vote, un avis défavorable à la demande de M. F.... Il s'ensuit que le non-respect de la règle de quorum manque en fait. Le fait que chacun des praticiens ait signé le procès-verbal ne signifie pas qu'ils aient tous voté mais qu'ils étaient présents et ont approuvé ce procès-verbal tel qu'il était rédigé, procès-verbal qui doit être regardé comme faisant foi et attestant que l'avis retranscrit est conforme au vote. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du vote doit être écarté.

11. La présence d'un spécialiste dans la composition de la commission de réforme, préalablement à la mise en retraite pour invalidité d'un agent, a pour objet d'éclairer cette commission sur la pathologie dont souffre l'agent et constitue pour celui-ci une garantie destinée à ce que la décision rendue soit médicalement justifiée. Il ressort des pièces du dossier que M. F... présentait depuis de nombreuses années un tableau dépressif sévère ainsi qu'une pathologie rhumatologique. Si l'appréciation des affections qui, selon l'administration, rendaient M. F... inapte à exercer ses fonctions, requérait l'avis de spécialistes et si lors de sa réunion du 20 mai 2014, la commission de réforme ne comportait que le docteur Daumas, rhumatologue, cependant la présence d'un spécialiste lors d'une réunion de la commission de réforme n'est prescrite à peine d'irrégularité de la procédure que si cette présence est nécessaire à l'appréciation par la commission des éléments médicaux qui lui sont soumis. Il résulte des pièces du dossier que l'intéressé a été examiné à deux reprises par le docteur Peresson, spécialiste en psychiatrie, qui a conclu, dans ses rapports du 3 mars 2009 et du 27 mars 2014, à l'évolution et à l'aggravation d'une pathologie présente depuis 1990, dont les symptômes avaient été accentués à bas bruit durant plusieurs années, et devait se voir reconnaître une invalidité pour inaptitude absolue et définitive à ses fonctions de gardien de la paix non imputable au service. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la commission de réforme a pu s'estimer suffisamment informée et régulièrement émettre un avis sans s'adjoindre un spécialiste en maladies mentales. Par suite, l'absence d'un spécialiste en psychiatrie au sein de la commission de réforme n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'avis rendu et n'a pas privé l'intéressé d'une garantie.

En ce qui concerne la motivation des décisions contestées :

12. M. F... reprend en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation en droit et en fait de l'arrêté contesté du 19 août 2014 et de la décision expresse de rejet de son recours gracieux, au regard des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, désormais repris aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne le bien-fondé des décisions contestées :

13. Par son arrêt du 9 mai 2012 n°11BX02684, la cour a annulé l'arrêté du 2 mai 2007 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé la révocation de M. F... au motif du caractère manifestement disproportionné de la sanction par rapport à la gravité des faits reprochés. Elle a ainsi réglé un litige ayant un objet distinct de la présente requête, relative à la légalité de l'arrêté du préfet de la zone de défense Sud-Ouest qui a admis M. F... à la retraite pour invalidité non imputable au service. Si cet arrêt indique notamment qu'" il doit être tenu pour établi que M. F... est atteint d'un stress post-traumatique pour avoir tenté vainement de raisonner son collègue pour l'empêcher d'attenter à ses jours ", cette mention, subsidiaire pour l'appréciation du contexte et de la gravité de la faute alors en litige devant la cour, ne s'imposait pas dans l'appréciation par les premiers juges de l'imputabilité au service de son invalidité eu égard, ainsi qu'il vient d'être dit, aux objets distincts des procédures disciplinaire et d'admission à la retraite pour invalidité. Ainsi qu'en ont jugé à bon droit les premiers juges, le requérant ne peut, par suite, se prévaloir dans le cadre de la présente instance de l'autorité de la chose jugée par cet arrêt.

14. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Dans les cas où sont en cause des troubles psychiques, il appartient aux juges de prendre en considération l'ensemble des éléments du dossier permettant d'établir que ces troubles sont imputables à un fait précis ou à des circonstances particulières de service.

15. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de faire droit à la demande de M. F... tendant à sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-Ouest s'est fondée sur l'avis du comité médical interdépartemental du 20 mai 2014, qui a émis un avis défavorable, ainsi que sur l'avis de la commission de réforme du même jour, laquelle a également émis un avis défavorable à la demande de M. F..., le déclarant inapte totalement et définitivement à tout poste de travail dans la police nationale sans possibilité de reclassement, d'une part, au regard des expertises du docteur Daumas du 18 mars 2014 fixant respectivement à 10 % et 5 % une lombosciatique gauche et une tendinopathie de l'épaule gauche, d'autre part, au regard de l'expertise réalisée par le docteur Peresson le 27 mars 2014 au titre de l'évolution et de l'aggravation d'une pathologie psychiatrique non imputable au service, au taux de 70 %. Il ressort de l'avis médical de l'expert psychiatre qui a examiné M. F..., et au vu duquel se sont prononcés le comité médical interdépartemental et la commission de réforme, qu'il souffre d'un syndrome anxio-dépressif chronique et d'une lourde pathologie psychiatrique évoquant une bipolarité et des troubles de la personnalité, sans lien avec le suicide d'un collège survenu en janvier 1991, qui le rendent inapte de manière définitive à l'exercice de toute fonction d'actif dans la police nationale. Au soutien du moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché l'arrêté contesté, le requérant persiste à soutenir en appel que sa pathologie psychiatrique est apparue postérieurement à son entrée en service et trouve son origine dans le traumatisme subi en janvier 1991 pour avoir assisté au suicide d'un collègue de travail. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des témoignages produits ainsi que des certificats et compte rendus d'examens médicaux, dont celui établi le 5 août 2015 par le docteur Mouillard, médecin inspecteur régional agréé, que sa pathologie psychiatrique est liée à des facteurs personnels et familiaux. Si le requérant soutient que le comité médical et la commission de réforme, dans leurs séances du 20 mai 2014, qui ont émis un avis sur sa situation médicale et sur lesquels la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-ouest s'est fondée, ont statué sur la base de rapports médicaux erronés et de faible valeur probante, il ne l'établit que très partiellement. Les certificats médicaux qu'il avait produit en première instance pour établir l'absence d'antécédents avant l'autolyse d'un collègue de travail, qui ne se prononcent pas sur l'influence de cet événement sur sa santé mentale ou qui ne font que relayer les propres déclarations de l'intéressé, ne permettent pas d'infirmer ou de mettre en doute les avis médicaux circonstanciés sur lesquels la commission de réforme s'est fondée pour rendre son avis. Il en est de même du jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 25 juillet 2008, qu'il présente comme de nature à l'exonérer de la production d'éléments médicaux antérieurs à 2004, qui l'a condamné pour faux en écritures pour avoir fourni un faux certificat médical à l'appui de sa demande du 2 décembre 2004 de reconnaissance d'imputabilité au service de sa pathologie psychiatrique. En admettant même que l'autolyse d'un collège de travail auquel il aurait assisté, en janvier 1991, ait pu, à cette époque, influer sur son état de santé psychique, les témoignages de ses collègues de travail et de sa hiérarchie n'attestent nullement qu'il y aurait fait la moindre allusion. Dès lors, cet événement ne saurait être regardé comme la cause prépondérante des troubles post-traumatiques, apparus au demeurant plus tardivement, dont il a souffert, et qui ont conduit l'administration à prendre l'arrêté contesté. M. F... fait valoir que ses affectations rhumatologiques sont imputables au service, dès lors que sa première cure d'hernie discale est intervenue en mars 1991, que le professeur Lazorthes a indiqué dès 1996 que son métier est relativement exposé aux contraintes mécaniques rachidiennes et que ces problèmes se sont aggravés en 1993 à la suite d'une agression imputable au service. Toutefois, le certificat médical qu'il produit en appel, rédigé le 15 décembre 2008 par un médecin généraliste, attestant que " la première consultation pour sciatique, ou pour pathologie rachidienne quelle qu'elle soit, a eu lieu le 12 novembre 1990 ", n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par l'administration au vu des rapports circonstanciés du docteur Daumas, rhumatologue, dont le rapport du 18 mars 2014 conclut à l'absence d'imputabilité au service de ses affectations rhumatologiques. Ainsi, il n'est pas établi que la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-ouest aurait entaché l'arrêté contesté d'un erreur d'appréciation en estimant que cette invalidité n'était pas imputable au service.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 août 2014 par lequel la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-ouest l'a placé à la retraite pour invalidité non imputable au service, ainsi que la décision du 24 décembre 2014 rejetant expressément son recours gracieux.


Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des décisions contestées, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. F... ne peuvent qu'être rejetées.


Sur les frais d'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. F... demande le versement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :


Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète déléguée de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. D... A..., président,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme E... C..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2021.
Le président-rapporteur,
Didier A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03327