CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 11/05/2021, 19MA05099, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 mai 2021
Num19MA05099
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsAARPI CLAMENCE AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision du 4 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " séquelles de traumatisme indirect du poignet droit. Lésion du ligament triangulaire et du ligament luno-triquétral. Douleurs avec raideur articulaire ".

Par un jugement n° 17/00122 du 1er août 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a rejeté la demande de Mme B....


Procédure devant la Cour :

La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par Mme B..., enregistrée à son greffe le 30 septembre 2019.


Par cette requête, Mme C... B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 1er août 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 4 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ;

3°) de reconnaître son droit à pension et de reconstituer sa carrière ;

4°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance ;

6°) de condamner l'Etat à lui verser 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que la décision du 4 mai 2017 est insuffisamment motivée à défaut pour les avis de la commission de réforme de Marseille du 27 avril 2017 et de la commission consultative médicale du 8 septembre 2016 auxquels elle fait référence d'y être annexés ; elle fait également valoir que l'infirmité dont elle souffre est imputable au service au titre de deux accidents du 11 mai 2012 et du 19 février 2013.


Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.


Un mémoire enregistré le 1er février 2021 pour Mme B... n'a pas été communiqué.


Par ordonnance du 25 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 mars 2021 à 12 heures.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret du 29 mai 1919 modifié déterminant les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité en vue de la concession des pensions accordées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant Mme B....


Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 1er septembre 1986, s'est engagée dans la Marine Nationale le 21 septembre 2009. Elle relève appel du jugement du 1er août 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rejeté sa requête dirigée contre la décision du 4 mai 2017 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité, enregistrée le 21 octobre 2014, au titre de l'infirmité de " séquelles de traumatisme indirect du poignet droit. Lésion du ligament triangulaire et du ligament luno-triquétral. Douleurs avec raideur articulaire " et formulée en relation avec un accident de service survenu le 19 février 2013.
S'agissant de la motivation de la décision du 24 mai 2017 :

2. Aux termes de l'article L. 25 du même code : " (...) Toute décision comportant rejet de pension doit être également motivée et faire ressortir qu'il n'est pas établi que l'infirmité provient de l'une des causes indiquées à l'article L. 2, ou, lorsque l'intéressé a droit à la présomption, les faits, documents ou raisons d'ordre médical dont résulte la preuve contraire détruisant cette présomption. ". Aux termes de l'article L. 26 du même code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ".


3. La décision du 4 mai 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de Mme B... rappelle les textes dont elle fait application, notamment les articles L. 4 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ainsi que la procédure suivie au cours de l'instruction. Elle indique que l'infirmité invoquée évaluée globalement au taux de 20% résulte d'une part de maladie sans lien avec le service, et d'autre part, d'un accident du 19 février 2012 dont les séquelles entraînent un degré d'invalidité inférieur à 10%, taux minimum requis pour la prise en considération d'une infirmité. Ce faisant, cette décision indique dans son corps les motifs pour lesquels la demande de pension militaire d'invalidité de Mme B... est rejetée. Dans ces conditions, même si cette décision vise l'avis de la commission de réforme de Marseille du 27 avril 2017 et l'avis émis par la commission consultative médicale le 8 septembre 2016, qui ne liaient pas le ministre de la défense, sans que ces avis y soient annexés, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.




Sur le droit à pension :

4. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension :1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10% (...). ".


5. Il résulte de l'instruction, que le docteur Rolland, médecin mandaté par l'administration, a évalué le 3 juillet 2015 l'invalidité du poignet droit de Mme B... à un taux global de 20% dont 10% lié à un état antérieur, soit un taux imputable au service de 10%, lié à un accident survenu en service le 19 février 2013. Cependant, le médecin-chef de l'administration a considéré que la part imputable au service s'élevait à un tiers de l'infirmité globale, soit 7%. En l'absence d'infirmité justifiant un taux égal ou supérieur à 10%, le ministre de la défense a rejeté la demande de pension présentée par Mme B... sans qu'il soit besoin de rechercher l'imputabilité de l'infirmité alléguée.


6. En premier lieu, Mme B... soutient que l'infirmité de son poignet droit est liée, outre à l'accident du 19 février 2013, à un accident survenu en service le vendredi 11 mai 2012 à bord du Charles de Gaulle, lors d'un exercice de sécurité en manipulant une manche à incendie en mer. Cet accident a été admis par le service dans un rapport circonstancié du 4 octobre 2019, soit plus de sept ans après, fondé sur différents témoignages très postérieurs au 11 mai 2012, imprécis et datés de 2018, alors que le journal de bord ne note ce jour-là aucun incident. Mme B... se prévaut aussi de certificats ou attestations médicales tous postérieurs à février 2013 et rapportant ses dires, en ce qui concerne ces faits de 2012. Cependant, si Mme B... a consulté les lundi 14 et jeudi 17 mai 2012 le médecin militaire pour son poignet, elle ne faisait alors état que d'une douleur spontanée apparue 48 heures avant sa première visite, le praticien relevant d'ailleurs une douleur scapulaire sans traumatisme ni oedème ou hématome. En outre, la requérante a indiqué dans un premier temps, en juin 2013, au docteur Levadoux, avant une opération délicate au niveau du ligament triangulaire du poignet droit, que des " fourmis étaient apparues dans son poignet " sur son lieu de travail alors qu'elle faisait du secrétariat, sans mentionner un épisode traumatique ou un phénomène déclenchant. Ainsi, Mme B... n'apporte pas la preuve, en l'absence de constat officiel contemporain, d'un fait de service datant du 11 mai 2012 et à l'origine de l'invalidité du poignet droit, et par suite, que cet évènement devrait être pris en compte dans la part imputable au service et donc réduire d'autant la part non imputable résultant d'un état antérieur.







7. En deuxième lieu, l'administration ne conteste pas que la lésion est survenue le 19 février 2013, alors que Mme B... s'est tordu le poignet droit en accomplissant un geste instinctif pour rattraper une chaise et donc à l'occasion d'un accident pouvant être regardé comme se rattachant à une blessure. Cependant, comme il vient d'être dit au point 6 précédent, l'intéressée présentait un état antérieur dont elle n'a cessé de se plaindre avant cette date, l'administration faisant valoir que cet accident n'a fait que décompenser une situation préexistante. Par la seule production des avis des docteurs de Brier, Curret et Leveque, postérieurs à la demande de pension, qui attestent des douleurs au poignet de l'intéressée et du retentissement émotionnel de l'infirmité sur son moral, la requérante n'apporte cependant aucun élément médical permettant d'établir que le ministre aurait commis une erreur d'appréciation en retenant un taux global de 20% au regard du guide barême (page 36) et un taux de 7% pour la part imputable à l'accident du 19 février 2013 de l'infirmité sollicitée. Par suite, en l'absence d'infirmité imputable justifiant un taux égal ou supérieur à 10%, c'est par une exacte application de l'article L. 4 du code précité que le tribunal a rejeté sa requête contre la décision ministérielle qui refuse sa demande de pension pour l'infirmité au poignet droit.


8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 1er août 2019 qui rejette sa contestation de la décision du 4 mai 2017 de la ministre des armées.


Sur les conclusions en injonction :

9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions de Mme B... n'appelle aucune mesure d'exécution.


Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que Mme B... demande au titre des frais qu'elle a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.




D É C I D E :



Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.


Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2021.


N° 19MA05099 2