CAA de PARIS, 6ème chambre, 04/06/2021, 19PA03766, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Jouarre a refusé de faire droit à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'une tendinose de l'épaule droite formulée auprès de l'établissement par courriel du 23 juin 2016, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer la somme de 592,41 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération sur le traitement de décembre 2012 mise à sa charge par un titre de perception émis le 25 janvier 2013 par le centre hospitalier de Jouarre, ainsi que la somme de 4 471,78 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération à compter du 17 juin 2015, date d'effet de son admission à la retraite pour invalidité, mise à sa charge par un titre de perception émis le 14 janvier 2016 par le même établissement, ensemble l'annulation de la décision implicite par laquelle le centre hospitalier de Jouarre a rejeté son recours gracieux formulé par un courriel du 9 février 2016.
Par un jugement n° 1700041 du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande .
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, enregistrée le 26 novembre 2019, et un mémoire ampliatif, enregistré le 15 décembre 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 mai 2019 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 8 septembre 2016 ;
3°) de la décharger de l'obligation de payer les sommes mentionnées ci-dessus de 592,41 euros et de 4 471,78 euros ;
4°) d'enjoindre au centre hospitalier de Jouarre de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Jouarre au profit de son conseil une somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que:
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme irrecevables ses moyens de légalité externe soulevés à l'encontre de la décision du 8 septembre 2016 ;
- elle reprend ces derniers moyens en appel ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le centre hospitalier n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que sa tendinose de l'épaule droite n'était pas imputable au service ;
- elle est fondée à demander la décharge de l'obligation de payer les sommes mentionnées ci-dessus d'une part car sa rémunération était juste et avait un caractère définitif, d'autre part car ses absences pour raison de santé étaient toutes justifiées.
Une mise en demeure de produire un mémoire en défense a été adressée, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, le 8 avril 2021 au centre hospitalier de Jouarre, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 8 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2021 à 12 heures.
Par une décision du 9 octobre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ancienne aide-soignante du centre hospitalier de Jouarre, a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Jouarre a refusé de faire droit à sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service d'une tendinose de l'épaule droite formulée auprès de l'établissement par courriel du 23 juin 2016, d'autre part, à la décharge de l'obligation de payer la somme de 592,41 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération sur le traitement de décembre 2012 mise à sa charge par un titre de perception émis le 25 janvier 2013 par le centre hospitalier de Jouarre, ainsi que la somme de 4 471,78 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération à compter du 17 juin 2015, date d'effet de son admission à la retraite pour invalidité, pour une pathologie autre que la tendinose de l'épaule droite, somme mise à sa charge par un titre de perception émis le 14 janvier 2016 par le même établissement, ensemble l'annulation de la décision implicite par laquelle le centre hospitalier de Jouarre a rejeté son recours gracieux formulé par un courriel du 9 février 2016. Par un jugement du 7 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Mme D... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 septembre 2016:
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme D..., sa demande introductive de première instance ne contenait qu'un moyen de légalité interne qui doit être regardé comme étant tiré de l'erreur d'appréciation. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté comme irrecevables les moyens de légalité externe qui relèvent d'une cause juridique distincte au motif qu'ils avaient été présentés dans le mémoire enregistré le
6 octobre 2017, soit plus de deux mois après l'enregistrement de sa demande le 4 janvier 2017. Par ailleurs, les moyens de légalité externe, repris devant la Cour et donc nouveaux en appel, doivent donc être écartés comme irrecevables.
3. En second lieu, Mme D... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que sa tendinose de l'épaule droite est étroitement liée aux fonctions d'aide-soignante qu'elle a exercées durant quatre ans dont trois ans consécutifs sans appareil mécanique pour l'aider.
4. Aux termes de l'article 41 de la loi visée ci-dessus du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme (...). ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la maladie d'un fonctionnaire a été contractée ou aggravée dans l'exercice de ses fonctions, ce dernier conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite et bénéficie du remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par cette maladie. Par ailleurs, aux termes de l'article 31 du décret visé ci-dessus du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service (...). / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. " Aux termes de l'article 37 du même décret : " I. - Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 ci-dessus bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent. / (...) / Le droit à cette rente est également ouvert à l'ancien fonctionnaire qui est atteint d'une maladie professionnelle dont l'imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l'article 31 (...) ".
5. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le centre hospitalier de Jouarre a opposé à tort dans son mémoire en défense de première instance, les dispositions de l'article 32 du décret du 14 mars 1986, visé ci-dessus, qui instaurent un délai de quatre ans pour présenter une demande de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie, lesquelles sont inapplicables aux agents de la fonction publique hospitalière. Toutefois, Mme D... ne produit aucune pièce ni aucun élément de nature à établir que la tendinose de l'épaule droite dont elle souffre serait en lien direct et certain avec son activité professionnelle. En effet, elle se borne à produire pour l'essentiel des résultats d'analyse médicales qui décrivent son état de santé mais n'évoquent aucun lien avec le service et les deux certificats médicaux de son médecin traitant, ne sont pas suffisamment circonstanciés pour établir un quelconque lien de sa pathologie avec le service, alors du reste qu'elle a été presque continuellement en congé de maladie ou en disponibilité d'août 2008 au 17 juin 2015, date de son admission à la retraite pour invalidité pour une pathologie autre que la tendinose. Dès lors, en estimant que l'affection dont elle est atteinte n'est pas en lien direct et certain avec son activité professionnelle, le directeur du centre hospitalier de Jouarre n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
Sur les conclusions aux fins de décharge :
6. Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ".
7. En premier lieu, si Mme D... se prévaut du caractère définitif de sa rémunération sans autres précisions, les dispositions citées ci-dessus permettent la répétition de l'indu des rémunérations dans un délai de deux ans même si, comme en l'espèce les créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. Ce moyen doit donc être écarté.
8. En second lieu, Mme D... soutient que ses absences pour raison de santé étaient toutes justifiées.Toutefois, d'une part, cette circonstance est sans incidence sur le trop-perçu de rémunérations après son admission à la retraite, d'autre part, par cette seule circonstance,
Mme D... ne justifie pas que le trop-perçu de rémunération du mois de décembre 2012 serait erroné. Ce moyen doit donc également être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au centre hospitalier de Jouarre.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juin 2021.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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