CAA de MARSEILLE, 8eme chambre - formation a 3, 08/06/2021, 19MA05471, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Montpellier d'annuler la décision du 26 novembre 2016 du ministre de la défense qui rejette sa demande du 23 juillet 2014 de révision de sa pension militaire pour aggravation de son infirmité.
Par un jugement n°16/00029 du 12 décembre 2017 le tribunal des pensions militaires de Montpellier a rejeté le recours de M. B....
Procédure devant la Cour :
La cour régionale des pensions militaires de Montpellier a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par la ministre des armées, enregistrée à son greffe le 21 février 2018.
Par cette requête, et des mémoires enregistrés le 12 novembre 2018 et les 16 juillet et 22 octobre 2020, M. B..., représenté par Me D..., dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Montpellier du 12 décembre 2017,
2°) de lui accorder une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio-scaphoïdienne. Raideur du poignet " au taux de 20%.
Il soutient que son infirmité s'est aggravée de 10% ainsi que relevé en dernière analyse par le docteur Deblock, médecin désigné par la juridiction ; le tribunal a porté une appréciation erronée sur les éléments médicaux de son dossier.
Par des mémoires enregistrés les 29 mai et 7 décembre 2018 et le 6 octobre 2020, la ministre des armées, dans le dernier état de ses écritures, conclut que M. B... a droit, à compter du 23 juillet 2014, a une pension militaire d'invalidité au taux de 20% pour l'infirmité " Séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio scaphoïdienne. Raideur du poignet importante (inclinaison radiale : 0°, flexion dorsale : 10°) ".
La ministre fait valoir qu'elle est d'accord avec le rapport d'expertise judiciaire du 21 mars 2020 du docteur Deblock.
Par ordonnance du 22 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2020 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 23 novembre 1960, est tombé le 25 juin 1980 d'un camion transporteur de char alors qu'il effectuait son service militaire au 401ème régiment d'artillerie de Nîmes. Il a présenté une fracture du scaphoïde droit qui a nécessité une immobilisation de trois mois, et il a bénéficié d'exemptions sur la fin de son service militaire avec interdiction de tir, de défilé et d'activités mécaniques. Le 8 septembre 2015, le canal carpien droit de M. B... était opéré pour une libération du nerf médian au canal carpien sous endoscopie. Un arrêté du 22 avril 2014 lui accorde une pension militaire d'invalidité définitive de 10% pour l'infirmité " séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio-scaphoidienne. Raideur du poignet ". M. B... relève appel du jugement du 12 décembre 2017 du tribunal des pensions militaires de Montpellier qui a rejeté son recours contre la décision du 26 novembre 2016 qui refuse sa demande du 23 juillet 2014 de révision de sa pension pour aggravation de son infirmité au motif que le taux minimum de 10% d'aggravation n'était pas atteint. Par un arrêt du 20 juin 2018, la cour régionale des pensions de Montpellier a rouvert les débats de l'audience de plaidoirie du 5 décembre 2018, constaté la présence au dossier de l'intégralité de l'expertise médicale du docteur Lapeyre, expert désigné par l'administration qui a évalué le 7 avril 2016 l'incapacité de l'infirmité de l'intéressé au taux global de 15%, et invité M. B... à conclure après avoir pris connaissance de l'intégralité de cette expertise. M. B... a alors invoqué des contradictions entre cette expertise et les pièces médicales qu'il a produites, et sollicité une pension militaire d'invalidité au taux global de 20%. Par un arrêt du 9 janvier 2019, la cour régionale des pensions de Montpellier a ordonné un complément d'expertise confié au docteur Lapeyre pour expliquer notamment les contradictions alléguées par M. B... entre le tableau repris dans l'examen radiographique s'agissant de la mobilité dynamique du poignet droit, et le tableau de la page 4 de l'expertise qui indique pour la mobilité du poignet droit des degrés différents. Une ordonnance du 14 mai 2019 a ensuite procédé à la désignation du docteur Deblock en remplacement du docteur Lapeyre, placé en retraite. Le docteur Deblock a examiné M. B... le 29 novembre 2019, et son rapport d'expertise a été déposé au greffe de la cour le 29 avril 2020. C'est en cet état du litige que la présente Cour a été saisie.
Sur la révision de la pension :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". D'autre part, en vertu de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. /(...) ". Enfin, l'article L. 29 de ce code, dans sa rédaction applicable à la date de la demande dispose : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. ".
3. Il résulte de l'instruction d'une part, que le professeur Chammas certifie le 22 mai 2013 que M. B... est atteint d'une ténosynovite de Quervain. Il indique également le 15 avril 2014 que M. B... est atteint d'acroparesthésie au niveau de la main droite, et qu'il présente des douleurs au niveau du poignet droit. Un examen électromyographique du 23 avril 2014 met en évidence un phénomène de démyélinisation du nerf médian droit du poignet. Un arthroscanner du 22 mai 2014 met en évidence une chondropathie focale grade II. Le docteur Maitre met en évidence le 5 avril 2013 l'existence d'une raideur combinée induite par une arthrose, évolutive au vu de l'expertise réalisée le 7 avril 2016 par le docteur Lapeyre qui relève que la flexion du poignet droit de 40° en 2014 est de 12°. D'autre part, le docteur Deblock, médecin désigné par la cour d'appel, qui a examiné M. B... le 29 novembre 2019, conclut dans son rapport d'expertise du 21 mars 2020, qui n'est pas contesté par l'administration, que l'examen clinique réalisé retrouve un enraidissement de la flexion dorsale associée à une raideur en flexion palmaire, et à une limitation modérée de la supination. Il fixe à 20% le taux de l'invalidité de l'infirmité de M. B.... Eu égard à ce qui vient d'être dit, M. B... justifie de l'aggravation de 10% de son infirmité " séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio-scaphoïdienne. Raideur du poignet pensionnée ". Par voie de conséquence, M. B... a droit, à compter du 23 juillet 2014 a une pension militaire d'invalidité au taux de 20% pour, comme le fait valoir la ministre des armées, une infirmité intitulée " Séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio scaphoïdienne. Raideur du poignet importante (inclinaison radiale : 0°, flexion dorsale : 10°) ".
4. Il résulte de ce qui précède, que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement du 12 décembre 2017 du tribunal des pensions militaires de Montpellier qui a rejeté son recours contre la décision du 26 novembre 2016 rejetant sa demande du 23 juillet 2014 de révision de sa pension pour aggravation de son infirmité, et l'annulation de cette décision.
Sur les frais d'expertise :
5. Les frais d'expertise liquidés à la somme de 210 euros par une ordonnance de la présidente de la Cour du 16 juillet 2020 sont mis à la charge définitive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions militaires de Montpellier du 12 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : La décision du 26 novembre 2016 du ministre de la défense qui rejette la demande du 23 juillet 2014 de révision de la pension de M. B..., est annulée.
Article 3 : M. B... a droit, à compter du 23 juillet 2014 à une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " Séquelles de fracture du scaphoïde chez un droitier. Arthrose radio scaphoïdienne. Raideur du poignet importante (inclinaison radiale : 0°, flexion dorsale : 10°) " au taux de 20%.
Article 4 : Les frais d'expertise liquidés à la somme de 210 euros sont mis à la charge définitive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées.
Copie en sera transmise à l'expert, le docteur Deblock.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021.
N° 19MA05471 2