CAA de NANTES, 6eme chambre, 15/06/2021, 19NT03558, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 223 926, 35 euros avec intérêts à compter de sa réclamation préalable et capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et des actes de harcèlement qu'il a subis ainsi que des dysfonctionnements dans la gestion de sa situation administrative, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1605579 du 1er juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2019, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1605579 du 1er juillet 2019 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de condamner le rectorat de l'académie de Rennes à lui verser la somme totale de 237 762 euros au titre des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge du rectorat de l'académie de Rennes une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les très nombreux actes de harcèlement qu'il a subis, l'inaction des services académiques face à ses doléances et à sa situation administrative ainsi que les dysfonctionnements dans la gestion de sa situation administrative sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ; les premiers juges ont à tort pris en compte son comportement pour qualifier l'absence de harcèlement et n'ont pas tenu compte des différents rapports des médecins qui l'ont suivi ou expertisé ; il peut prétendre à obtenir une somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral subi de l'année 2007 à l'année 2010.
- il a droit à la réparation de ses préjudices complémentaires du fait de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie notamment la réparation des souffrances morales et physiques, des préjudices esthétiques et des troubles dans les conditions d'existence, ainsi que des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux réparés forfaitairement et des préjudices personnels, même en l'absence de faute de la collectivité ; il sollicite ainsi les sommes de 1 476,73 euros au titre des dépenses de santé, 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 110 685,28 euros au titre des pertes de gains professionnels, 60 600 au titre des souffrances morales endurées et des troubles dans les conditions d'existence, enfin la somme de 25 000 euros au titre de son préjudice d'agrément.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 14 septembre 2020, le recteur de l'académie de Rennes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., substituant Me E..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., professeur agrégé hors classe d'éducation musicale et chant choral, a exercé ses fonctions au collège Paul-le-Flem de Pleumeur-Bodou de 1987 à 2010, puis au collège Yves-Coppens de Lannion à compter du 1er septembre 2010. Il a été placé en congé de longue durée à compter du 8 novembre 2011. A la suite de sa demande du 19 juin 2015, sa maladie a été reconnue imputable au service par un arrêté du 8 janvier 2016, pour des arrêts de travail du 7 novembre 2012 au 7 août 2016. Par un second arrêté du 19 avril 2016, cette période a été étendue du 8 novembre 2011 au 7 août 2016.
2. M. A... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 223 926,35 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, des actes de harcèlement dont il estime être victime ainsi que des dysfonctionnements dans la gestion de sa situation administrative. Il relève appel du jugement du 1er juillet 2019 par lequel cette juridiction a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. ".
5. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. Il découle de l'énoncé même de ces principes que les premiers juges étaient fondés, contrairement à ce que M. A... soutient, à tenir compte de son propre comportement pour caractériser ou non les faits avancés de harcèlement moral.
7. En premier lieu, M. A... soutient qu'il convenait, pour retenir le harcèlement dont il estime être victime, de tenir compte des rapports des différents médecins qui ont assuré son suivi ou expertisé son état de santé. Il ressort des pièces versées au dossier, que les premiers juges ont précisément discuté, que si les rapports médicaux des 7 décembre 2015, 8 juillet 2016 et 10 août 2017, établis par des médecins psychiatres, mentionnent que les troubles de M. A... sont en lien avec le service, reconnaissant ainsi le caractère professionnel de la maladie, ils ne suffisent pas à établir l'existence d'un harcèlement moral, alors que les rapports du docteur Lemarié des juillet 2016 et 10 août 2017 indiquent que l'intéressé présente " un état anxio-dépressif réactionnel, proche d'une dépression d'épuisement (burn-out) ". De la même manière, le rapport du docteur Cointot, dont M. A... se prévaut, qui indique " que les difficultés du requérant sont liées aux relations entretenues avec sa hiérarchie ", ne fait que rendre compte du ressenti de l'intéressé et ne comporte la référence à aucun fait précis et n'est pas non plus de nature, ainsi que l'ont estimé justement les premiers juges, à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral.
8. En deuxième lieu, M. A... soutient, en versant des photographies à l'appui de son argumentation, qu'il a connu une détérioration de ses conditions de travail consistant dans les dérangements qui ont affecté la salle d'enseignement musical où il intervenait. Il ressort des pièces du dossier qu'à deux reprises, au mois de novembre 2009, sont restés, avant son arrivée dans l'une des salles mises à sa disposition par l'établissement et dont les caractéristiques permettent les réunions, d'abord, le 16 novembre, un chariot multimédia dans le sas entre les deux salles de musique dans lesquelles il devait exercer le lendemain puis, le 23 novembre, un plateau de café, des tasses, un panneau de présentation et deux tee-shirts. Ces éléments que la cheffe d'établissement avait d'ailleurs consignés dans un rapport du 15 mars 2010, et que confirment les clichés versés au dossier ainsi que le courriel du 11 janvier 2012 produit par le requérant qui signale " l'existence de matériels déconnectés dans sa salle ", ne sauraient caractériser une volonté de harcèlement.
9. En troisième lieu, M. A... soutient qu'il est victime de critiques systématiques s'agissant de son travail ainsi que de reproches de tous ordres et que son action auprès des élèves est dépréciée par la principale du collège Paul-Le-Flem. Si le requérant se plaint à cet égard du refus qui lui a été opposé de suivre un stage sur l'histoire des arts, il ressort cependant des pièces du dossier que ce refus était motivé par le fait qu'il détenait déjà une certification dans cette matière et qu'il est l'expression d'un choix de sa hiérarchie alors que d'autres enseignants étaient inscrits à ce stage. S'il évoque également l'interruption d'un de ses cours par le principal adjoint, cette situation s'explique par le fait qu'il s'agissait de venir chercher une élève que sa mère, représentante légale, avait demandé à récupérer. Si M. A... avance également qu'il aurait été déchargé de ses responsabilités de professeur principal par sa cheffe d'établissement sans en avoir été prévenu et sans motifs, il ne l'établit pas en se bornant à produire un cliché d'un tableau présent en salle des professeurs, hors de tout contexte et non daté, sur lequel le nom d'un autre enseignant aurait figuré. Ainsi, aucun des éléments reprochés par M. A... à sa hiérarchie ne saurait caractériser des faits constitutifs de harcèlement moral. Quant aux critiques que son attitude aurait suscité, il est établi tout d'abord qu'à la suite d'un incident survenu lors d'échanges avec des élèves allemands en 2008 qu'il a refusé de prendre immédiatement en charge, il a eu un comportement vindicatif et agressif à l'égard de la direction de l'établissement. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que, le 24 novembre 2009, M. A... a également agressé verbalement la principale adjointe à l'origine de l'oubli, évoqué au point précédent, de différents objets dans la salle mise à sa disposition et qu'il a jeté sur le sol de la cour de l'établissement ces objets oubliés. Enfin, la demande d'explication par la principale du collège, seule démarche initiée par l'administration, sur un fait survenu le 8 avril 2008 où des élèves ont vu des images de femmes nues sur l'écran de l'ordinateur du requérant, ce dernier ayant alors indiqué qu'il s'agissait d'un courriel non sollicité de sa part, était fondée et ne peut être regardée comme un acte de harcèlement.
10. En quatrième lieu, M. A... soutient qu'il aurait été victime de rétention de documents concernant tant des prestations accessoires effectuées à l'université en complément de son activité d'enseignant au collège que des documents relatifs à des primes exceptionnelles. D'une part, il est constant que les documents portant sur les prestations accessoires en question ont bien été signés par l'administration. Si les validations sont intervenues avec un certain retard, comme l'indique le rectorat, alors qu'il n'est au demeurant aucunement établi que ce retard aurait porté atteinte aux activités du requérant auprès de l'université, cette circonstance ne révèle aucun harcèlement à son encontre. D'autre part, s'il s'est enquis du paiement de deux heures supplémentaires effectuées et d'indemnités de professeur principal dues pour un mois, respectivement 4 mois et 2 mois après le fait générateur de ses prestations, les délais mis pour traiter administrativement ces tâches ne constituent en aucune façon des faits caractérisant une situation de harcèlement.
11. En cinquième lieu, M. A... reproche également au rectorat des incidents de paiement qui constitueraient des comportements fautifs à son égard. Il ressort cependant des pièces versées au dossier que l'interruption de traitement dont le requérant a fait l'objet au titre du mois de décembre 2013 ne peut être considérée comme fautive eu égard au changement de situation de l'intéressé, qui venait de faire l'objet d'une prolongation de son congé de longue maladie, à la période spécifique de clôture de gestion des traitements en fin d'année civile et, enfin, au fait qu'informée de la situation de l'intéressé, l'administration lui a versé un acompte dès le 30 décembre 2013, dans l'attente de la régularisation de son traitement. Les incidents de paie de l'année 2015 relèvent quant à eux de défaut de paiement de compléments de salaire devant être versés par la mutuelle du requérant dans le cadre de son congé de longue durée et qui ne relevaient donc pas de la responsabilité du rectorat.
12. En sixième lieu, et par ailleurs, il n'est pas établi que le signalement de la situation potentiellement suicidaire de M. A... auprès des services de gendarmerie le 23 décembre 2013, et ce après un appel téléphonique de l'intéressé le même jour aux services du rectorat évoquant " les difficultés de paiement " mentionnées au point précédent pourrait être considéré comme une volonté manifestée par son administration de lui nuire et serait ainsi fautif.
13. En septième lieu, il n'est pas contesté qu'un courrier adressé à M. A... a été ouvert par la secrétaire de la principale du collège en avril 2009, et que cela s'était déjà produit une première fois en 2008. Toutefois, cette circonstance relève de la simple erreur dès lors que ces courriers, qui d'ailleurs ne comportaient pas la seule identité de l'intéressé, ni l'indication de leur caractère personnel, mais également celle du collège, portaient sur des taxes dues à la SACEM qui pouvaient concerner l'intendance du collège. Si le requérant invoque également le caractère confidentiel d'autres courriers liés à des missions académiques qui n'auraient pas dû être ouverts ou transiter par son chef d'établissement, il n'apporte aucun élément concret à l'appui de ses allégations. Dans ces conditions, M. A... ne saurait ainsi sérieusement avancer, eu égard à la très faible occurence des faits incriminés, que " son courrier était systématiquement ouvert ". L'existence d'un harcèlement à son encontre n'est ici pas davantage caractérisée.
14. En huitième, et dernier lieu, si M. A... évoque l'inaction des services académiques face à ses saisines concernant sa situation et l'absence de règlement par ce dernier de " la situation conflictuelle dans laquelle il se trouvait ", il ne l'établit pas. La circonstance que le recteur n'aurait pas répondu à des courriers et courriels, qui ne sont pas davantage produits en appel qu'en première instance, ne permettent pas d'établir l'existence d'un harcèlement dès lors que les faits à l'origine de ces saisines ne sont, eux-mêmes, pas établis.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 14 que l'ensemble des faits invoqués par M. A..., s'ils témoignent d'une situation professionnelle qui n'était pas sereine ou d'erreur de gestion administrative, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence du harcèlement moral dont il aurait été victime. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir, ainsi que l'ont estimé les premiers juges qui ne se sont pas mépris sur l'application des principes en cause rappelés aux points 5 et 6, que la responsabilité pour faute de l'Etat serait engagée tant en raison du harcèlement moral lui-même que de l'absence de réaction du recteur d'académie à la suite des alertes dont il aurait été informé. En l'absence de toute faute, les conclusions indemnitaires à hauteur de 30 000 euros au titre du préjudice moral invoqué, présentées sur ce fondement, qui s'inscrivent dans le cadre des principes rappelées au point 3, ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat :
16. Il résulte des énonciations du point 3, que la responsabilité de l'Etat peut être engagée à l'égard du fonctionnaire, même en l'absence de faute, dans l'hypothèse où celui-ci démontrerait avoir subi, du fait de la pathologie d'origine professionnelle dont il souffre, des préjudices personnels ou des préjudices patrimoniaux d'une autre nature, pour ces derniers, que ceux réparés forfaitairement par l'allocation d'une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite ou d'une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité.
Sur les préjudices à caractère patrimonial :
17. En premier lieu, M. A... sollicite la réparation, d'une part, des préjudices liés à l'incidence professionnelle de son état de santé pour le montant de 10 000 euros et, d'autre part, " des pertes de gains professionnels " depuis son placement en congé de maladie, à savoir la perte des rémunérations complémentaires liées tant à ses différentes sujétions et fonctions au sein de l'établissement où il exerçait qu'à des interventions extérieures à l'université de Rennes 2 et à des missions pour le ministère de l'éducation, et ce, pour un montant total de 110 685,28 euros correspondant à une somme annuelle moyenne de 13 835,66 euros non perçue au cours des huit années passées en congé de maladie.
18. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, l'allocation temporaire d'invalidité, puis, majorant la pension civile de retraite, la rente viagère d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions.
19. Au cas d'espèce, d'une part, il ressort des pièces versées au dossier que M. A..., après avoir bénéficié d'une allocation temporaire d'invalidité du 8 août 2017 au 30 avril 2019, bénéficie d'une pension de retraite au titre de l'invalidité depuis le 1er mai 2019 et perçoit, depuis lors, une rente viagère d'invalidité ramenée à un montant de 13 988,60 euros en application de l'article L. 28 du code des pensions évoqué plus haut. Dans ces conditions, les demandes de M. A... qui tendent à la réparation des préjudices liés, d'une part, à l'incidence professionnelle de son état de santé et, d'autre part, à la perte de rémunérations liées aux différentes sujétions et fonctions - professeur principal, heures supplémentaires effectives et heures supplémentaires années - qui pouvaient lui être confiées au sein de l'établissement où il exerçait, qui sont réparées forfaitairement par l'application des dispositions précitées du code des pensions ne peuvent qu'être rejetées.
20. D'autre part, en revanche, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, M. A... peut effectivement prétendre obtenir de la personne publique qui l'emploie une indemnité complémentaire réparant la perte de revenus liée à l'exercice d'activités extérieures et accessoires à son activité professionnelle principale, ce chef de préjudice à caractère patrimonial n'étant pas indemnisé, compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, par la rente viagère d'invalidité ou l'allocation temporaire d'invalidité. S'il ressort des pièces versées au dossier que M. A..., avait signé, pendant quatre années consécutives depuis 2008, un contrat de vacation de 64 heures avec l'université de Rennes 2 et qu'il a cessé ses interventions après son arrêt de travail de novembre 2011, ce préjudice, eu égard notamment à la nature accessoire de ces activités dont la reconduction n'est pas un droit pour l'agent, demeure purement éventuel. La demande présentée par M. A... sur ce point sera également rejetée.
21. En second lieu, M. A... demande la prise en charge de ses frais de cure thermale pour un montant total de 1 476,73 euros. Il ressort des pièces versées au dossier que si ces frais ont bien été présentés pour paiement par le rectorat lorsque la demande formée par l'intéressé a été reçue après reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie par un arrêté du 8 janvier 2016, l'application de la prescription quadriennale a cependant conduit au rejet des dépenses engagées pour les mois de mai 2011 et avril 2012, rejet dont le requérant a été informé par un courriel du 7 novembre 2016.
Sur les préjudices personnels :
22. En premier lieu, M. A... soutient également qu'il a subi des souffrances morales et des troubles dans les conditions d'existence évalués à hauteur de 60 000 euros. Toutefois, il n'établit pas davantage en appel qu'en première instance l'existence de ces préjudices.
23. En second lieu, M. A..., professeur agrégé d'éducation musicale et chant choral, soutient que " la musique constituait le centre de sa vie " et que du fait de sa maladie psychique, il a pendant quatre ans, ce que confirment plusieurs rapports médicaux, renoncé totalement à jouer d'un instrument et à chanter. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément ainsi subi, compte tenu notamment du taux d'incapacité permanente partielle de 30% reconnu, en l'évaluant à la somme de 4000 euros, puis en fixant la réparation de cet élément de préjudice à ce montant.
24. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que le rectorat de l'académie de Rennes est condamné à verser à M. A... la somme de 4000 euros au titre de son préjudice d'agrément et que, d'autre part, M. A... est fondé à demander la réformation du jugement attaqué dans cette seule mesure.
Sur les frais liés au litige :
25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 4000 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1605579 du tribunal administratif de Rennes en date du 1er juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1500 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au recteur de l'académie de Rennes.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021
Le rapporteur,
O. D...Le président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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