CAA de LYON, 3ème chambre, 13/07/2021, 19LY03217, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision13 juillet 2021
Num19LY03217
JuridictionLyon
Formation3ème chambre
PresidentM. TALLEC
RapporteurMme Sophie CORVELLEC
CommissaireM. DELIANCOURT
AvocatsSCP LAURE GERMAIN-PHION ET ESTELLE SANTONI

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Livet-et-Gavet au versement de 25 000 euros en réparation des préjudices causés par son refus de le titulariser dans le corps des contrôleurs de travaux territoriaux.

Par un jugement n° 1605919 du 24 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 août 2019, M. C..., représenté par Me Germain-Phion (SCP Laure Germain-Phion), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 juin 2019 ;
2°) de condamner la commune de Livet-et-Gavet à lui verser 25 000 euros en réparation du préjudice de carrière subi et 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi, ces derniers emportant intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable d'indemnisation ;
3°) d'enjoindre à la commune de Livet-et-Gavet de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Livet-et-Gavet une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le refus illégal de le titulariser, son placement en congé de longue durée imputable au service et son admission à la retraite pour invalidité lui ont causé un préjudice financier et un préjudice de carrière, qui doivent être évalués à 25 000 euros, en le plaçant dans une situation de précarité financière, en amputant ses droits à la retraite et en interrompant sa carrière ;
- le refus illégal de le titulariser, son placement en congé de longue durée imputable au service et son admission à la retraite pour invalidité lui ont directement causé un préjudice moral, qui peut être évalué à 20 000 euros, en le plaçant dans une situation de précarité financière et en générant un syndrome dépressif.

Par ordonnance du 11 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 janvier 2021.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés le 3 et le 22 février 2021 en vue de compléter l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... D..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :

1. M. C..., technicien territorial de la commune de Livet-et-Gavet, a été détaché au sein de cette même commune en qualité de contrôleur stagiaire à compter du 1er septembre 2008. Au terme de son stage, le maire de la commune a refusé de le titulariser, par un arrêté du 26 octobre 2009, qui a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 juillet 2012. Par courrier du 2 août 2016, il a demandé l'indemnisation du préjudice moral, des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice de carrière que lui aurait causés cette décision illégale. Sa réclamation ayant été rejetée par la commune, il a saisi le tribunal administratif de Grenoble aux mêmes fins. Il relève appel du jugement du 24 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 10 juillet 2012, devenu définitif, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du maire de Livet-et-Gavet du 26 octobre 2009, refusant de procéder à la titularisation de M. C... comme contrôleur des travaux, en retenant que l'intéressé n'avait pas été placé dans des conditions de stage lui permettant de démontrer son aptitude à exercer les fonctions pour lesquelles il avait été recruté. Cette illégalité constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Livet-et-Gavet, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.
3. En revanche, M. C... n'apporte aucun commencement de preuve permettant d'établir qu'il aurait alors subi des faits constitutifs d'un harcèlement moral, lequel n'a pas été reconnu par le jugement évoqué ci-dessus et n'a, au demeurant, pas été invoqué dans sa réclamation préalable.
S'agissant du préjudice professionnel :

4. D'une part, il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2009, le maire de la commune de Livet-et-Gavet a procédé à la reconstitution de la carrière de M. C... à compter du 1er septembre 2008, par un arrêté du 1er août 2014 prévoyant notamment une progression d'échelons et, corrélativement, de salaires, selon des modalités qui ne sont nullement remises en cause par l'intéressé. M. C... ne prétend pas que l'autorité communale n'aurait pas ainsi correctement procédé à la reconstitution de sa carrière jusqu'au 1er août 2014.
5. D'autre part, si M. C... a été placé dès le 3 novembre 2009 en congé pour maladie, ultérieurement reconnue imputable au service, il n'établit pas que cette maladie aurait pour cause cette décision illégale, celle-ci ayant débuté dès un premier arrêt de travail du 11 décembre 2008 intervenu antérieurement et le tribunal administratif de Grenoble ayant, dans un jugement du 22 octobre 2013, relevé que l'affection psychologique justifiant ce congé faisait suite à une altercation avec un autre agent. Dès lors, les préjudices financiers et de carrière qui ont pu résulter de ce placement en congé de longue durée, puis de son admission anticipée à la retraite pour invalidité sont dépourvus de lien avec l'illégalité susvisée.
6. Par suite, M. C... ne démontre pas la réalité d'un préjudice financier ou d'un préjudice de carrière directement lié à l'illégalité de la décision du 26 octobre 2009.
S'agissant du préjudice moral :
7. Comme indiqué précédemment, M. C... ne démontre pas avoir subi un préjudice financier directement lié à l'illégalité de la décision du 26 octobre 2009. Par suite, la situation de précarité financière qu'il invoque ne saurait davantage être liée à cette illégalité. De même, M. C... ne démontrant pas que son placement en congé de longue durée, puis son admission anticipée à la retraite pour invalidité seraient directement liés à cette illégalité, il ne peut se prévaloir des préjudices moraux susceptibles d'en avoir résulté.
8. En revanche, il résulte des rapports médicaux établis les 26 novembre 2013 et 24 novembre 2017 que la décision de ne pas le titulariser a participé à une décompensation dépressive et à un épuisement moral de M. C.... Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral ainsi subi en condamnant la commune de Livet-et-Gavet à lui verser une somme de 2 500 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. La présente décision qui condamne la commune de Livet et Gavet à verser une indemnité à M. C... n'implique nullement qu'il soit en outre enjoint à celle-ci de procéder à la reconstitution de sa carrière. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Livet et Gavet une somme de 2 000 euros à verser à M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 juin 2019 est annulé.
Article 2 : La commune de Livet-et-Gavet est condamnée à verser à M. C... une somme de 2 500 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Livet-et-Gavet versera à M. C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Livet-et-Gavet.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme B... D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.
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N° 19LY03217