CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 21/09/2021, 19MA04745, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision21 septembre 2021
Num19MA04745
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsGIORDANO

Vu l'arrêt rendu le 20 avril 2021 sous le n° 19MA04745 par lequel la Cour avant de statuer sur les conclusions de M. B... tendant :

- à l'annulation du jugement n°17/00007 du 22 février 2018 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille ;

- à l'annulation de la décision du 26 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ;

- à la reconnaissance de son droit à pension au titre de ses infirmités, à titre subsidiaire de revaloriser le taux d'invalidité retenu à 30 % et, le cas échéant, d'ordonner une mesure d'expertise portant sur l'ensemble de ses infirmités ;

- à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
a décidé de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative et de surseoir à statuer jusqu'à ce que la haute juridiction ait fait connaître son avis sur la question de droit soulevée par elle.



M. B... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 mai 2018.


Vu l'avis rendu le 9 juillet 2021 par le Conseil d'Etat sous le n° 451980.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ury,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. M. B... a, le 13 avril 2015, demandé le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de deux infirmités. Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 26 juillet 2016. M. B... fait appel du jugement du 22 février 2018 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cette décision.

Sur la régularité de la décision en litige :

2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer, s'il est saisi de moyens en ce sens, sur la régularité de la décision en litige.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

3. Il résulte de l'instruction que, par décision du 22 février 2016, M. E... D..., administrateur civil, adjoint au directeur des pensions, a reçu délégation à l'effet de signer au nom du ministre de la défense, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions de la sous-direction. Cet arrêté a été régulièrement publié au Journal Officiel de la République Française du 24 février 2016. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.



En ce qui concerne la motivation de la décision du 26 juillet 2016 :

4. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. (...) ". Aux termes de l'article L. 25 du même code : " (...) Toute décision comportant rejet de pension doit être également motivée et faire ressortir qu'il n'est pas établi que l'infirmité provient de l'une des causes indiquées à l'article L. 2, ou, lorsque l'intéressé a droit à la présomption, les faits, documents ou raisons d'ordre médical dont résulte la preuve contraire détruisant cette présomption. ". Aux termes de l'article L. 26 du même code : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué. ".

5. La décision du 26 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... rappelle les textes dont elle fait application, notamment les articles L. 4 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ainsi que la procédure suivie au cours de l'instruction. Elle indique que le taux d'invalidité, après expertise réglementaire est de 10 % et donc inférieur au pourcentage requis pour l'ouverture du droit à pension, lorsqu'il s'agit d'une maladie contractée en temps de paix. Elle indique également que l'infirmité alléguée n'entraîne aucune gêne fonctionnelle. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de cette décision doit être écarté.

Sur le bien-fondé de la décision en litige :

6. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". D'une part, il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 3, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. D'autre part, en vertu l'article L. 6 du même code, l'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 26 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités.

S'agissant des céphalées, vertiges, troubles visuels et auditifs et des troubles mnésiques :

7. En vertu du guide barème applicable aux troubles neuropsychiques post-traumatiques, le syndrome dit " subjectif post-traumatique " se caractérise par une symptomatologie modérée essentiellement céphalique et psycho-sensorielle.

8. Il résulte de l'instruction que M. B... a été victime de l'éclatement d'une balle à blanc au niveau temporal gauche le 3 février 1961, et qu'il a été hospitalisé en chirurgie militaire, de la date de cet accident au 20 mars 1961. Pour demander l'octroi d'une pension militaire d'invalidité, l'intéressé se prévaut notamment de céphalées, vertiges, troubles visuels et auditifs et de troubles mnésiques. Le médecin traitant du requérant précise par un certificat médical du 16 mars 2015 que M. B... présente des complications de traumatisme crânien remontant à 1961. Le médecin mandaté par l'administration rapporte, le 28 mars 2016, que M. B... se plaint de migraines intenses localisées surtout à gauche, d'une baisse de l'acuité visuelle et d'hypoacousie et de douleurs lancinantes au niveau du crâne avec sensation de vertiges associées à une vision floue, en mentionnant que ces maux de tête avaient débuté en 2012. Il a proposé un taux d'invalidité de 10 % résultant des séquelles du traumatisme crânien par balle à blanc. Toutefois, le seul constat de ces symptômes dans le rapport d'expertise du médecin expert de l'administration qui ne se prononce pas sur l'imputabilité au service de ces troubles, n'établit pas que les affections dont le requérant fait état soient liées à l'infirmité résultant de l'accident du 3 février 1961. D'autre part, il résulte de l'avis du 23 juin 2016 rendu par la commission médicale qu'en l'état actuel des connaissances, le syndrome subjectif du traumatisé du crâne ne peut être pris en compte au-delà d'un délai maximal de 2 ans, alors que M. B... fait état de troubles subjectifs déclarés 50 ans après l'accident de 1961 et qui sont survenus en 2012. Dans ces conditions, la preuve ne peut être regardée comme apportée de l'imputabilité des troubles allégués à l'aggravation d'une blessure en service ou à une pathologie résultant de cette blessure. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que son état de santé actuel trouve son origine dans une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service. Par suite, il ne peut prétendre à une pension allouée au titre de l'infirmité dont il se prévaut.




S'agissant de la séquelle de plaie temporale gauche par balle à blanc :

9. Il résulte de l'instruction que la séquelle de la plaie de M. B... présente une cicatrice temporale de 0,5 cm de diamètre. Il est constant que cette cicatrice n'entraîne aucune gêne fonctionnelle, et par suite, ne présente aucun degré d'invalidité.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée par M. B... que ce dernier n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions de Marseille du 22 février 2018 qui rejette sa contestation de la décision du 26 juillet 2016 du ministre de la défense.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle en tout état de cause à ce que les sommes que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.


















D É C I D E :





Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.




Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Giordano et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2021.

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