CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 09/11/2021, 19MA05508, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision09 novembre 2021
Num19MA05508
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsSANTIAGO

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal départemental des pensions du Gard d'annuler la décision du 16 juin 2016 du ministre de la défense qui refuse de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " Séquelles discrètes de fracture du radius gauche au tiers moyen et inférieur ".

Par un jugement n° 17/00005 du 14 juin 2019 le tribunal départemental des pensions du Gard a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

La cour d'appel de Nîmes a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête et le mémoire présentés par M. B..., enregistrés à son greffe le 14 septembre et le 10 décembre 2019.

Par cette requête et ce mémoire, M. B..., dont le conseil malgré la mise en demeure qui lui a été adressée n'a pas produit devant la Cour, relève appel du jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 14 juin 2019.

Il soutient qu'il est fondé à faire appel du jugement au regard de ses douleurs et de la gêne qu'il éprouve à mouvoir son avant-bras gauche. Par lettre du 11 octobre 2020, il demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle.




Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour de rejeter la requête.

La ministre fait valoir que les moyens du requérant ne sont pas fondés.


M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du
11 décembre 2020.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ury,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 29 juillet 1940, a été appelé à l'activité militaire le
19 décembre 1960 et rayé des contrôles le 31 juillet 1962. Il a, le 23 décembre 2009, demandé le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " séquelles discrètes de fracture du radius gauche au tiers moyen et inférieur ". Le ministre de la défense a rejeté cette demande par une décision du 16 juin 2016. M. B... fait appel du jugement du 14 juin 2019 par lequel le tribunal départemental des pensions du Gard a rejeté sa demande dirigée contre cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;
3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition :
/ 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". D'une part, il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 3, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. D'autre part, en vertu l'article L. 6 du même code, l'administration doit se placer à la date de la demande de pension pour évaluer le degré d'invalidité entraîné par l'infirmité invoquée. Cette évaluation doit, en application des termes mêmes de l'article L. 26 du même code, tenir compte de la gêne fonctionnelle engendrée dans le temps par ces infirmités.

3. M. B..., lors d'une séance d'instruction durant le service, a été victime d'une chute de cheval le 19 août 1961 et il s'est fracturé le radius du bras gauche. Il a alors été dirigé vers l'infirmerie du corps puis évacué le 20 août 1961 vers l'hôpital local. Une feuille d'observation du 30 novembre 1961 porte l'indication qu'au 19 décembre 1961, l'état de santé de l'intéressé est bon, qu'il est mis fin au traitement et que l'intéressé doit poursuivre une kinésithérapie. Pour demander l'octroi d'une pension militaire d'invalidité, M. B..., alors âgé de 69 ans, se prévalait notamment que son bras gauche le fait de plus en plus souffrir, qu'il présente un retentissement fonctionnel et des séquelles non négligeables liées à une importante déformation de son avant-bras gauche. Le service a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au motif que le taux d'invalidité, après expertise réglementaire, est inférieur au minimum indemnisable de 10% requis pour l'ouverture du droit à pension.

4. Il résulte de l'instruction que l'expertise médicale du 7 avril 1966 diligentée lors d'une précédente demande de pension de l'intéressé, relève très clairement une excellente consolidation de la fracture de l'avant-bras gauche à l'union du tiers moyen - tiers inférieur avec une légère angulation décelable radiologiquement, sans aucune limitation des mouvements de proso-supination ni des mouvements du poignet, ainsi qu'une absence d'amyotrophie et aucune gêne fonctionnelle. Le médecin mandaté par l'administration qui a examiné M. B... le
16 mars 2014 dans le cadre de la demande de pension a proposé un taux d'invalidité de 10% pour une légère limitation des mouvements de flexion-extension, sans limitation des mouvements de prono-supination, avec une force musculaire conservée, et une amyotrophie de
1 cm par rapport à l'avant-bras droit. Par un jugement avant dire droit du 12 octobre 2018, le tribunal départemental des pensions du Gard a ordonné une expertise judiciaire pour déterminer le taux de l'infirmité litigieuse et disposer de tous éléments sur l'imputabilité au service des séquelles de l'avant-bras gauche dont se plaint M. B.... L'expert judiciaire relève le
18 février 2019 une déformation assez importante de l'avant-bras gauche avec une inflexion antéro postérieure des os, ainsi qu'une déformation du poignet qui est augmenté de volume et douloureux à la mobilisation, outre une amyotrophie de 1 cm de l'avant-bras gauche et une limitation très nette des mouvements de torsion avec une pronation abolie et une supination conservée, ainsi qu'une raideur modérée des mouvements de flexion et d'extension de l'avant-bras gauche. Cet expert fixe un taux d'invalidité de 20%. Cependant, l'avis du 9 avril 2019 du médecin conseiller technique de l'administration ne retient aucun élément tangible au dossier permettant de rattacher les séquelles de l'avant-bras gauche de M. B... à l'accident du
19 août 1961. Le requérant produit également un certificat médical d'un chirurgien orthopédique algérien du 17 novembre 2019, très postérieur à sa demande, qui mentionne un taux d'incapacité permanente partielle de 16%.

5. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit, que si la blessure reçue lors de l'accident du 19 août 1961 est imputable au service, il n'est pas contesté que le 7 avril 1966, la fracture fermée extra-articulaire du radius gauche à l'union du tiers moyen et du tiers inférieur était parfaitement consolidée, et que dans les suites de cette blessure, M. B... ne s'est jamais plaint d'une limitation des mouvements de flexion - extension de son bras gauche, contrairement aux séquelles qu'il fait valoir à l'appui de sa demande de pension. Il est également constant que l'abolition totale de la prono-supination et l'atteinte des mouvements de flexion/extension de l'avant-bras dont se plaint le requérant et constatés par l'expert judiciaire, ne peuvent pas être rattachés à la fracture initiale qui n'avait d'incidence ni sur l'articulation du coude, ni sur celle du poignet. Dans ces conditions, à la date du 23 décembre 2009 de demande de pension, soit
48 ans après la survenance de l'accident de cheval et le traitement médical de la fracture, la preuve ne peut être regardée comme apportée de l'imputabilité des séquelles allégués à l'aggravation de cette blessure ou à une pathologie résultant de cette blessure. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'établit aucune gêne fonctionnelle liée à des séquelles de la blessure reçue le 19 août 1961. Par suite, il ne démontre pas que le taux d'invalidité de son infirmité doit être fixé à un taux au moins égal à 10% comme exigé par les dispositions précitées de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour ouvrir droit à pension.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 14 juin 2019 qui rejette sa contestation de la décision du 16 juin 2016 du ministre de la défense.











D É C I D E :





Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.






Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. Revert, président-assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2021.


N° 19MA055085