CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 09/11/2021, 20MA00387, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision09 novembre 2021
Num20MA00387
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Michaël REVERT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsSELARL NOUS AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du
4 octobre 2017 par lequel le maire de la commune de la Fare-Les-Oliviers l'a placée en congé de maladie professionnelle à demi-traitement.

Par un jugement n° 17010160 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de la commune de verser à Mme A... les sommes correspondant à son plein traitement à compter du 1er septembre 2015, dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier et 10 avril 2020, la commune de la Fare-les-Oliviers, représentée par Me Leturcq, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



La commune soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé en ce qu'il considère que l'intimée disposait du droit de bénéficier des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- l'intimée ne peut prétendre au versement de son plein traitement à compter du
1er septembre 2015 en l'absence de service fait et sans démontrer son aptitude au travail à partir de cette date, alors que c'est par bienveillance que la commune avait décidé sa mise à la retraite d'office au 1er septembre 2015 avec maintien de son plein traitement jusqu'à cette date et que cette mise à la retraite demeure justifiée au fond.


Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 mars 2020 et le 8 juillet 2021,
Mme A..., représentée par Me Harbi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- en retirant son arrêté du 27 août 2015 et en prononçant sa réintégration, la commune a renoncé à la mettre à la retraite pour inaptitude définitive et absolue ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 8 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 23 juillet 2021, à 12 heures.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1984;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Michel, substituant Me Leturcq, représentant la commune de la Fare-les-Oliviers.


Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent d'entretien en poste au service de restauration scolaire de l'école maternelle et primaire de la commune de la Fare-les-Oliviers, a été placée en congé de maladie ordinaire du 11 avril 2013 au 11 avril 2014 et, suivant avis de la commission de réforme du
17 juin 2014, a été reconnue inapte de manière absolue et définitive à tout emploi de la fonction publique. Par arrêté du 27 août 2015, le maire de la commune de la Fare-les-Oliviers a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité et sa radiation des effectifs de la commune à compter du
1er septembre 2015. Après annulation de cet arrêté, pour insuffisance de motivation, par jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mai 2017 qui a enjoint à la commune de réintégrer juridiquement Mme A... à compter de son éviction illégale, avec reconstitution de carrière, dans un délai de 2 mois, le maire a signé le 4 juillet 2017 un nouvel arrêté par lequel il l'a réintégrée juridiquement dans les effectifs communaux à compter du 1er septembre 2015, avec reconstitution de ses droits sociaux, et l'a admise d'office à la retraite pour invalidité à compter du 2 septembre 2015, l'intéressée étant radiée des effectifs de la commune à la même date. Par ordonnance du 8 août 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution de cet arrêté en ce qu'il prononce la mise à la retraite d'office pour invalidité de Mme A... et la radie des effectifs communaux à compter du 2 septembre 2015, et a enjoint au maire de la réintégrer dans les effectifs de la commune, à compter du
2 septembre 2015, en régularisant sa situation administrative et financière, à titre provisoire, dans l'attente de l'intervention du jugement au fond. Par jugement du 19 novembre 2019, dont la commune de la Fare-les-Oliviers relève régulièrement appel, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 4 octobre 2017 par lequel le maire a placé Mme A... en congé de maladie professionnelle à demi-traitement.


Sur l'objet du litige :

2. S'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 4 octobre 2017, qui procède à la réintégration juridique de Mme A... dans les effectifs de la commune à compter du
1er septembre 2015 et la place, à partir de la même date, en congé de maladie professionnelle à demi-traitement, a été pris pour l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du 8 août 2017, il ne peut pas être regardé, eu égard à la date de sa prise d'effets, qui découle directement de l'injonction prononcée par le juge des référés, comme revêtant dans cette mesure un caractère simplement provisoire. Dans ces conditions, l'instance relative à la légalité de l'arrêté du
4 octobre 2017 plaçant Mme A... en congé de maladie professionnelle à demi-traitement lequel a produit des effets définitifs et dont il n'est pas soutenu par la commune qu'elle l'aurait retiré, conserve son objet.

3. Par ailleurs, la circonstance que, en exécution du jugement attaqué, la commune a versé à Mme A... les sommes correspondant à l'intégralité de son traitement demeure sans incidence sur l'objet de la présente instance d'appel.


Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Il résulte de l'examen des points 1, 3 et 6 du jugement querellé que, pour annuler la décision en litige pour méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 2017, le tribunal a considéré, implicitement mais nécessairement, que la maladie professionnelle ayant justifié le placement en congé de Mme A... provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, auquel renvoient lesdites dispositions et que l'intéressée tirait de celles-ci le droit d'être maintenue en congé de maladie professionnelle, avec le bénéfice de son plein traitement à compter du 1er septembre 2015, date de sa réintégration juridique, sans autre limitation que celle tenant à sa mise à la retraite. Ainsi, la commune n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué méconnaît l'exigence de motivation posée par les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.



Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 58. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite ".

6. Il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse où la maladie au titre de laquelle l'agent public a été placé en congé de maladie ordinaire provient notamment de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, notamment lorsqu'elle a été contractée ou aggravée en service, il doit conserver l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite, malgré l'épuisement de ses droits à congé de maladie ordinaire.

7. En outre, eu égard au caractère nécessairement rétroactif des mesures susceptibles d'intervenir pour reconstituer la carrière d'un fonctionnaire dont l'éviction a été annulée par le juge administratif, quel qu'en soit le motif, l'administration est tenue d'appliquer la législation et la réglementation en vigueur à la date à laquelle de telles mesures seraient appelées à prendre effet et après accomplissement des procédures alors prescrites par ces législation et réglementation. Il en va également ainsi lorsque la mesure d'éviction a été retirée par l'administration et que celle-ci a entendu procéder à la reconstitution de la carrière de l'agent.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 2, l'arrêté du 4 octobre 2017, en ce qu'il a procédé à la réintégration juridique de Mme A... à partir du 1er septembre 2015 et bien qu'il ait été pris pour les besoins de l'exécution de l'ordonnance de référé du 8 août 2017, a produit des effets définitifs. Il ne peut donc qu'être regardé que comme ayant retiré, implicitement mais nécessairement, l'arrêté du 4 juillet 2017 la mettant à la retraite pour invalidité et la radiant des effectifs communaux au 1er septembre 2015, ainsi d'ailleurs que l'ont relevé à bon droit les premiers juges au point 2 de leur jugement. Il suit de là que pour assurer la reconstitution de la carrière de Mme A... à compter de cette même date, en la plaçant en congé de maladie professionnelle à demi-traitement, le maire de la commune de la Fare-les-Oliviers devait appliquer la législation et la réglementation en vigueur à la date à laquelle cette mesure était appelée à prendre effet. S'agissant d'une décision relative aux droits à congé de maladie de son agent, il appartenait au maire de se placer à la date à laquelle a débuté la maladie au titre de laquelle le congé est accordé, pour appliquer les dispositions citées au point 5 de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984.





9. Dans la mesure où les pièces du dossier montrent clairement que, par la décision en litige, le maire de la commune de la Fare-les-Oliviers a entendu placer Mme A... en position de congé de maladie au titre d'une maladie au sens des dispositions de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et où, à la date de la signature, Mme A..., qui n'avait pas repris son service, n'était pas en état de le faire, ni n'avait été l'objet d'une mise à la retraite pour invalidité, il devait prévoir, par application des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, le maintien au bénéfice de l'agent de l'intégralité de son traitement. En plaçant l'intéressée, dans l'arrêté en litige, en congé de maladie professionnelle à demi-traitement, le maire a donc entaché sa décision d'illégalité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de la Fare-les-Oliviers, qui ne peut utilement se prévaloir de la règle du service fait, de la jurisprudence relative aux conséquences dommageables d'une éviction illégale du service, ou de l'appréciation à laquelle elle s'est livrée pour prendre, dans le cas de Mme A..., ses deux précédents arrêtés de mise à la retraite pour invalidité, respectivement annulé par le juge et retiré par l'arrêté du 4 octobre 2017, n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 4 octobre 2017 plaçant Mme A... en congé de maladie professionnelle à demi-traitement.


Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre doivent donc être rejetées.

12. En revanche, et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune, sur le fondement desdites dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.



DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de la Fare-les-Oliviers est rejetée.
Article 2 : La commune de la Fare-les-Oliviers versera à Mme A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Fare-les-Oliviers et à
Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2021.
N° 20MA003874