CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 07/12/2021, 19MA04741, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 décembre 2021
Num19MA04741
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurMme Thérèse RENAULT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsBUQUET

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2019, M. C... E... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision de la ministre des armées du 11 juillet 2018, en tant qu'elle a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de tendinite achilléenne droite ".

Par un jugement n° 19/00001 du 30 août 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées du 11 juillet 2018 et a reconnu à
M. E... un droit à pension pour l'infirmité " séquelles de tendinite achilléenne droite ", à compter du 28 juin 2016, au taux de 10%.

Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 novembre 2019, 14 août 2020,
29 octobre 2020 et 23 novembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 30 août 2019.

Elle soutient que :
- le jugement, entaché d'une contradiction entre sa motivation et son dispositif, est irrégulier ;
- l'infirmité " séquelles de tendinite achilléenne droite " dont il est atteint résulte d'une maladie et non d'une blessure, en conséquence, dès lors que son taux est de 10%, elle ne pouvait lui ouvrir droit à pension militaire d'invalidité ;
- la demande de l'intéressé était irrecevable dès lors que le jugement du tribunal des pensions de Nancy du 18 octobre 1979, rejetant son recours contre une décision de rejet de sa demande d'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " tendinite du tendon d'Achille droit " est passé en force de chose jugée.

Par des mémoires, enregistrés les 4 juin 2020, 1er octobre 2020 et 6 novembre 2020, M. E..., représenté par Me Buquet, demande à la Cour de confirmer le jugement précité du 30 août 2019 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Buquet en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité et que son infirmité lui ouvre droit à pension militaire d'invalidité dès lors qu'elle a été évaluée au taux de 10 % et qu'elle résulte d'une blessure et non d'une maladie, contrairement à ce qu'a retenu la ministre pour rejeter sa demande.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du
21 février 2020.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Renault,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Buquet, représentant M. E....


Considérant ce qui suit :

1. M. C... E..., né le 6 mars 1957, a effectué son service militaire du
1er octobre 1977 au 14 octobre 1978, date à laquelle il a été rayé des cadres. Il a formulé une demande de pension militaire d'invalidité le 28 juin 2016 pour les infirmités " sciatique chronique droite " et " séquelles de tendinite achilléenne droite. Peignage. ". Par une décision du 11 juillet 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Elle relève appel du jugement du
30 août 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Marseille, saisi par M. E... d'un recours contre cette décision en tant qu'elle rejetait sa demande de bénéficier d'une pension militaire d'invalidité au titre de la seconde infirmité, a annulé sa décision et reconnu au requérant un droit à pension pour l'infirmité de " séquelles de tendinite achilléenne droite ", au taux de 10 %, à compter de la date de sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en vigueur à la date de la demande de M. E... : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2°) Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service, constatée dans les conditions qu'elles prévoient.


3. Aux termes de l'article L. 4 du même code : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; (...) 3°) Au titre résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30% en cas d'infirmité unique ; 40% en cas d'informités multiples. ".


4. La ministre des armées soutient que c'est à tort que le tribunal des pensions de Marseille a regardé l'infirmité dont est atteint M. E..., dont elle ne conteste ni l'imputabilité au service ni le taux de 10%, comme résultant d'une blessure, et considère qu'elle résulte d'une maladie contractée à l'occasion du service, n'ouvrant pas droit à pension dès lors que son taux est inférieur au taux de 30% requis pour ouvrir, dans ce cas, droit à pension.


5. Il résulte l'instruction que M. E... a consulté le 3 février 1978 pour une " tendinite chronique droite depuis 2 mois avec nodule douloureux de sa partie supérieure ", selon les termes du billet de consultation, et qu'un rapport circonstancié daté du 4 avril 1978 a relevé qu'" au cours de son stage à l'Ecole d'application du Génie, durant la période du
3 octobre 1977 au 26 janvier 1978 [l'intéressé] participait, dans le cadre de l'instruction, à de nombreux exercices et marches. A la suite de l'une d'elles, le 24 novembre 1977, il était victime d'une tendinite et se portait consultant le 25/11/1977 ". Dans le cadre de la contestation d'une première décision de rejet d'une demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " tendinite du tendon d'Achille droit ", il s'est soumis à une expertise réalisée par le docteur B..., après examen réalisé le 25 février 1980. Ce dernier, qui a fixé l'infirmité de
M. E... à un taux de 10%, a considéré que la tendinite chronique dont souffrait l'intéressé, était " secondaire à une tendinite aigüe, due à des micro-blessures de son tendon d'Achille droit secondaires à des traumatismes itératifs et répétés subis pendant son entraînement au centre d'instruction militaire au mois de novembre 1977 " et a considéré qu'elle pouvait être regardée comme résultant d'une blessure. En conclusion de son rapport établi à la demande de l'administration dans le cadre de l'examen de la demande de pension militaire d'invalidité formée par M. E... en 2016, le docteur A... a pour sa part estimé que la tendinite chronique d'Achille dont souffre l'intéressé, traitée chirurgicalement en 1986, " est apparue sur un mode aigu à la suite d'exercices trop importants et répétés, lors du service national ". Enfin le docteur D..., médecin traitant de M. E..., a considéré, dans le certificat médical établi le 25 mai 2018, que la tendinite chronique affectant son patient est la conséquence directe d'une blessure, et non d'une maladie préexistante ou de révélation tardive.




6. Le choix du terme de " blessure " pour qualifier la cause de l'affection de
M. E..., retenu par différents praticiens dans les rapports et certificats pré-mentionnés ou dans les autres certificats versés au dossier, ainsi que sur les états de services rectifiés établis à la demande de l'intéressé le 4 août 2016, n'implique pas nécessairement que l'affection de l'intéressé résulte d'une blessure au sens de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui suppose, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, que la lésion soit soudaine et consécutive à un fait précis de service. Or, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, il résulte de l'instruction que si la tendinite aigüe du talon d'Achille droit de
M. E..., qui a évolué par la suite en une tendinite chronique, a été ressentie à la suite de la marche du 24 novembre 1977, elle résulte d'une succession de micro-traumatismes du fait des efforts répétés durant les marches réalisées en novembre 1977. La lésion ne remplit pas, dès lors, la condition de soudaineté et ne se rattache pas à un fait précis de service. Dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme résultant d'une blessure et, dès lors que son taux est inférieur à 30%, elle n'ouvre pas droit au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité.


7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la ministre des armées et sur la régularité du jugement attaqué, que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a annulé sa décision du 11 juillet 2018 et reconnu à M. E... un droit à pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " séquelles de tendinite achilléenne droite " au taux de 10%, à compter du 28 juin 2016.


Sur les frais liés au litige :


8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que M. E... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.





D É C I D E :







Article 1er : Le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 30 août 2019 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. E... devant le tribunal des pensions militaires de Marseille et les conclusions qu'il a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.



Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. C... E... et à Me Buquet.




Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, où siégeaient :


- M. Badie, président de chambre,
- M. Revert, président assesseur,
- Mme Renault, première conseillère.


Rendu public par mise à disposition du greffe, le 7 décembre 2021.





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N° 19MA04741