CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/12/2021, 20NT02799, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 décembre 2021
Num20NT02799
JuridictionNantes
Formation4ème chambre
PresidentM. LAINE
RapporteurM. Jean-Yves GUEGUEN
CommissaireM. PONS
AvocatsNIZART

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 1905556 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 septembre 2020, le 5 février 2021 et le 5 mars 2021, M. A..., représenté par Me Nizart, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1905556 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité ;

3°) d'ordonner, subsidiairement, une expertise médicale avant-dire droit.

Il soutient que :
- il est atteint d'une polyglobulie, maladie de Vaquez, complétée par une apnée du sommeil pour laquelle il est appareillé ;
- il a été affecté au Kosovo en opération extérieure et le taux de plombémie constaté en 2000 révèle une aggravation de cette plombémie ; le médecin de la base des fusiliers marins et commandos de Lorient a reconnu son exposition au plomb en 1999 au Kosovo ;
- les conclusions du service de santé des armées sur ses antécédents de varicelle sont peu probantes et on peut s'interroger sur le fait qu'aucune radiographie n'ait détecté les micronodules disséminés dans ses poumons mais également sur l'absence de réaction des intervenants médicaux militaires comme suite à la dégradation de ses bilans sanguins entre 1995 et 2014, lorsqu'il appartenait aux unités d'intervention de la Marine, qui imposent pourtant de strictes conditions médicales ;
- l'état-major du commandement des opérations spéciales connaissait son état de santé et a reconnu l'imputabilité au service de son œdème des membres inférieurs, lequel a été médicalement constaté en juillet 1999 à son retour de mission du Kosovo.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 janvier 2021, le 22 février 2021 et le 29 mars 2021, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de M. A... n'est fondé et que la preuve de l'imputabilité au service des diverses maladies évoquées n'est pas établie ; il fait en outre valoir que M. A... ne démontre pas l'existence de deux des pathologies dont il fait état et estime qu'en l'espèce une mesure d'expertise ne se justifie pas.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ancien marin de la Marine Nationale et ancien maître principal fusilier marin, a participé entre 1999 et 2000 aux opérations en ex-Yougoslavie. Il a présenté le 29 juillet 2015 une demande de pension militaire d'invalidité au titre des infirmités résultant d'une plombémie, d'un syndrome dit " de la guerre des Balkans ", d'une apnée du sommeil, d'une maladie dite " de Vaquez " et d'une asbestose. Par une décision du 6 juillet 2016, prise après avis du 14 juin 2016 de la commission consultative médicale des anciens combattants et victimes de guerre, le ministre de la défense a rejeté cette demande.
2. Aux termes des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : (...) / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ".

3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales du service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques.

4. En premier lieu, s'agissant de l'infirmité alléguée résultant de sa " plombémie ", M. A... se borne à produire un document à caractère général de l'Institut de veille sanitaire et du service de santé des armées datant du 20 août 2002 relatif à l'évaluation et la surveillance de l'exposition au plomb des militaires français au Kosovo, ainsi qu'une analyse de sang en date du 4 avril 2000 révélant un taux de plomb dans le sang légèrement supérieur aux valeurs recommandées. Ce faisant, il n'apporte aucun élément médical sur cette infirmité alléguée à la date de sa demande de pension, alors même qu'il communique par ailleurs une analyse sanguine contemporaine de sa demande de pension militaire d'invalidité. Enfin, la circonstance que le médecin de la base des fusiliers marins de Lorient ait mentionné en 2002 la plombémie du requérant sur son livret médical militaire ne suffit pas à établir, faute d'autre élément médical probant, l'existence d'une pathologie répertoriée imputable à une exposition au plomb de M. A....
5. En deuxième lieu, s'agissant de l'infirmité résultant de la pathologie alléguée dite " syndrome de la guerre des Balkans ", M. A... n'apporte aucun élément médical probant établissant qu'il serait affecté des troubles ayant été classés sous cette appellation. S'il fait valoir que la plombémie relevée en 2000 dans ses analyses sanguines a été l'élément déclencheur de cette infirmité, il n'apporte pas davantage sur ce point d'élément probant, que ce soit sur l'existence d'une pathologie de cette nature dont il serait atteint ou sur le caractère effectif du lien qui existerait entre la plombémie révélée par ses analyses sanguines au cours de l'année 2000 et une telle affection. Enfin, si M. A... fait valoir que les conclusions du service de santé des armées sur ses antécédents de varicelle sont peu probantes et s'il s'interroge sur le fait qu'aucune radiographie n'ait détecté les micronodules disséminés dans ses poumons ou sur l'absence de réaction des services médicaux de la Marine nationale suite à la dégradation de ses bilans sanguins, lorsqu'il appartenait aux unités d'intervention de la Marine, il résulte de l'instruction que les opacités micronodulaires calcifiées disséminées dans les poumons de l'intéressé sont exclusivement dus à des antécédents de varicelle, au demeurant non contestés, remontant à l'année 1981.
6. Dans ces conditions, et faute de produire le moindre élément médical concernant le deux infirmités alléguées, résultant de la plombémie et du syndrome dit " de la guerre des Balkans ", M. A... n'établit pas l'existence des pathologies dont il fait état au soutien de sa demande de pension militaire d'invalidité.

7. En troisième lieu, s'agissant de l'apnée du sommeil et de la " maladie de Vaquez ", M. A..., pour établir l'imputabilité au service de ces maladies, fait également valoir que ces infirmités ont pour origine la plombémie dont il a souffert en 2000 mais il n'apporte aucun élément médical probant au soutien de cette affirmation, alors au demeurant que ces affections ne sont pas classées au nombre des maladies causées par le plomb et ses composés. Par ailleurs, s'il indique qu'une polyglobulie a été détectée sur sa personne dès 2002 alors qu'il était en service, il résulte de l'instruction, et notamment de l'analyse de sang faite par le service de santé des armées le 11 juin 2003, qu'il n'était pas atteint d'une telle maladie à cette époque. Au surplus, M. A... ne fait état d'aucun autre élément médical probant quant à la mutation de sa moelle osseuse qu'il impute également, mais sans en rapporter la preuve, à sa plombémie. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les pathologies dites de " l'apnée du sommeil " ou de la " maladie de Vaquez " dont M. A... fait état auraient été constatées durant le service ou auraient, en tout état de cause, pour origine un fait imputable au service.
8. En quatrième et dernier lieu, s'agissant de l'infirmité résultant de l'asbestose dont M. A... affirme être atteint du fait de ses affectations successives sur des bâtiments de la Marine nationale, l'intéressé, qui ne fait état d'aucun symptôme ni d'aucun signe fonctionnel particulier révélant la présence d'une telle pathologie, ne conteste pas ne pas être atteint de cette maladie et n'apporte, en première instance comme en appel, aucun élément à l'encontre de la décision en tant qu'elle rejette sa demande de pension militaire d'invalidité sur ce point.
9. Si M. A... fait valoir, enfin, que l'état-major du commandement des opérations spéciales a reconnu l'imputabilité au service de son œdème des membres inférieurs, qui a été médicalement constaté en juillet 1999 à son retour de mission du Kosovo, il résulte de l'instruction, à supposer même que cet état-major ait une compétence pour reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie, que les éléments médicaux qu'il apporte sur ce point apparaissent sans rapport avec les cinq types d'infirmités résultant de la plombémie, du syndrome dit " de la guerre des Balkans ", de l'apnée du sommeil, de la maladie dite " de Vaquez " et de l'asbestose, qui seules fondaient la demande de pension militaire d'invalidité présentée le 29 juillet 2015.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale subsidiairement sollicitée, qui, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, ne présente pas un caractère utile, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.


Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.
Le rapporteur,
J.-Y. GUEGUEN
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


4
N° 20NT02799