CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 20MA02379, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Bastia, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Bastia, d'annuler la décision en date du 31 mai 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité de type " asthénopie de l'œil gauche".
Par un jugement n° 1901513 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 20 juillet 2020, et les 26 janvier et
31 mars 2021, M. A..., représenté par Me Caporossi-Poletti, demande :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 juin 2020 ;
2°) à titre principal, d'annuler la décision de la ministre des armées du 31 mai 2017 rejetant sa demande de révision de pension ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour déterminer la réalité et le taux de l'aggravation de l'asthénopie dont il souffre.
Il soutient que :
- la décision rejetant sa demande de révision a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir donné lieu à une expertise médicale, malgré l'annonce qui lui en a été faite, et à l'avis d'un médecin ;
- le taux d'invalidité correspondant à l'asthénopie de l'œil gauche doit être réévalué à 10 %, au lieu de 5 %, compte tenu des certificats médicaux qu'il produit.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 mars et 28 avril 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens qui y sont présentés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
27 octobre 2021, à 12 heures.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du
27 novembre 2020.
Un mémoire, enregistré le 21 octobre 2021, a été présenté par la ministre des armées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux global de 90 %, dont 65 % au titre de l'énucléation de l'œil droit consécutive à une blessure oculaire et 5 % au titre de l'asthénopie de l'œil gauche, a demandé le 27 août 2015 la révision de sa pension pour aggravation de cette seconde infirmité. Par jugement du 9 juin 2020, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du
31 mai 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension.
2. Aux termes de l'article R. 28 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de révision de pension : " Les demandes en révision prévues à l'article L. 29 sont pour tout ce qui concerne les visites médicales et les règles de la procédure, soumises aux dispositions du chapitre V ", lesquelles sont relatives aux demandes de pension. En vertu de l'article R. 7 du même code, la demande de pension est adressée au service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre et dès que ce service est en possession des documents et renseignements nécessaires à l'étude du dossier, il avise l'intéressé des lieu, jour et heure auxquels il sera soumis aux visites médicales réglementaires. L'article R. 11 de ce code dispose en outre que : " Les visites auxquelles sont soumis les militaires ou marins en vue de l'obtention d'une pension d'invalidité sont effectuées par un seul médecin que désigne le médecin chef du centre de réforme chargé de l'instruction de la demande. (...) ". L'article R. 12 du code précise quant à lui que : " Préalablement à l'examen de l'intéressé, le médecin expert doit être mis en possession des pièces de l'instruction nécessaires à cet examen. Il établit un certificat qui est revêtu de sa signature. (...)".
3. Il ne résulte d'aucune des dispositions législatives et réglementaires applicables à l'instruction des demandes de révision de pension, qu'avant de statuer sur de telles demandes, la ministre des armées puisse se dispenser de l'avis du médecin expert prévu aux dispositions réglementaires citées au point 2.
4. Il résulte de l'instruction, et il est du reste constant, qu'avant le rejet de sa demande de révision de pension, et alors que par lettre du 9 novembre 2016, le chef du bureau chargé des relations avec les usagers lui indiquait que l'examen de son dossier conduisait l'administration à désigner un médecin-expert pour déterminer son taux d'invalidité, M. A... n'a pas été soumis à une visite médicale effectuée par un médecin-expert, ainsi que le prévoient pourtant les dispositions réglementaires citées au point 2.
5. Certes, pour refuser de faire droit à la demande de révision de pension, présentée au seul titre de l'aggravation de l'infirmité qualifiée d'anesthopie de l'œil gauche, la ministre des armées a considéré que le degré d'invalidité déjà attribué à ce titre constituait le taux maximum prévu par le guide-barème pour une infirmité unique. En effet, alors qu'une circulaire du
7 mars 1980 fixait les modalités d'indemnisation de cette infirmité, en ne prévoyant son indemnisation que pour les personnes souffrant d'une affection neurologique centrale et pour celles pensionnées pour le syndrome dit de Targowla, l'instruction du ministre chargé de la défense, en date du 27 octobre 2009, dont se prévaut la ministre en première instance, prévoit en cas de monophtalmie que l'anesthopie de l'autre œil ouvre droit à une majoration de 5% du taux d'invalidité alloué pour l'infirmité principale.
6. Toutefois, ni le guide-barème, bien que n'évoquant pas l'anesthopie au nombre des infirmités susceptibles de se voir attribuer des degrés d'invalidité, ni en tout état de cause l'instruction ministérielle précitée, dont l'adoption n'est prévue par aucune disposition législative ou réglementaire, ne dispensaient la ministre des armées de saisir un médecin-expert de la demande de révision de pension présentée par M. A.... Ainsi, celui-ci est fondé à soutenir, tant devant le tribunal que devant la Cour, que la décision du 31 mai 2017 refusant de faire droit à cette demande est intervenue au terme d'une procédure irrégulière et qu'elle doit être pour ce motif annulée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque et de la décision du 31 mai 2017.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901513 du 9 juin 2020 et la décision de la ministre des armées du 31 mai 2017 sont annulés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.
N° 20MA023792