CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 14/12/2021, 19MA05731, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision14 décembre 2021
Num19MA05731
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Michaël REVERT
CommissaireM. ANGENIOL

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille d'annuler la décision du 9 février 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui accorder une pension militaire d'invalidité au titre des infirmités de type " acouphènes droits permanents " et " hypoacousie de l'oreille droite ".

Par un jugement n° 18/00044 du 29 août 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a annulé la décision du 9 février 2018 en tant qu'elle refuse une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " dureté de l'oreille droite ", a fait droit à la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B... à ce titre, à compter du
3 juin 2016, suivant le taux d'invalidité de 10 %, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

La cour régionale des pensions militaires d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, le recours présenté par le ministre des armées, enregistré à son greffe le 14 octobre 2019.



Par ce recours, la ministre des armées demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du 29 août 2019 en ce qu'il a annulé sa décision du 9 février 2018 refusant à M. B... une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " dureté de l'oreille droite " et en ce qu'il a accordé à celui-ci un droit à l'indemnisation pour cette infirmité à compter du 3 juin 2016, suivant le taux d'invalidité de 10 % ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

La ministre soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé au regard de l'exigence posée par les articles L. 151-6 et L. 711-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, faute de mettre en évidence l'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 du même code et de se prononcer sur la nature de l'infirmité pensionnée ;
- l'infirmité de type " dureté de l'oreille droite " n'est pas imputable au service car il n'y a pas eu fait précis de service, le fait générateur de l'infirmité n'a pas donné lieu à une constatation médicale qui lui était contemporaine et la pathologie constatée est en relation directe et déterminante avec une maladie d'origine constitutionnelle.


Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juillet et 29 septembre 2021,
M. B... conclut au rejet du recours.

Il soutient que les infirmités d'acouphènes et de surdité de l'oreille droite sont à l'origine d'une gêne fonctionnelle s'exprimant dans sa vie professionnelle et personnelle.


Par une ordonnance du 13 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
30 septembre 2021, à 12 heures.


Un mémoire, enregistré le 25 octobre 2021, a été présenté par la ministre des armées.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :
1. M. B..., sergent-chef de la Légion étrangère, a demandé le 3 juin 2016 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité, au titre de deux infirmités, l'une de type " Acouphènes droits permanents ", l'autre de type " Hypoacousie de l'oreille droite ".
Par décision du 9 février 2018, la ministre des armées a refusé de faire droit à cette demande.
Par jugement du 29 août 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, après avoir ordonné avant dire droit une expertise médicale par jugement du 10 janvier 2019, a annulé cette décision en tant qu'elle rejette la demande de pension au titre de l'infirmité de type " Hypoacousie de l'oreille droite " et jugé que
M. B... avait droit à une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité, à compter du 3 juin 2016.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service prévue à l'article L. 3 du même code, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
3. En outre, l'article L. 4 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 p. cent. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 p. cent ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse (...) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service.
4. Il résulte de l'instruction que la demande de pension de M. B..., présentée au titre de l'hypoacousie de l'oreille droite diagnostiquée pour la première fois par un spécialiste en otorhinolaryngologie le 8 août 2012, se fonde sur la circonstance que cette infirmité trouverait son origine dans le parcours de tirs auquel il a participé le 19 janvier 2012 en Nouvelle-Calédonie. Alors que le rapport de l'expert rendu le 6 mars 2019, sur jugement avant dire droit du tribunal du 10 janvier 2019, retient que la surdité est en relation directe et certaine avec les exercices de tirs répétés auxquels M. B... s'est livré au cours de l'année 2012, le tribunal a considéré, par le jugement querellé, que des éléments médicaux permettaient de relier cette infirmité au fait de service du 19 janvier 2012.
5. Toutefois, le livret médical de M. B... qui mentionne, à partir de ses déclarations, qu'au 26 mars 2012, il se plaignait depuis trois semaines de sensation désagréable à l'oreille droite, ne fait état ni de surdité, ni d'un fait précis ou de circonstances particulières de service. Si, le 8 août 2012, M. B... a consulté un spécialiste en otorhinolaryngologie qui a diagnostiqué pour la première fois une perte auditive légère à l'oreille droite, et a relevé dans ses antécédents une exposition au bruit par le tir, le certificat médical daté du même jour n'identifie aucune cause de cette infirmité et ne le rattache pas davantage à un fait précis de service. Ainsi, aucun des éléments de l'instruction, contemporains du fait de service auquel l'intimé impute son infirmité, ne fait état de celle-ci ou de ses liens avec un fait précis ou des circonstances particulières de service. Le registre des constatations et le rapport circonstancié du 28 mai 2015, qui indiquent à partir des déclarations de M. B..., qu'il a ressenti des sifflements à l'oreille droite après un parcours de tirs le 19 janvier 2012, ne font pas référence à une perte d'audition et ont été établis longtemps après le fait indiqué, sans qu'aucune pièce versée au dossier ne fasse état d'une enquête qui aurait été effectuée à ce propos. En l'absence d'inscription au registre des constatations, de rapport circonstancié ou de constat médical antérieur à 2015, aucun document officiel n'atteste l'existence d'un choc sonore le
19 janvier 2012. Dans ces conditions, les séances de tir auxquelles M. B... a participé dans le cadre des conditions générales de service auxquelles il était exposé au sein de son unité, ne peuvent être retenues au titre de faits précis de service. Dès lors, en l'absence de circonstances particulières permettant de leur imputer l'affection invoquée, l'intéressé ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'imputabilité au service de l'hypoacousie dont il souffre. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, la ministre des armées est fondée à demander l'annulation du jugement le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille en tant qu'il a accordé à M. B... un droit à pension pour l'infirmité de type " Dureté de l'oreille droite ". Il y a donc lieu d'annuler ledit jugement et de rejeter la demande de M. B....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 18/00044 en date du 29 août 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, en tant qu'il a accordé à M. B... un droit à pension pour l'infirmité d'hypoacousie de l'oreille droite, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille tendant à obtenir une pension d'invalidité pour l'infirmité d'hypoacousie de l'oreille droite est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.
N° 19MA057313