CAA de DOUAI, 3ème chambre, 20/01/2022, 20DA01055, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision20 janvier 2022
Num20DA01055
JuridictionDouai
Formation3ème chambre
PresidentMme Borot
RapporteurM. Nil Carpentier-Daubresse
CommissaireM. Cassara
AvocatsMAURO

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du maire de Lillers du 21 novembre 2016 rejetant sa demande de rétablissement du régime indemnitaire, de condamner la commune de Lillers à lui verser la somme de 78 544,64 euros en réparation de son préjudice économique au titre de la perte du régime indemnitaire, outre les sommes qui auraient dû lui être versées à ce titre pour les mois à venir, d'enjoindre à la commune de Lillers de lui verser depuis le 29 avril 2016 et jusqu'à sa reprise d'activité, le régime indemnitaire auquel il est en droit de prétendre, d'enjoindre à la commune de Lillers de tenir compte du rétablissement dans ses droits pour le calcul de ses congés payés afférents et de ses droits à la retraite, de condamner la commune de Lillers à lui verser la somme de 1 550 euros au titre des frais médicaux, outre ceux qui seront justifiés ultérieurement, d'enjoindre à la commune de Lillers de prendre en charge le coût des séances de psychothérapie et de condamner la commune de Lillers à lui verser la somme provisionnelle de 50 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées. Subsidiairement, il a demandé au même tribunal d'ordonner une expertise médicale, de condamner la commune de Lillers au remboursement des cotisations au régime de retraite additionnelle de la fonction publique, soit la somme totale de 976,86 euros, prélevées sur le régime indemnitaire non perçu depuis le 29 avril 2016, outre toutes les cotisations qui pourraient continuer à être prélevées ultérieurement, d'enjoindre à la commune de Lillers de lui verser depuis le 29 avril 2016 et jusqu'à la reprise de son activité, les cotisations au régime de retraite additionnelle de la fonction publique auxquelles il est en droit de prétendre, de dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par la commune de Lillers de sa réclamation datée du 28 septembre 2016 pour les sommes dues à cette date, et pour celles dues à une date postérieure à cette réception, à compter de la date à laquelle elles auraient dû lui être versées et de mettre à la charge de la commune de Lillers la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1609709 du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Lillers à verser à M. A... la somme de 1 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016, à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés 23 juillet 2020 et 24 mai 2021, M. A..., représenté par Me Emmanuelle Mauro, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses demandes ;

2°) d'annuler la décision du maire de Lillers du 21 novembre 2016 rejetant sa demande de rétablissement de son régime indemnitaire et, à défaut, de restitution des cotisations afférentes au régime de retraite additionnelle de la fonction publique ;

3°) de condamner la commune de Lillers à lui verser la somme de 105 590,36 euros en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la commune de Lillers de procéder au remboursement des cotisations au régime de retraite additionnelle de la fonction publique, soit 1 410,26 euros, assises sur des primes non perçues entre le 29 avril 2016 et le 31 mars 2020, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluer ses préjudices extrapatrimoniaux, ainsi que de condamner la commune de Lillers à lui verser la somme totale de 111 668 euros à titre de réparation de divers préjudices ;

5°) d'assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal, à compter de la date de réception par la commune de Lillers de sa réclamation datée du 28 septembre 2016 pour les sommes dues à cette date, et pour celles dues à une date postérieure à cette réception, à compter de la date à laquelle elles auraient dû lui être versées ;

6°) d'enjoindre à la commune de Lillers de lui verser depuis le 29 avril 2016 jusqu'à sa reprise d'activité, son régime indemnitaire, de tenir compte de ce rétablissement dans ses droits pour le calcul de ses congés payés afférents et de ses droits à la retraite ainsi que de prendre en charge le coût des séances de psychothérapie d'un montant de 1 700 euros, à parfaire, dans le délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir ;

7°) de mettre à la charge de la commune de Lillers la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.





Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
- le décret n° 2004-569 du 18 juin 2004 ;
- le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de M. A... et de Me Fillieux pour la commune de Lillers.




Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ingénieur principal territorial, a été recruté par la commune de Lillers, le 1er mai 1999, pour exercer les fonctions de directeur des services techniques. Le 29 avril 2016, il a été placé en arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif. La commission de réforme a conclu, le 9 septembre 2016, à l'imputabilité au service de sa pathologie. Par des courriers en date des 28 septembre 2016 et 11 novembre 2016, M. A... a saisi le maire de Lillers d'une demande tendant au paiement de l'indemnité spécifique de service et de la prime de service et de rendement pendant son congé maladie et à l'arrêt du prélèvement sur son salaire des cotisations au régime de retraite additionnelle de la fonction publique ainsi qu'à l'indemnisation de divers préjudices qu'il estime avoir subis. Ces demandes ont été rejetées par une décision du 21 novembre 2016. Par un arrêté du même jour modifiant un arrêté du 11 octobre 2016, le maire de Lillers a reconnu la maladie de M. A... imputable au service à compter du 29 avril 2016. Par un jugement du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Lille, saisi par M. A..., a condamné la commune de Lillers à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des souffrances morales endurées en lien avec sa pathologie et a rejeté le surplus de ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 21 novembre 2016 relative à son régime indemnitaire et, d'autre part, à la condamnation de la commune de Lillers à l'indemniser de divers préjudices qu'il estime avoir subis. M. A... en relève appel en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses demandes.


Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. [...] ". Aux termes de l'article 88 de cette même loi, dans sa version alors applicable : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat. [...] ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements (...) ". Aux termes de l'article 6 " les congés pour maladie " du règlement de services de la commune de Lillers en date du 16 décembre 2014 : " En cas d'absence non liée à un accident de service, il sera appliqué une retenue sur le régime indemnitaire mensuel (hors NBI) calculée au prorata du nombre de jours de maladie ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 37 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) Au traitement ou au demi-traitement s'ajoutent les avantages familiaux et la totalité ou la moitié des indemnités accessoires, à l'exclusion de celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais. (...) ". Aux termes du I de l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés : " 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, aux magistrats de l'ordre judiciaire et, le cas échéant, aux agents non titulaires relevant du décret du 17 janvier 1986 susvisé est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de service à temps partiel pour raison thérapeutique et en cas de congés pris en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; 2° Les dispositions des régimes indemnitaires qui prévoient leur modulation en fonction des résultats et de la manière de servir de l'agent demeurent applicables (...) ".

4. M. A... soutient que la décision du 21 novembre 2016 rejetant sa demande de rétablissement de son régime indemnitaire à compter du 29 avril 2016 est illégale. Il invoque par voie d'exception, l'illégalité de la délibération du 16 décembre 2014 du conseil municipal de Lillers qui exclut le maintien du régime indemnitaire pour les agents dont la maladie a été reconnue imputable au service. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale que celles-ci ne prévoient, en cas de congés de maladie, que le maintien du traitement et non du régime indemnitaire de l'agent, hormis le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence. Par ailleurs, s'agissant des agents de l'Etat, il résulte de la combinaison des articles 37 du décret du 14 mars 1986 et 1er du décret du 26 août 2010 précités que le maintien des primes et indemnités durant certaines périodes de congés, notamment consécutifs à une maladie ou à un accident imputable au service, ne concerne pas celles qui sont attachées à l'exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais. Dans ces conditions, eu égard au principe de parité prévalant entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale, prévu par l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et par son décret d'application du 6 septembre 1991, alors même que la pathologie de M. A... a été reconnue imputable au service, la commune de Lillers ne pouvait continuer à lui verser durant son congé de maladie les primes et indemnités attachées à l'exercice de ses fonctions que sont l'indemnité spécifique de service et la prime de service et de rendement. M. A... ne saurait dès lors pas utilement se prévaloir d'une rupture d'égalité et d'une discrimination du fait que le règlement de services adopté par la délibération du 16 décembre 2014 prévoit un tel maintien en faveur, uniquement, des agents victimes d'un accident de service. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du règlement de service de la commune de Lillers en date du 16 décembre 2014 en tant qu'il refuse, comme dans son cas, ce maintien de primes durant un congé résultant d'une maladie imputable au service.

5. En second lieu, aux termes de l'article 76 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : " I.- Il est institué un régime public de retraite additionnel obligatoire, par répartition provisionnée et par points, destiné à permettre l'acquisition de droits à retraite, assis sur une fraction maximale, déterminée par décret en Conseil d'Etat, de l'ensemble des éléments de rémunération de toute nature non pris en compte dans l'assiette de calcul des pensions civiles et militaires de retraite. (...) II.- Le bénéfice du régime est ouvert : (...) 1° Aux fonctionnaires civils auxquels s'appliquent [la loi] n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (...) ". L'article 2 du décret du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique prévoit que l'assiette de cotisations est constituée par les éléments de rémunération de toute nature perçus de leurs employeurs par les bénéficiaires au cours de l'année civile, à l'exception de ceux qui entrent dans l'assiette de calcul des pensions dans le régime des pensions civiles et militaires de retraite ou dans le régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et que ces éléments sont pris en compte dans la limite de 20 % du traitement indiciaire brut total perçu au cours de l'année considérée.

6. Il ressort des pièces du dossier que si la prime de revenu perçue par M. A... en juin 2016, juin 2017, juin 2018, juin 2019 et mars 2020 devait donner lieu à prélèvement de cotisations au titre du régime de retraite additionnelle de la fonction publique, tel n'est pas le cas des cotisations prélevées, comme cela résulte de l'instruction, sur l'indemnité spécifique de service et la prime de service et de rendement dès lors que l'appelant ne les a pas effectivement perçues, ces sommes ayant été systématiquement reprises le mois suivant leur versement du fait de son placement en congé de maladie ainsi qu'il a été dit précédemment. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 novembre 2016 du maire de Lillers en tant qu'elle rejette sa demande tendant à la restitution des montants indûment perçus au titre du régime de retraite additionnelle de la fonction publique.


Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.


En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par la commune de Lillers :

8. En premier lieu, il résulte des courriers de M. A... en date des 28 septembre et 11 novembre 2016, réceptionnés respectivement les 29 septembre et 14 novembre 2016 par la commune de Lillers, que l'intéressé a invoqué les faits générateurs tirés de son syndrome anxio-dépressif d'origine professionnelle, du harcèlement moral qu'il estime avoir subi et de sa souffrance au travail. Dans ces conditions, la commune de Lillers n'était pas fondée à soutenir, dans ses écritures de première instance, que le contentieux indemnitaire sur ces trois fondements n'était pas lié.

9. En deuxième lieu, il résulte de ces mêmes courriers que M. A... a sollicité la réparation d'un préjudice financier correspondant au rétablissement de son régime indemnitaire depuis le 29 avril 2016 ainsi que d'un préjudice physique et moral chiffré à 50 000 euros à titre provisionnel. Dans ces conditions, la commune de Lillers n'était pas fondée à soutenir, dans ses écritures de première instance, que la demande indemnitaire présentée par l'appelant n'était pas chiffrée.

10. En troisième lieu, la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur. Il en va ainsi quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. La victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. Si, une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur. Il n'est fait exception à ces règles que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation. Dans ce cas, qu'il s'agisse de dommages relevant de chefs de préjudice figurant déjà dans cette réclamation ou de dommages relevant de chefs de préjudice nouveaux, la victime peut saisir l'administration d'une nouvelle réclamation portant sur ces nouveaux éléments et, en cas de refus, introduire un recours indemnitaire dans les deux mois suivant la notification de ce refus. Dans ce même cas, la victime peut également, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire né du refus opposé à sa réclamation, ne pas saisir l'administration d'une nouvelle réclamation et invoquer directement l'existence de ces nouveaux éléments devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue par la même décision. La victime peut faire de même devant le juge d'appel, dans la limite toutefois du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l'indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance.

11. Il résulte des écritures de première instance de M. A... que celui-ci a chiffré ses conclusions indemnitaires relative à sa maladie professionnelle à la somme totale de 131 071,53 euros. Si les préjudices liés aux frais médicaux et aux souffrances physiques et morales ont pu être révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance, tel n'est pas le cas du déficit fonctionnel temporaire et de l'incapacité permanente partielle dès lors qu'il résulte de l'instruction que, le 20 août 2019, l'expert psychiatrique a retenu une date de consolidation de la pathologique de M. A... au 1er mai 2019 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 25 % et que, dans son avis du 11 octobre 2019, la commission de réforme a également retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 25 %, soit antérieurement au jugement attaqué. Dès lors, si M. A... peut solliciter l'indemnisation des nouveaux préjudices qui ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance, y compris en augmentant la somme totale demandée et dès lors que ces préjudices se rattachent à un fait générateur invoqué dans sa demande indemnitaire préalable, il n'est fondé, concernant les préjudices tirés du déficit fonctionnel temporaire et de l'incapacité permanente partielle, à solliciter leur indemnisation que dans la limite du montant de 131 071,53 euros qu'il a demandé en première instance. Par suite et ainsi que le fait valoir la commune de Lillers, ses conclusions indemnitaires ne sont recevables que dans cette mesure.


En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

S'agissant du harcèlement moral :

12. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

13. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

14. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient M. A..., les remarques formulées dans le compte-rendu du bureau municipal du 17 avril 2012, les notes de service du 28 octobre 2014 concernant l'exécution du budget et les propos tenus par le maire de Lillers au cours de la réunion d'information du 28 août 2015, qui font notamment état de certains dysfonctionnements au sein des services techniques et alors que l'intéressé n'y est pas nominativement désigné, n'excédaient pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs, la circonstance qu'il n'a pas été donné de suites à certains courriels que M. A... a adressés à sa hiérarchie concernant notamment le non-respect par la collectivité d'obligations légales ou l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'encontre d'un agent n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. De même, la seule circonstance qu'il n'a été informé que tardivement de certaines demandes du maire de Lillers concernant la réfection d'un parking ou la mise en place de la vidéo-protection et que ce dernier a souhaité modifier l'organigramme des services municipaux en février 2016 ne sauraient davantage laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de l'appelant. Si ce dernier a fait part, à plusieurs reprises, à sa hiérarchie des moyens contraints auxquels faisait face son service, il résulte de l'instruction que la commune a été confrontée à des difficultés en matière budgétaire et en matière de ressources humaines, lesquelles concernaient également d'autres services. En outre, la circonstance qu'entre les mois de mai 2015 et janvier 2016, seules quatre réunions avec la directrice générale des services se soient déroulées en sa présence ne saurait laisser présumer qu'il aurait été volontairement isolé alors que des échanges téléphoniques intermédiaires ont eu lieu avec celle-ci. Si M. A... indique que l'imputabilité au service de sa maladie n'a été reconnue que tardivement par la commune de Lillers, il résulte de l'instruction que l'arrêté du maire de Lillers a été pris le 11 octobre 2016, quand bien même celui-ci a été modifié le 11 novembre suivant du fait d'une erreur, soit peu de temps après l'avis rendu par la commission de réforme le 9 septembre 2016. De même, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que c'est à bon droit que la commune de Lillers n'a pas maintenu, lors de son congé de maladie, le versement des primes attachées à l'exercice de ses fonctions. Dans ces conditions et nonobstant la circonstance que sa maladie a été reconnue comme imputable au service, les éléments de fait produits par M. A... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la commune de Lillers a méconnu les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et commis une faute de nature à engager sa responsabilité.



S'agissant de l'obligation de protection de la santé et de la sécurité :

15. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ".

16. Si M. A... soutient que la commune de Lillers a commis une faute en ne prenant pas de mesures pour protéger sa santé, il ne résulte pas de l'instruction, au regard notamment des éléments mentionnés au point 14, qu'elle aurait méconnu cette obligation. Par ailleurs, les circonstances invoquées que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'aurait pas diligenté d'enquête administrative, en méconnaissance des dispositions de l'article 41 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, et que ce comité n'aurait pas eu communication du dossier de M. A... sont sans lien direct avec les préjudices dont se prévaut ce dernier. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à demander la condamnation de la commune de Lillers à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis au titre de la méconnaissance par celle-ci de ses obligations en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses agents.


En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

S'agissant du régime indemnitaire :

17. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à solliciter le paiement, entre le 29 avril 2016 et le 31 mars 2020, de l'indemnité spécifique de service et de la prime de service et de rendement.


S'agissant des frais médicaux :

18. Il résulte de l'instruction que M. A... a fait l'objet d'un suivi psychologique entre le 28 septembre 2016 et le 21 février 2020 qui fait suite à sa maladie imputable au service, pour un montant total de 1 700 euros qu'il a payé et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces frais auraient été pris en charge par l'assurance maladie, qui n'a pas produit malgré sa mise en cause, ou par une assurance complémentaire. Par suite, il y a lieu de condamner la commune de Lillers à verser à M. A... la somme demandée de 1 700 euros au titre des frais médicaux engagés.


S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

19. Il résulte de l'instruction que les conditions d'existence de M. A... ont, du fait de son état de santé, été dégradées entre le 29 avril 2016, date du début de son arrêt de travail dont la maladie a été reconnue imputable au service, et le 1er mai 2019, date de la consolidation de son état de santé. Il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire subi par l'appelant en l'évaluant à la somme de 2 500 euros. Par suite, il y a lieu de condamner la commune de Lillers à verser à M. A... la somme de 2 500 euros à ce titre.


S'agissant de l'incapacité permanente partielle :

20. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que, le 20 août 2019, l'expert psychiatrique a retenu une date de consolidation de la pathologique de l'intéressé au 1er mai 2019 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 25 %, en précisant qu'aucun état pathologique n'était préexistant, et que, dans son avis du 11 octobre 2019, la commission de réforme a également retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 25 %. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, M. A... étant âgé de soixante-et-un ans à la date de consolidation de son état de santé, en l'évaluant à la somme de 33 000 euros. Par suite, la commune de Lillers est condamnée à verser cette somme à M. A....



S'agissant des souffrances physiques et morales :

21. Il résulte de l'instruction, notamment des expertises médicales versées au dossier, que M. A... demeure hypersomniaque, anxieux, que son humeur reste triste avec un manque de goût et une asthénie, qu'il suit un traitement médical composé d'un antidépresseur et d'un anxiolytique. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le lien entre le syndrome anxio-dépressif dont souffre l'appelant, qui a été reconnu comme imputable au service, et le préjudice moral qu'il invoque devait être regardé comme établi. En outre, ils ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en retenant une indemnité à ce titre de 1 000 euros. Enfin, en l'absence d'élément au dossier établissant l'existence d'une souffrance physique, M. A... n'est pas fondé à demander une indemnisation à ce titre.

22. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité à 1 000 euros la somme que la commune de Lillers a été condamnée à lui verser au titre de l'indemnisation des préjudices subis. Cette somme doit ainsi être portée à la somme de 38 200 euros.


En ce qui concerne les intérêts :

23. M. A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 38 200 euros à compter du 29 septembre 2016, date de la réception de sa demande indemnitaire préalable par la commune de Lillers.


Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. Eu égard au motif d'annulation partielle de la décision du 21 novembre 2016 retenu au point 6 du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre à la commune de Lillers de restituer les montants indûment prélevés à M. A... au titre du régime de retraite additionnelle de la fonction publique. L'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer le montant exact de ces sommes indûment retenues par la commune de Lillers sur la rémunération de M. A... entre le 29 avril 2016 et le 31 mars 2020, il y a lieu, en conséquence, de le renvoyer devant la commune pour le calcul des cotisations afférentes au régime de retraite additionnelle de la fonction publique prélevées à tort sur l'indemnité spécifique de service et sur la prime de service et de rendement et qui doivent ainsi lui être restituées.

25. En revanche, eu égard à ce qui a été dit au point 4 concernant la demande de rétablissement du régime indemnitaire de M. A..., il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction demandées à ce titre, ni, en conséquence, à sa demande de tenir compte de ce rétablissement dans ses droits pour le calcul de ses congés payés afférents et de ses droits à retraite. Enfin, eu égard à la condamnation de la commune de Lillers retenue au point 18 concernant la prise en charge de ses frais médicaux, il n'y a pas lieu de prononcer une injonction sur ce point.


Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par la commune de Lillers et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lillers, la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de ces mêmes dispositions.



DÉCIDE :


Article 1er : La décision du 21 novembre 2016 du maire de Lillers est annulée en tant qu'elle rejette la demande de M. A... tendant à la restitution des cotisations afférentes au régime de retraite additionnelle de la fonction publique qui ont été indûment prélevées.

Article 2 : La somme de 1 000 euros que la commune de Lillers a été condamnée à verser à M. A... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille du 5 juin 2020, en réparation des préjudices subis du fait de sa maladie imputable au service, est portée à la somme de 38 200 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Lillers de restituer à M. A... le montant des cotisations afférentes au régime de retraite additionnelle de la fonction publique qui ont été indûment prélevées. M. A... est renvoyé devant la commune de Lillers pour le calcul de ce montant, dans les conditions mentionnées au point 24.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 5 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er, 2 et 3 du présent arrêt.

Article 5 : La commune de Lillers versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Les conclusions présentées par la commune de Lillers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Lillers, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois et à la caisse d'assurance retraite et de santé au travail des Hauts-de-France.


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N° 20DA01055
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N°"Numéro"