CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 03/02/2022, 19BX03938, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal des pensions militaires de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2017 du ministre des armées lui accordant le renouvellement de sa pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 30 %, de porter ce taux à 40 % et de lui concéder une pension à titre définitif.
Par un jugement n°17/00029 du 2 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires de Toulouse a annulé l'arrêté du 24 juillet 2017 en tant qu'il fixe le taux d'invalidité à 30 %, porté ce taux à 40 %, ordonné au ministre des armées de liquider la pension concédée au taux de 40 % à compter du 19 mai 2016 et rejeté le surplus de la demande de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 août 2019, la ministre des armées a demandé à la cour régionale des pensions militaires de Toulouse :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a fixé au 19 mai 2016 le point de départ de la liquidation ordonnée ;
2°) de fixer le point de départ de cette liquidation au 4 décembre 2016.
Elle soutient qu'en fixant le point de départ de la liquidation de la pension
au 19 mai 2016, date de la demande de renouvellement, et non au 4 décembre 2016, lendemain de l'expiration de la première période triennale, le tribunal a méconnu les dispositions de l'ancien article L. 8 code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
Par un acte de transmission des dossiers, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a été saisie de la requête du ministre des armées, enregistrée sous le n° 19BX03938.
Par des mémoires, enregistré les 29 novembre 2019 et 27 janvier 2020, la ministre des armées conclut aux mêmes fins que sa requête et au rejet de l'appel incident de Mme B....
Elle soutient en outre que l'appel incident présenté par Mme B... soulève un litige distinct et est donc irrecevable.
Par un mémoire, enregistré le 19 décembre 2019, Mme B..., représentée par
Me Maumont, conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a fixé son taux d'invalidité à 40 % et à la réformation du même jugement en ce qu'il a fixé le point de départ du renouvellement de sa pension d'invalidité, et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la conversion à titre définitif de sa pension militaire d'invalidité, et d'ordonner cette conversion.
Elle soutient que :
- la ministre ne conteste pas, en appel, le jugement en ce qu'il a porté à juste titre son taux d'invalidité à 40 % ;
- en vertu de de l'article L. 8 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le point de départ du renouvellement d'une pension temporaire est fixé au lendemain de l'expiration de la période précédente et non au jour de la demande ;
- sa pension doit être convertie en pension définitive compte tenu du caractère en l'espèce incurable de son affection ; son état a été estimé consolidé avec séquelles.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Maumont, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., a souscrit un contrat d'engagement de cinq ans dans l'armée de terre à partir du 1er décembre 2009. Par un arrêté du 25 janvier 2016, elle s'est vue octroyer une pension militaire d'invalidité au taux de 30 % pour un syndrome dépressif majeur avec des éléments psycho-traumatiques directement en lien avec l'exercice de ses fonctions. Cette pension lui a été octroyée à titre temporaire pour une première période triennale allant du 4 décembre 2014
au 3 décembre 2016. Par un arrêté du 24 juillet 2017, le ministre des armées lui a accordé le renouvellement de sa pension militaire d'invalidité temporaire au taux de 30 %. Mme B... a saisi le tribunal des pensions militaires de Toulouse d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il maintenait son taux d'invalidité à 30 % et en ce qu'il ne portait pas conversion de sa pension temporaire en pension définitive. Par un jugement du 2 juillet 2019, le tribunal des pensions militaires de Toulouse a annulé l'arrêté du 24 juillet 2017 en tant qu'il fixe le taux d'invalidité à 30 %, a porté ce taux à 40 %, a ordonné au ministre des armées de liquider la pension concédée au taux de 40 % à compter du 19 mai 2016 et a rejeté le surplus de la demande de Mme B.... La ministre des armées relève appel de ce jugement en tant qu'il a fixé au 19 mai 2016 le point de départ de la liquidation ordonnée. Par la voie de l'appel incident, Mme B... conteste le même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la conversion de sa pension temporaire en pension définitive.
Sur l'appel principal de la ministre des armées :
2. Aux termes de l'article L. 7 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Il y a droit à pension définitive quand l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. Il y a droit à pension temporaire si elle n'est pas reconnue incurable ". Aux termes de l'article L. 8 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La pension temporaire est concédée pour trois années. Elle est renouvelable par périodes triennales après examens médicaux./Au cas où la ou les infirmités résultent uniquement de blessures, la situation du pensionné doit, dans un délai de trois ans, à compter du point de départ légal défini à l'article L. 6, être définitivement fixée soit par la conversion à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif, de la pension temporaire en pension définitive, sous réserve toutefois de l'application de l'article L. 29, soit, si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au degré indemnisable par la suppression de toute pension./Au cas où une infirmité, ouvrant droit à pension, associée ou non à d'autres, résulte de maladies, la pension temporaire est, à l'expiration de chaque période, soit renouvelée à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif, soit supprimée si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au degré indemnisable./Dans les mêmes conditions, la situation du pensionné temporaire doit, à l'expiration du délai de neuf ans qui suit le point de départ légal défini à l'article L. 6, être définitivement fixée soit par la conversion de la pension temporaire en pension définitive, sous réserve toutefois de l'application de l'article L. 29, soit par la suppression de toute pension(...)".
3. Il résulte de ces dispositions que le point de départ du renouvellement d'une pension temporaire concédée pour trois années doit être fixé au lendemain de l'expiration de la période précédente et que le taux d'invalidité afférent à la nouvelle période s'apprécie à cette même date. Par suite, et comme le soutient la ministre des armées, la pension temporaire concédée à Mme B... et dont le taux a été porté à 40 % par le jugement attaqué, qui n'est pas contesté sur ce point, doit être liquidée à compter, non pas du 19 mai 2016, correspondant à la demande de l'intéressée de renouvellement de cette pension, mais du 4 décembre 2016, soit le lendemain de l'expiration de la période triennale couverte par la pension concédée par arrêté du 24 juillet 2017.
4. La ministre des armées est fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement attaqué, et il y a lieu pour la cour, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de lui enjoindre de liquider la pension de Mme B... renouvelée au taux de 40 % à compter
du 4 décembre 2016.
Sur l'appel incident de Mme B... :
5. Pour rejeter les conclusions de Mme B... tendant à ce que sa pension temporaire soit convertie en pension définitive à l'issue de la première période triennale, les premiers juges ont rappelé qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, la situation du pensionné temporaire au titre d'une infirmité résultant de maladie ne doit être définitivement fixée qu'à l'expiration du délai de
neuf ans qui suit le point de départ de cette pension, et ont considéré qu'en l'espèce, le syndrome dépressif majeur avec des éléments psycho-traumatiques de Mme B... résultait, non pas d'une blessure, mais d'une maladie. En se bornant à faire valoir que sa pathologie serait incurable, sans caractériser en quoi elle se rattacherait à une blessure, Mme B... ne critique pas utilement les motifs pertinemment retenus par les premiers juges, qu'il y a lieu d'adopter, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la ministre des armées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est enjoint à la ministre des armées de liquider la pension militaire d'invalidité temporaire de Mme B... renouvelée au taux de 40 % à compter du 4 décembre 2016.
Article 2 : Le jugement n°17/00029 du 2 juillet 2019 du tribunal des pensions de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'appel incident de Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03938