CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03532, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 décembre 2021
Num19PA03532
JuridictionParis
Formation8ème chambre
PresidentM. LE GOFF
RapporteurMme Aude COLLET
CommissaireMme BERNARD

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " séquelles de gelure du pied droit " et " séquelles de gelure du pied gauche ".

Par jugement n° 17/00005 du 6 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016 et a accordé à M. C... une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % à compter du
9 avril 2015.




Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 novembre 2019, la ministre des armées demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 17/00005 du 6 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ;

2°) de confirmer la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016.

Elle soutient que :

- même si les deux affections dont souffre M. C... concernent la marche, elles constituent deux infirmités décrites distinctement au guide-barème des invalidités applicables au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dont l'évaluation doit être faite selon les règles prévues par l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et n'ouvrent droit à indemnisation qu'à condition d'entraîner un taux d'invalidité au moins égal à 10 % ainsi que l'exige l'article L. 121-4 du même code ;
- le tribunal des pensions militaires d'invalidité a méconnu l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en groupant en une seule infirmité les infirmités " séquelles de gelure du pied droit " et " séquelles de gelure du pied gauche " afin d'obtenir un taux de 15 % par addition pure et simple des taux précédemment définis.

La requête a été transmise à M. C... qui n'a pas produit d'observations.

Par ordonnance du 2 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
4 octobre 2021 à 12h.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.








Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 1er janvier 1935, engagé volontaire pour quatre ans le 18 novembre 1955 au titre du bataillon autonome du Niger pour le service général des tirailleurs, a servi au Sénégal et en Algérie et a été rayé des contrôles de l'armée le 6 mai 1964. Le 9 avril 2015, il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour des gelures au niveau des orteils des deux pieds survenues lors d'une marche effectuée de nuit au cours de l'hiver 1958. Par une décision du 25 novembre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande aux motifs que chacune des infirmités " séquelles de gelure du pied droit " et " séquelles de gelure du pied gauche " ne dépasse pas le minimum indemnisable de 10 %. Par un recours enregistré le 20 mars 2017,
M. C... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'un recours contre cette décision, lequel a ordonné le 6 avril 2018 une expertise, confiée au docteur A..., qui a rendu son rapport le 28 février 2019. Par jugement n° 17/00005 du 6 septembre 2019, dont la ministre des armées relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016 et a accordé à M. C... une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % à compter du 9 avril 2015.

2. Aux termes de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur à la date de la demande, devenu l'article L. 125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour les alinéas 1, 2 et 3 : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante. / A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. Tous les calculs d'infirmités multiples prévus par le présent code, par les barèmes et textes d'application doivent être établis conformément aux dispositions de l'alinéa premier du présent article sauf dans les cas visés à l'article L. 15 ". Cette disposition est applicable à toutes les infirmités mentionnées d'une façon distincte par le guide-barème alors prévu à l'article L. 9 de ce code, qu'elles proviennent ou non d'une même cause. En outre, l'article L. 15 du même code alors en vigueur, devenu l'article L. 125-9 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dispose que : " Par dérogation aux dispositions du quatrième alinéa de l'article
L. 14, doivent s'ajouter arithmétiquement, au pourcentage d'invalidité des infirmités siégeant sur un membre, les troubles indemnisés sous forme de majoration au guide-barème visé par l'article L. 9. (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que le mode dérogatoire de décompte arithmétique des pourcentages d'invalidité qu'elles instituent n'est applicable que si les troubles indemnisés en principe sous forme de majoration au guide-barème siègent sur le même membre que celui de l'infirmité à laquelle ils se rattachent. S'ils ne siègent pas sur le même membre, le fait que ces troubles soient mentionnés d'une façon distincte par le guide-barème implique leur constitution en infirmité unique et qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 14.

3. Il résulte de l'instruction que les " séquelles de gelure du pied droit " et " séquelles de gelure du pied gauche " dont souffre M. C... concernent deux membres inférieurs distincts. Or, les affections susceptibles de constituer des infirmités ouvrant droit en application du guide-barème sont décrites par membre dans ce dernier et sont ainsi constitutives d'infirmités distinctes, alors même que ces affections peuvent résulter d'une même cause. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal des pensions militaires d'invalidité s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour considérer que, dès lors que les lésions observées aux pieds gauche et droit de M. C... correspondent à une même gêne fonctionnelle et que pour se déplacer en marchant, il est nécessaire d'avoir deux pieds valides, il est possible de retenir un taux global d'invalidité de 15 %, en additionnant le taux de 8 % attribué au niveau du pied gauche et de 7 % au niveau du pied droit pour grouper ainsi ces affections en une seule infirmité.

4. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, sur ce motif, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a annulé la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016 et a accordé à M. C... une pension militaire d'invalidité au taux de 15 % à compter du 9 avril 2015.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris.

6. Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur, devenu l'article L. 121-4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 % (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que le docteur B..., médecin expert, a, à l'issue des examens des 16 mars 2016 et 7 juin 2016, effectué une évaluation uniquement globale du déficit fonctionnel permanent résultant des séquelles des gelures aux deux pieds de M. C... en proposant de retenir un taux de 15 % sans distinguer chaque pied. Dans son avis du 13 octobre 2016, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du centre d'expertise médicale et de commissions de réforme sur le droit à pension d'invalidité a, quant à lui, proposé un taux inférieur au minimum indemnisable de 10 % au titre de chacune des infirmités " séquelles de gelure du pied droit " et " séquelles de gelure du pied gauche " et le docteur A..., dans son rapport remis le
28 février 2019 au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, a retenu un taux de 8 % au niveau du pied gauche et de 7 % au niveau du pied droit. Ces taux, qui se rattachent comme il indique au point 4 du présent arrêt à deux infirmités distinctes et ainsi ne peuvent pas s'ajouter arithmétiquement, sont inférieurs au minimum de 10 % ouvrant droit à indemnisation prévu par l'article L. 4 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du
6 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris et de rejeter la demande de première instance de M. C....

DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 17/00005 du 6 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... formée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 25 novembre 2016 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.


La rapporteure,




A. COLLET Le président,




R. LE GOFF
La greffière,




E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03532