CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03888, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision de la ministre des armées du 14 juin 2018 rejetant sa demande de révision de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité nouvelle " discopathies dégénératives des quatre derniers étages lombaires avec canal lombaire étroit L4-L5 par arthrose interapophysaire postérieure : lombalgies avec sciatique tronquée, raideur rachidienne légère, pas de trouble neurologique ".
Par un jugement n° 18/00028 du 27 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a déclaré recevable la requête de M. B... et a ordonné, avant-dire droit, une mesure d'expertise médico-judiciaire confiée au docteur A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 2 décembre 2019, 4 janvier 2021 et 22 novembre 2021, la ministre des armées demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ;
2°) de décider que la mesure d'instruction médico-judiciaire confiée au docteur A... est caduque ;
3°) de confirmer la décision de la ministre des armées du 14 juin 2018.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des articles R. 421-5 du code de justice administrative et R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le tribunal a relevé que le demandeur n'avait pas indiqué les moyens invoqués en méconnaissance de l'article R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, mais a considéré que l'administration n'a pas porté l'exigence de motivation à sa connaissance ;
- la nécessité de motiver la requête n'a pas, en application de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, à figurer parmi les mentions obligatoires de notification des décisions administratives ;
- l'information selon laquelle la requête doit être motivée au sens de l'article R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne constitue pas une mention obligatoire de la notification d'une décision rejetant une demande de pension militaire d'invalidité ;
- en raison de l'irrecevabilité de la requête formée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris, la mission confiée à l'expert n'a plus d'objet.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Mankou, conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision de la ministre des armées du 14 juin 2018 a été irrégulièrement notifiée dès lors qu'elle ne l'a pas informé de la nécessité de motiver son recours en présentant des arguments de fait et de droit dont le défaut entraînerait le rejet pour irrecevabilité de sa requête devant le tribunal de pension militaires d'invalidité en méconnaissance de l'article R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- l'absence de cette mention obligatoire dans la notification de la décision du
14 juin 2018 entraîne l'inopposabilité du défaut de motivation de sa requête de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 7 avril 2021.
Un mémoire a été enregistré le 3 décembre 2021 pour M. B..., après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., né le 8 octobre 1975, appelé du contingent à compter du
10 janvier 2001, a servi dans l'armée de terre et a été radié des contrôles le 6 novembre 2017 au grade de caporal. Suite à une blessure, imputable au service en application du décret du 10 janvier 1992, survenue lors d'une opération extérieure en Haïti en 2010 et constatée par preuve, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée par arrêté du 24 novembre 2014 au taux de 15 % au titre de l'infirmité " Stress post-traumatique. Reviviscence de scènes traumatiques. Troubles du sommeil ". Le 21 avril 2016, il a sollicité la révision de sa pension pour prise en compte d'une infirmité nouvelle, à savoir " discopathies dégénératives des quatre derniers étages lombaires avec canal lombaire étroit L4-L5 par arthrose interapophysaire postérieure : lombalgies avec sciatique tronquée, raideur rachidienne légère, pas de trouble neurologique ". Par une décision du
14 juin 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande aux motifs que la preuve d'imputabilité n'est pas établie, que la présomption d'imputabilité ne peut s'appliquer et que cette affection est une maladie arthrosique sans lien avec l'accident de service du 19 juin 2009. Par un recours enregistré le 16 juillet 2018, M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'un recours contre cette décision. Par un jugement du 27 septembre 2019, le tribunal a déclaré recevable la requête de M. B... et a ordonné, avant-dire droit, une mesure d'expertise médico-judiciaire confiée au docteur A.... La ministre des armées relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 731-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors en vigueur : " la procédure devant les juridictions des pensions est régie par les dispositions du présent code, par celles du code de procédure civile auxquelles les dispositions du présent code renvoient expressément et, dans le silence du présent code, par les règles générales de procédure applicables aux juridictions administratives ". Aux termes de l'article R. 731-2 du même code, alors en vigueur : " Sous réserve du cas des recours en révision prévus par l'article L. 154-4, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II du présent code sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions. / Le cas échéant, les délais supplémentaires de distance fixés aux articles 643 et 644 du code de procédure civile s'ajoutent au délai mentionné au présent article ". Selon l'article R. 731-3 du même code alors en vigueur, " le tribunal est saisi d'une requête remise au greffe ou adressée au greffe par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. / Cette requête doit indiquer les nom, prénoms, profession et domicile du demandeur. Elle précise l'objet de la demande et les moyens invoqués sous peine d'irrecevabilité (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre que la demande de première instance doit contenir l'énoncé des conclusions et moyens soumis au juge ou être motivée au plus tard dans le délai prévu à l'article R. 732-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
4. M. B..., qui a déposé le 16 juillet 2018 devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris un recours contre la décision du 14 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour une infirmité nouvelle, s'est borné à indiquer dans sa demande : " suite au rejet de ma demande de pension militaire d'invalidité, je souhaite saisir votre Tribunal. Ci-joint la décision de rejet me concernant ". Si le tribunal a considéré que M. B... n'indiquait pas dans son recours les moyens invoqués et contrevenait ainsi aux dispositions de l'article R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il a jugé le recours recevable au motif que la décision du 14 juin 2018 de la ministre des armées " ne fait pas allusion aux dispositions de l'article R. 731-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et ne précise pas l'obligation de motiver la requête ". Dès lors que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de prévoir une obligation pour l'administration d'informer le destinataire d'une décision qu'il doit motiver sa demande en cas de recours, la ministre des armées, dont la décision notifiée à l'intéressé comportait l'indication des délais et voies de recours contentieux prévue, dans le silence du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, par les règles générales applicables aux juridictions administratives, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a déclaré recevable la demande de M. B....
5. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en toutes ses dispositions.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au profit du conseil de M. B..., la somme demandée au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 18/00028 du 27 septembre 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées.
Copie en sera adressée au tribunal administratif de Paris.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03888