CAA de NANTES, 6ème chambre, 15/03/2022, 20NT02608, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision15 mars 2022
Num20NT02608
JuridictionNantes
Formation6ème chambre
PresidentM. GASPON
RapporteurM. Olivier COIFFET
CommissaireMme MALINGUE
AvocatsCLAISE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, le contentieux des pensions militaires d'invalidité a été transféré au tribunal administratif. La requête de M. A... B... a été transférée et enregistrée au tribunal administratif de Rennes le 1er novembre 2019 sous le numéro 1905515.

Par une saisine et des mémoires, enregistrés le 4 février 2016, le 19 juillet 2017, le
22 février 2018 et le 16 mars 2020, M. B..., a demandé à ce tribunal l'annulation de la décision du 21 août 2015 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 1905515 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 et 25 août 2020 au greffe de la cour, M. B..., représenté par Me Claise, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 21 août 2015 du ministre de la défense ;

3°) de dire que le tribunal administratif de Rennes est matériellement incompétent pour connaitre du litige, s'agissant d'une demande d'indemnisation des conséquences d'un accident de circulation, au profit du tribunal judiciaire de Rennes ;

4°) à défaut, d'ordonner une expertise médicale permettant de fixer le taux relatif à l'aggravation de son état de santé ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme totale de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif s'est déclaré compétent pour se prononcer sur le litige qui lui était soumis alors qu'il relève exclusivement du juge judiciaire ;
- la ministre des armées était incompétente pour apprécier sa demande de complément de pension ;
- se demande de complément de pension est justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute d'être motivée dans le délai de recours contentieux ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet ;
- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.


Considérant ce qui suit :

1. M. B..., alors âgé de dix ans, a perdu totalement la vision de l'œil gauche à la suite d'une blessure causée par un véhicule militaire lors d'un accident de circulation survenu en Algérie le 19 juillet 1959. Par une décision du 17 août 1964, la somme de 48 250 francs lui a été accordée en réparation du préjudice subi du fait de cet accident puis, par une seconde décision du 7 décembre 1972, une indemnité complémentaire de 14 100 francs lui a été versée du fait de l'aggravation des blessures consécutives à l'accident en cause. Il est constant qu'à partir du mois de février 1975 et à plusieurs reprises depuis, M. B... s'est adressé au ministère des armées en invoquant une aggravation de son état de santé pour " obtenir une révision de sa pension ". Par une décision du 22 juin 2005, le bureau du contentieux indemnitaire de la direction des affaires juridiques du ministère de la défense a rejeté sa demande de révision aux motifs que le certificat médical du docteur S., que M. B... avait transmis le 30 mai 2005, ne permettait pas, en comparaison des expertises de 1972 et de 1975, de mettre en exergue une majoration de la perte totale de l'œil gauche. Par une lettre du 10 août 2005, M. B... a alors, sur la base d'une attestation médicale, indiqué au ministère qu'une intervention chirurgicale était nécessaire pour procéder à la réfection de la cavité oculaire et au remplacement de la prothèse oculaire. Après instruction, l'administration militaire a, par un courrier du 18 octobre 2005 demeuré sans réponse, indiqué à l'intéressé que les frais relatifs aux interventions en cause, seraient pris en charge et remboursés sur justificatifs. Par une demande enregistrée le 2 septembre 2013, versée aux débats, M. B... a informé la sous-direction des pensions du ministère qu'à la date du 12 août 2013, " la prothèse oculaire gauche était mal supportée associée à une sécheresse oculaire " et a sollicité, au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le bénéfice d'une pension en qualité de victime civile pour les infirmités " énucléation œil gauche " et " acuité visuelle œil droit ".

2. Par une décision ministérielle du 21 août 2015, la demande de pension a été rejetée aux motifs qu'il n'est pas établi que " les infirmités énucléation œil gauche ; prothèse en place " et " acuité visuelle œil droit 10/10ème, cristallin clair et présence de corps flottants vitréens, nodule choroïdien temporal " soient la conséquence d'un " attentat ou d'un acte de violence en relation avec les événements " qui se sont déroulés en Algérie , conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963.

3. M. B... a alors saisi, le 28 janvier 2016, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2015 et au versement d'une pension d'invalidité en qualité de victime civile. Le tribunal administratif de Rennes, auquel le litige a été transféré par application des dispositions de la loi susvisée du 13 juillet 2018, a rejeté les demandes de M. B.... Ce dernier relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Si M. B... soutient de nouveau en appel que son recours doit être regardé comme un recours devant le juge judiciaire auquel il convient de transmettre le dossier, il résulte de l'instruction que l'intéressé, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, a présenté le 2 septembre 2013 une demande tendant au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité et qu'il conteste la décision de refus du 21 août 2015 qui lui a été adressée en réponse à sa demande. Il résulte des dispositions de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre que les contestations relatives aux décisions prises en application de ce code relevaient de la compétence du tribunal des pensions et que ce contentieux, par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, a été transféré au tribunal administratif. Il s'ensuit que le tribunal administratif de Rennes, territorialement compétent, était bien le tribunal compétent pour statuer sur la demande d'annulation de la décision de rejet de la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B.... Le jugement attaqué n'est, par suite, entaché d'aucune irrégularité et les conclusions tendant à ce que le dossier soit transmis au juge judiciaire, que M. B... réitère en appel, ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article 13 de la loi 31 juillet 1963, alors en vigueur : " Les personnes de nationalité française à la date de promulgation de la présente loi ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu'au 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements survenus sur ce territoire ont, ainsi que leurs ayants cause, droit à pension. ".

6. Il résulte de l'instruction que M. B..., alors enfant, a été victime d'un accident de la circulation involontairement provoqué par le conducteur d'un véhicule militaire en mission de déplacement. Un tel accident ne peut, ainsi que l'ont justement apprécié les premiers juges, être regardé comme un acte de violence lié à une action offensive ou défensive des forces armées au sens de la loi du 31 juillet 1963. La circonstance que l'intéressé a pu bénéficier d'une réparation des conséquences de cet accident par l'Etat demeure à cet égard sans incidence. Dès lors, le ministre de la défense a pu, à bon droit, par la décision contestée du 21 août 2015 rejeter la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B....
7. M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 21 août 2015 du ministre de la défense rejetant sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité.
Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 25 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.








Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX









La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



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