CAA de DOUAI, 3ème chambre, 03/03/2022, 21DA00904, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés des 6 novembre 2018 et 14 mai 2019 par lesquels le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a rejeté ses demandes tendant à la reconnaissance, comme accident de service, des faits survenus le 10 novembre 2011, d'annuler l'avis de la commission de réforme du 25 mars 2019 et d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération Amiens métropole de reconnaître comme imputable au service son congé de maladie du 10 novembre 2011 au 13 janvier 2012.
Par un jugement n° 1900042 et 1902347 du 24 février 2021, le tribunal administratif d'Amiens a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2018 et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2021, Mme B..., représentée par Me Enguéléguélé puis par Me Delavenne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a rejeté sa demande tendant à ce que les faits survenus le 10 novembre 2011 soient reconnus comme un accident de service ;
3°) de reconnaître comme imputables au service ses difficultés ayant donné lieu au congé de maladie du 10 novembre 2011 au 13 janvier 2012 ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Amiens métropole la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., titulaire du grade d'assistante socio-éducative de la fonction publique territoriale, a occupé le poste de conseillère sociale au sein du pôle accueil du secteur Ouest d'Amiens avant d'être affectée, à compter du 5 avril 2012, en tant qu'assistante sociale au sein du service de santé au travail de la direction des ressources humaines de la communauté d'agglomération Amiens métropole. Par un courrier du 16 septembre 2014, elle a demandé à la communauté d'agglomération Amiens métropole de reconnaître les faits survenus le 10 novembre 2011 comme accident de service et l'imputabilité au service de son congé de maladie ordinaire du 10 novembre 2011 au 13 janvier 2012. Par une décision du 2 décembre 2014, le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a rejeté sa demande en raison de la tardiveté de la déclaration de l'accident de service et de l'impossibilité en résultant d'établir un lien avec le service. Cette décision a été annulée par un jugement n° 1500392 du 1er décembre 2017 du tribunal administratif d'Amiens devenu définitif. A la suite de ce jugement, la communauté d'agglomération Amiens métropole a saisi la commission de réforme qui a émis, le 26 septembre 2018, un avis défavorable aux demandes de Mme B.... Par un arrêté du 6 novembre 2018, le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a refusé de reconnaître comme accident de service les faits survenus le 10 novembre 2011 et déclaré non imputable au service le congé de maladie du 10 novembre 2011 au 13 janvier 2012 de l'intéressée. La communauté d'agglomération Amiens métropole a, par courrier du 18 mars 2019, informé Mme B... qu'elle avait saisi une seconde fois la commission de réforme qui a rendu, le 25 mars 2019, un nouvel avis défavorable à la demande de l'intéressée. Par un arrêté du 14 mai 2019, le président de la communauté d'agglomération Amiens métropole a de nouveau refusé de reconnaître comme accident de service les faits survenus le 10 novembre 2011 et l'imputabilité au service du congé de maladie ordinaire du 10 novembre 2011 au 13 janvier 2012 de l'intéressée. Mme B... relève appel du jugement du 24 février 2021 en tant que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2019.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Cette commission comprend : 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ".
3. Il résulte des articles 3 et 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière que, dans les cas où il est manifeste, au vu des éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par un agent est nécessaire pour éclairer l'examen de son cas, l'absence d'un tel spécialiste doit être regardée comme privant l'intéressé d'une garantie et comme entachant la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas manifeste, au vu des éléments dont disposait la commission de réforme dans sa séance du 26 septembre 2018, et notamment de l'expertise psychiatrique du docteur C..., que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par Mme B..., à la suite de l'accident de service dont elle indique avoir fait l'objet le 10 novembre 2011, était nécessaire pour éclairer l'examen de son cas lors de l'avis que la commission de réforme a rendu ce jour. En tout état de cause, il ressort du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 25 mars 2019, qui s'est à nouveau prononcée sur la situation de Mme B..., qu'elle était composée, outre de deux médecins généralistes, d'un médecin psychiatre. Enfin, l'absence d'enquête administrative réalisée par la communauté d'agglomération Amiens métropole est sans incidence sur la faculté pour la commission de réforme de se prononcer en toute connaissance de cause sur la situation de l'appelante. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en date du 14 mai 2019 est entaché d'un vice de procédure. Par suite, ce moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la circonstance que la communauté d'agglomération Amiens métropole n'a pas réalisé d'enquête administrative sur les circonstances de l'accident allégué ne suffit pas à faire considérer, compte-tenu des autres éléments du dossier, qu'elle ne se serait pas livrée à un examen particulier de la situation de Mme B.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, et notamment du courrier accompagnant l'arrêté en litige, que la communauté d'agglomération Amiens métropole se serait sentie liée par l'avis rendu par la commission de réforme le 25 mars 2019 pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident que Mme B... soutient avoir subi. Par suite, ce moyen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
8. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Cet article n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que l'article 57 de la loi du 26 janvier 1986 dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est demeuré applicable jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. Par suite et dès lors que les faits invoqués par Mme B... sont survenus le 10 novembre 2011, elle ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
9. En cinquième lieu, constitue un accident de service, pour l'application des dispositions citées au point 7, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.
10. Il ressort des pièces du dossier que, le 10 novembre 2011, un entretien s'est déroulé dans le bureau du directeur du service " proximité " de la communauté d'agglomération Amiens métropole en présence de celui-ci, de la cheffe du pôle " accueil ", de son adjoint, de deux délégués syndicaux et de Mme B... pour évoquer les conditions de travail de cette dernière. Si elle soutient que sa supérieure hiérarchique, la cheffe du pôle " accueil ", a fait preuve, au cours de cet échange, de déni et de dédain à son encontre, elle ne l'établit pas ni, en tout état de cause, n'établit que le comportement et les propos en litige auraient excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dans ces conditions, et quand bien même Mme B... ne se sentait pas bien à l'issue de cet entretien, ainsi que cela ressort de l'attestation rédigée par l'un des délégués syndicaux présents, et qu'elle a ensuite été placée en arrêt de travail, les faits survenus le 10 novembre 2011 ne sauraient être regardés comme constitutifs d'un accident de service. Enfin, les faits de souffrance au travail qu'elle mentionne pour elle-même et pour d'autres collègues du pôle " accueil " du secteur Ouest d'Amiens ainsi que son changement d'affectation à compter du 5 avril 2012 sont sans incidence sur la qualification juridique des faits survenus au cours de l'entretien du 10 novembre 2011. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché l'arrêté du 14 mai 2019 en litige doit être écarté.
11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment de ce qui a été dit précédemment, que le détournement de procédure et de pouvoir allégué serait établi. Par suite, ce moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par Mme B... à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Amiens métropole qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par la communauté d'agglomération Amiens métropole au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Amiens métropole au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la communauté d'agglomération Amiens métropole.
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