CAA de LYON, 7ème chambre, 31/03/2022, 21LY01234, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 21 mai 2019, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité, subsidiairement d'ordonner une expertise médicale.
Par un jugement n° 1907339 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2021, M. A..., représenté par Me Bouhalassa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 décembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 21 mai 2019, subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer ses préjudices et le lien de causalité entre ceux-ci et son état de santé ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par son conseil à la part participative de l'État à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- il remplit les conditions posées par l'article L. 124-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en ce qu'il a été victime, par les conditions de vie de sa famille sous l'occupation dans sa prime enfance, de faits de guerre ;
- ces faits, qui l'ont conduit à subir des privations dans un contexte anxiogène d'exactions, sont à l'origine de ses infirmités ;
- il en justifie par les témoignages produits ;
- il justifie de pathologies neurologiques et cardio-respiratoires graves constituant une infirmité ;
- une expertise à fin de déterminer l'étendue de cette dernière et le lien avec les faits qu'il invoque se justifie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le lien entre l'infirmité alléguée et le service, qu'il appartient à M. A... d'établir, n'est pas admis par l'administration ;
- M. A... n'établit pas le lien entre ses infirmités et les faits qu'il allègue, non plus que la réalité de ces derniers.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1 M. B... A... est né en janvier 1944 dans une ferme située au voisinage immédiat d'un cantonnement de l'armée d'occupation. Attribuant des pathologies dont il souffre de longue date aux privations et aux exactions anxiogènes qui ont marqué ces circonstances de sa prime enfance, il a sollicité le 26 février 2019 l'attribution d'une pension militaire d'invalidité au titre de victime de faits de guerre. Par une décision du 21 mai 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande. M. A... fait appel du jugement du 28 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté son recours contre ce refus.
2 Aux termes de l'article L. 113-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Bénéficient des dispositions du présent livre, sous réserve qu'ils ne relèvent pas des dispositions relatives aux militaires et aux catégories assimilées :/1° Les Français ou ressortissants de territoires sous protectorat ou sous tutelle de la France, victimes d'un fait de guerre survenu sur le territoire français entre le 2 septembre 1939 et le 1er juin 1947 (...) ". Aux termes de l'article L. 124-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 113-1, sont réputés causés par des faits de guerre : / 1° Les blessures, mortelles ou non, reçues au cours des opérations militaires conduites par les armées alliées ou ennemies et qui ont été occasionnées par un fait précis dû à la proximité de l'ennemi ; / 2° Celles résultant d'actes de violence commis par l'ennemi ; / 3° Celles reçues au cours d'exécution de travaux imposés par l'ennemi, en captivité ou en pays envahi ; / 4° Les infirmités ou le décès résultant des maladies contractées pendant l'une des périodes mentionnées à l'article L. 113-1 qui ont pour cause : a) Des actes de violence commis par l'ennemi ou des contraintes arbitraires imposées par lui (...) ". Enfin, l'article L. 124-20 de ce code dispose que " Il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits prévus aux sections 1 et 2 du présent chapitre. "
3 A l'appui de sa demande, M. A... fait valoir que les troupes ennemies stationnées à proximité de la ferme où il est né durant l'occupation s'étaient livrées à des exactions et des prédations envers sa famille, lesquelles ont marqué sa prime enfance par des privations et un climat anxiogène. Toutefois, à supposer que ces faits, qui ne peuvent être regardés comme établis par les témoignages familiaux contemporains et rédigés en termes généraux produits à l'instance, soient avérés, les documents médicaux dont fait état M. A..., et qui se bornent à relater les éléments décrits par l'intéressé, ne sont pas de nature à établir un lien de causalité avec les pathologies neurologiques et cardio-vasculaires dont il souffre depuis l'âge respectivement de quarante-cinq et de vingt-cinq ans. La circonstance qu'il a été hospitalisé à l'âge de dix-neuf ans en 1963 lors des opérations de recensement en vue du service national, sans au demeurant que soit précisée l'origine de cette hospitalisation, n'est pas plus de nature à établir que les pathologies au titre desquelles il a sollicité une pension militaire d'invalidité trouvent leur origine dans les circonstances de guerre qui ont gouverné sa prime enfance.
4 Il résulte de ce qui précède que M. A..., sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande d'expertise, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête doit être rejetée, dont les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2022.
Le président, rapporteur,
D. Josserand-Jaillet
Le président assesseur,
Ph. Seillet
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY01234 2
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