CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 12/04/2022, 19TL24675, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Léguevin (Haute-Garonne) à l'indemniser d'une somme de 1 203 euros, correspondant à la perte de traitement qu'il a subie lors de son placement en demi-traitement entre le 1er octobre 2009 et le 31 janvier 2010, et de condamner cette même commune à lui payer la somme de 78 483,18 euros au titre du montant du prêt immobilier qu'il a contracté pour l'acquisition d'une propriété immobilière en raison de l'illégalité de l'arrêté du 10 août 2010 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite, lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire préalable.
Par un jugement n°1702442 du 10 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Léguevin à verser à M. A... la somme correspondant aux arriérés de rémunération à plein traitement dus entre le 1er octobre 2009 et le 31 janvier 2010, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande en paiement du requérant le 27 janvier 2017, mis à sa charge une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2019 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 19BX04675 puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 19TL24675, M. A..., représenté par Me Debaisieux, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n°1702442 du 10 mai 2019 en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de condamner la commune de Léguevin à lui verser la somme de 78 483,18 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de sa demande indemnitaire initiale ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Léguevin la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas tardive, dès lors qu'il a déposé une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de recours contentieux ;
- le tribunal a méconnu la portée des dispositions de l'article 30 du décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 dès lors que la mise à la retraite pour invalidité peut être prononcée d'office, à l'expiration des congés de longue maladie ou de longue durée dont l'agent peut bénéficier, ce qui est son cas ;
- il entre dans les prévisions de l'article 36 du même décret, que le tribunal a inexactement interprété, donnant droit à une pension de retraite de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et il incombait à son employeur de mettre en œuvre la procédure correspondante ;
- sa reprise d'activité a été très majoritairement induite par la décision de le placer en congé maladie ordinaire à la date de sa consolidation médico-légale, en méconnaissance de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; le poste sur lequel a été effectuée la reprise n'avait d'adapté que le nom ;
- le lien de causalité entre la privation de son droit à une retraite pour invalidité et l'illégalité des décisions du maire ne saurait être contesté ; il a été privé de la possibilité d'une prise en charge par l'assurance adossée à son prêt immobilier des mensualités d'amortissement de celui-ci en raison de sa mise à la retraite du fait de la limite d'âge et non pour invalidité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2020, la commune de Léguevin, représentée par la SCP Darribère, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les difficultés de M. A... pour régler les mensualités d'amortissement d'un emprunt contracté pour l'acquisition d'une maison de ville sont sans rapport avec sa position statutaire ;
- M. A... ne pouvait bénéficier d'une mise à la retraite pour invalidité, dès lors qu'il n'a pas été reconnu inapte définitivement à tout poste et qu'il a repris une activité compatible avec son état de santé.
Par une ordonnance du 1er septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er octobre 2021.
Par une ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A....
Par une décision du 3 octobre 2019, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 %.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Sylvie Cherrier, rapporteure publique,
- les observations de Me Debaisieux, représentant M. A..., et les observations de Me Darribère, représentant la commune de Léguevin.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., titularisé le 1er novembre 2000 dans le grade d'adjoint technique de 2ème classe, exerçait des fonctions d'agent d'entretien au sein des services de la commune de Léguevin (Haute-Garonne). Victime d'un accident de service survenu le 14 avril 2008, il a été placé en congé pour accident de service jusqu'au 29 juin 2009 puis en congé de maladie ordinaire jusqu'au 31 janvier 2010. A la suite de l'avis du comité médical départemental du 13 janvier 2010 favorable à une reprise à temps partiel thérapeutique à 50 %, M. A... a repris le travail sur un poste de vaguemestre du 1er février au 31 août 2010. L'intéressé a demandé à être admis à faire valoir ses droits à la retraite. Par un arrêté du 10 août 2010, le maire de Léguevin a admis M. A... à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2010 et l'a radié des cadres de la collectivité à compter de cette date. Sa réclamation indemnitaire préalable du 27 janvier 2017 ayant été implicitement rejetée, M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Léguevin à l'indemniser d'une somme de 1 203 euros, correspondant à la perte de traitement qu'il a subie lors de son placement en demi-traitement entre le 1er octobre 2009 et le 31 janvier 2010, et de condamner cette même commune à lui payer la somme de 78 483,18 euros au titre du montant du prêt immobilier qu'il a contracté pour l'acquisition d'une propriété immobilière en raison de l'illégalité de l'arrêté du 10 août 2010 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite. Le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune à verser à M. A... la somme correspondant aux arriérés de rémunération à plein traitement dus entre le 1er octobre 2009 et le 31 janvier 2010, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande en paiement du requérant le 27 janvier 2017, mis à sa charge une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. (...) ". Aux termes de l'article 31 de ce décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) / La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales peut, à tout moment, obtenir la communication du dossier complet de l'intéressé, y compris les pièces médicales. Tous renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis au présent titre pourront être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs dépendant de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision ainsi qu'à ceux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) ". Aux termes de l'article 36 de ce décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. ". Aux termes de l'article 39 de ce décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire territorial, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d'office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme.
4. D'autre part, il résulte des dispositions combinées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, de l'article 81 de cette loi et des articles 30 et 36 du décret précité que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, et qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation.
5. Il résulte de l'instruction que M. A... a subi un accident imputable au service, le 14 avril 2008, et qu'il a en conséquence été placé en congé pour accident de service puis en congé de maladie ordinaire pour la période du 14 avril 2008 au 31 janvier 2010. Il a conservé des séquelles de cet accident, évaluées à un taux d'incapacité permanente partielle fixé à 15 %. Le rapport médical du docteur C... du 27 juillet 2009 a conclu à l'inaptitude de M. A... à l'exercice de sa profession mais à son aptitude à un reclassement après avis du médecin du travail. Ce dernier a suggéré, le 31 août 2009, à l'issue d'une visite médicale, une reprise du travail à temps partiel thérapeutique. M. A... a alors sollicité cette reprise par une lettre du 12 octobre 2009. Le comité médical départemental, réuni le 13 janvier 2010, s'est prononcé en faveur d'une reprise du travail à temps partiel thérapeutique à 50 % à compter du 13 janvier 2010 puis de son renouvellement jusqu'au 31 août 2010, veille de la mise à la retraite pour ancienneté d'âge et de service de M. A..., dans un second avis du 20 mai 2010. Le 12 mars 2010, la commission départementale de réforme a, quant à elle, estimé l'agent inapte à l'exercice de sa profession actuelle.
6. M. A... n'apporte aucun élément de nature à infirmer l'avis de la commission de réforme qui ne l'a pas déclaré définitivement inapte à tout emploi. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir qu'il devait être mis à la retraite d'office pour invalidité, en application de l'article 30 du décret précité. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'intéressé a fait l'objet d'une affectation en raison de son état de santé puisqu'il a repris une activité à temps partiel sur un poste de vaguemestre dont il n'est pas établi qu'il aurait été inadapté à son état. Il n'est pas non plus établi que les séquelles de son accident de service, évaluées à 15 % avant sa mise à la retraite, auraient été de nature à justifier une mise à la retraite anticipée pour invalidité. Par suite, M. A... n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il devait être mis à la retraite par anticipation en application de l'article 36 du décret précité.
7. Il résulte de ce qui précède qu'en ne prononçant pas son admission à la retraite pour invalidité, le maire n'a pas commis d'illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune de Léguevin à l'égard de M. A.... Par suite, M. A..., qui ne précise pas, par ailleurs, quelle information relative à sa situation au regard des textes législatifs et réglementaires relatifs aux pensions civiles et militaires ne lui aurait pas été délivrée, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande de réparation du préjudice financier constitué par l'absence de prise en charge par l'assurance invalidité de son prêt immobilier des mensualités d'amortissement de ce prêt.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Léguevin, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Léguevin présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Léguevin tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Léguevin.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
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N°19TL24675