CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 30/06/2022, 21BX01082, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de La Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013.
Par jugement n° 2000180 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de La Martinique a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2021, M. A... et Mme B..., représentés par Me Bette, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Martinique du 10 décembre 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le remboursement des indemnités kilométriques rentre dans le champ du 1° de l'article 81 du code général des impôts et non du a de l'article 80 ter du même code ;
- les frais de restauration, voyages et déplacements remis en cause constituent des charges qui ont été effectivement engagées dans l'intérêt de l'exploitation et ne constituent donc pas un avantage particulier consenti à M. A... ;
- ces remboursements ne peuvent être imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, dès lors qu'ils constituent des compléments de rémunération ;
- le quotient familial doit tenir compte de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, qui reconnaît à Mme B... un taux de 80 % ;
- s'agissant des pénalités, l'administration ne justifie pas du caractère délibéré des manquements ;
- la majoration est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements intervenus en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête, et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... H...,
- et les conclusions de Mme C... G....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A... est gérant salarié de la SARL 2AS. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur les années 2011 à 2013, à l'issue de laquelle le service a diligenté une procédure d'examen de la situation fiscale personnelle de M. A... et de son épouse, Mme B..., au titre des années 2012 et 2013, et de contrôle sur pièces, au titre de l'année 2013. Les rectifications d'impôt sur le revenu envisagées ont été portées à leur connaissance par des propositions de rectification des 22 décembre 2014, 27 février 2015 et 4 mars 2015. M. A... et Mme B... relèvent appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de La Martinique a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décisions du 6 octobre 2021, postérieures à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement, en principal et majorations, à concurrence d'une somme de 17 694 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge des requérants au titre des années 2011 à 2013, et relatives à l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers des frais de restauration, voyages et déplacements. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions
S'agissant des indemnités kilométriques :
3. Aux termes de l'article 80 ter du code général des impôts : " a. Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 81 du même code : " Sont affranchis de l'impôt : / 1° Les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet. (...) ".
4. Les dirigeants de sociétés mentionnés à l'article 80 ter du code général des impôts qui entendent bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées du 1° de l'article 81 à raison de sommes que leur a versées leur entreprise, doivent être en mesure de justifier que ces sommes ne constituent pas des allocations forfaitaires et viennent en remboursement de frais effectivement exposés.
5. Lors de la vérification de comptabilité de la SARL 2AS, dont M. A... est le gérant salarié, le vérificateur a constaté que la société lui avait versé des sommes en remboursement de frais engagés lors de déplacements effectués avec son véhicule personnel, calculés en application du barème kilométrique. Si, ainsi que le soutiennent les requérants, l'utilisation d'un tel barème n'a pas, par elle-même, pour effet de conférer aux indemnités ainsi calculées un caractère forfaitaire, toutefois, les requérants n'apportent aucun justificatif relatif aux dates, objets et importance des déplacements correspondants. Dans ces conditions, les frais afférents à ces déplacements ne peuvent être regardés comme justifiés, et les remboursements qui en ont été faits à M. A... sous forme d'indemnités revêtent, dès lors, un caractère forfaitaire au sens des dispositions de l'article 80 ter du code général des impôts. C'est par suite à bon droit que le service a considéré qu'ils constituaient des compléments de rémunération imposables dans la catégorie des traitements et salaires.
6. Les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée BOI-RSA-CHAMP-20-50-10-20 qui ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle qui est faite dans le présent arrêt.
S'agissant du quotient familial :
7. Aux termes de l'article 194 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en cause : " 1. (...) le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n'ayant pas d'enfant à leur charge, exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables : (...) c. Sont titulaires, soit pour une invalidité de 40 % ou au-dessus, soit à titre de veuve, d'une pension prévue par les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre reproduisant celles des lois des 31 mars et 24 juin 1919 ; / d. Sont titulaires d'une pension d'invalidité pour accident du travail de 40 % ou au-dessus ; / d bis. Sont titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles ; (...) 4. Le quotient familial prévu à l'article 194 est augmenté d'une part pour les contribuables mariés invalides lorsque chacun des conjoints remplit l'une des conditions fixées aux c, d et d bis du 1 ". L'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable aux années en cause, dispose : " Une carte d'invalidité est délivrée à titre définitif ou pour une durée déterminée par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est au moins de 80 %, apprécié suivant des référentiels définis par voie réglementaire, ou qui a été classée en 3e catégorie de la pension d'invalidité de la sécurité sociale. (...) ".
8. Il résulte de l'instruction qu'au titre des années 2012 et 2013, le service a constaté que les intéressés avaient déclaré un quotient familial de trois parts, au motif qu'ils étaient tous deux titulaires d'une carte d'invalidité d'au moins 80 %. En réponse à une demande de renseignements, les époux ont présenté la carte d'invalidité de M. A..., faisant état d'un taux d'invalidité de 80 %, mais aucun document faisant état du pourcentage d'invalidité de Mme B... n'a été présenté. Par suite, le service a ramené le quotient familial de trois parts à deux parts et demi. Si les requérants se prévalent de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 25 mai 2012, cette décision reconnaît à Mme B... un taux d'incapacité entre 50 et 80 %, et décide de lui attribuer la carte de priorité pour personne handicapée. Mme B..., dont le taux d'invalidité ainsi reconnu est inférieur à 80 %, ne justifie pas être titulaire de la carte d'invalidité de l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que leur impôt sur le revenu doit être calculé en retenant un quotient familial de trois parts.
En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
10. Il résulte de l'instruction qu'au titre des trois années en cause, le service a constaté que les requérants n'avaient pas déclaré des revenus distribués, consistant en la prise en charge par la SARL 2AS de dépenses personnelles leur incombant, telles que les cotisations d'assurance d'un logement dont ils sont propriétaires, les cotisations de leurs assurances santé ou encore leur adhésion annuelle au Rotary club. Le service a également constaté que M. A... et Mme B... avaient perçu des revenus fonciers, à concurrence de 80 107 euros au titre de l'année 2011 et de 80 382 euros pour 2012, qu'ils n'avaient pas davantage déclarés. L'administration a assorti les rectifications d'impôt sur le revenu de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.
11. En premier lieu, dans les propositions de rectification adressées aux contribuables, le service, après avoir cité les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, relève que M. A..., en sa qualité de gérant et associé à hauteur de 36 % des parts sociales, ne pouvait ignorer le caractère personnel des dépenses prises en charge par la société, et que les contribuables ne pouvaient ignorer que le caractère imposable des revenus fonciers. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de la majoration pour manquement délibéré doit être écarté.
12. En second lieu, eu égard à cette motivation, le service doit être regardé comme apportant la preuve de l'intention délibérée d'éluder l'impôt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante au principal dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence des dégrèvements, de 17 694 euros au total, intervenus en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et Mme D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
La rapporteure,
Frédérique H... Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX01082