CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/07/2022, 21MA02116, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 11 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " syndrome myélodysplasique ", et d'ordonner avant dire droit une expertise médicale.
Par un jugement n° 1901515 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 juin 2021, M. B..., représenté par Me Elgart, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 avril 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 11 octobre 2018 par laquelle la ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " syndrome myélodysplasique " ;
3°) de lui accorder une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " syndrome myélodysplasique " ;
4°) d'ordonner une expertise médicale pour fixer le taux de son invalidité.
Il soutient que :
- la décision attaquée a été prise à la suite d'une procédure viciée faute de saisine de la commission consultative médicale ;
- il est fondé à se prévaloir de l'application de l'article L. 121-2-1 du code des pensions militaire d'invalidité dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, qui fait obstacle à ce qu'un délai de prise en charge lui soit opposé ;
- il existe un lien de causalité entre l'utilisation de produits benzéniques au cours de sa carrière militaire, et l'apparition d'un syndrome myélodysplasique.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
La ministre fait valoir que les moyens de M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
27 mai 2022 à 12 heures.
Un mémoire, présenté le 24 mai 2022 pour M. B..., n'a pas été communiqué.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
3 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense ;
- le décret n° 2009-56 du 15 janvier 2009 révisant et complétant les tableaux de maladies professionnelles annexés au livre IV du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 18 novembre 1945, engagé au sein de la Marine nationale le
4 décembre 1963, maître principal au 1er avril 1975, a été placé en position de retraite le
2 avril 1986. Il a sollicité le 24 février 2017 une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " affection de longue durée constatée en 2012 - syndrome myélodysplasique (SMD). Suivi médical continu jusqu'à ce jour à l'hôpital de Castellucio (Ajaccio) ". Il relève appel du jugement du 15 avril 2021 du tribunal administratif de Bastia qui rejette sa requête dirigée contre la décision du 11 octobre 2018 par laquelle la ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " syndrome myélodysplasique ".
2. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige.
3. D'une part, aux termes de l'article R. 151-12 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre alors applicable : " Lorsque l'instruction médicale est achevée, le dossier est soumis pour avis à la commission consultative médicale dans les cas prévus par arrêté des ministres chargés des anciens combattants et victimes de guerre et du budget, ou lorsque l'un ou l'autre des services mentionnés à l'article R. 151-18 l'estime utile. Le service désigné par le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre procède au constat provisoire des droits à pension et en notifie le résultat à l'intéressé. (...). ". D'autre part, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires (...) qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives (...) ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret (...) ". Selon l'article R. 312-3-1 de ce code : " Les documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2 émanant des administrations centrales de l'Etat sont (...) publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle et comportant dans leur titre la mention "Bulletin officiel". (...) ". Enfin, le point 1.2.4 " Saisine de la commission consultative médicale " de la circulaire n° 230125/DEF/DGA/DRH-MD/SPGRH/FM4 relative à la constitution, à l'instruction et à la liquidation des dossiers de pension d'invalidité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre du 12 février 2010 précise : " 1.2.4.1. Saisine obligatoire. Cette saisine est obligatoire si le dossier de l'intéressé figure au nombre des instances visées au chapitre III, section I, de la circulaire du ministère des anciens combattants et victimes de guerre n° 721/1 du 10 septembre 1992 (...) ". Le chapitre III de la circulaire du
10 septembre 1992, prévoit l'avis obligatoire de la commission consultative médicale pour toute demande d'infirmité nouvelle, avec reconnaissance de l'imputabilité par preuve portant sur des maladies dès lors qu'elles sont susceptibles d'ouvrir droit à pension.
4. Pour rejeter la demande de M. B..., la ministre des armées a relevé dans sa décision du 11 octobre 2018, après avis 1er octobre 2018 du médecin chargé des pensions militaire d'invalidité, que la présomption d'imputabilité de l'infirmité de M. B... comme maladie professionnelle ne peut s'appliquer.
5. M. B... se prévaut des termes de la circulaire du secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre du 10 septembre 1992 relative à l'extension de la déconcentration de la liquidation des pensions militaires d'invalidité précitée, pour soutenir que c'est à tort que son dossier n'a pas été soumis à la commission consultative médicale. Le chapitre III de cette instruction exige que les dossiers de pension posant une question d'imputabilité des maladies par preuve nécessitent l'avis de la commission consultative médicale. Or, la circulaire n° 230125/DEF/DGA/DRH-MD/SPGRH/FM4 relative à la constitution, à l'instruction et à la liquidation des dossiers de pension d'invalidité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre du 12 février 2010, publiée au Bulletin Officiel des Armées (BOC N° 14 du 9 avril 2010, texte 2) donc invocable par le requérant, renvoie à la circulaire de 1992 visée au point précédent, et dispose qu'il y a obligation de saisine de la commission consultative en cas d'imputabilité par preuve des maladies. L'administration ne conteste pas que la demande de
M. B... repose sur une hypothèse de preuve de son imputabilité au service. Par suite, M. B... est fondé à se prévaloir des termes de cette circulaire et à soutenir que, en l'absence d'examen de son dossier par la commission consultative médicale, la décision litigieuse a été édictée à l'issue d'une procédure irrégulière.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement du 15 avril 2021 du tribunal administratif de Bastia qui a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 11 octobre 2018 par laquelle la ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " syndrome myélodysplasique ", et l'annulation de cette décision.
7. Aucun autre moyen n'étant mieux à même de régler le litige, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise médicale demandée par l'appelant, eu égard à ses motifs, l'exécution du présent arrêt implique seulement mais nécessairement, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre des armées de statuer à nouveau sur la demande de titre de pension de M. B..., après avoir saisi la commission consultative médicale, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 15 avril 2021 du tribunal administratif de Bastia, et la décision du
11 octobre 2018 par laquelle la ministre de la défense a rejeté la demande de M. B... de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " syndrome myélodysplasique ", sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de pension militaire d'invalidité de M. B..., après avoir saisi la commission médicale consultative, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022
N° 21MA021162