CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/07/2022, 21DA01411, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 22 juillet 2020 par laquelle la directrice départementale des finances publiques a fixé au 3 mars 2020 la date de consolidation de son état de santé à la suite de son accident de service du 23 octobre 1990 et retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %, dont 10 % liés à une pathologie distincte, ainsi que l'avis de la commission de réforme du 7 juillet 2020 se prononçant sur son inaptitude définitive à exercer toute fonction.
Par une ordonnance n° 2003101 du 26 avril 2021, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin 2021 et 1er mars 2022, Mme B..., représentée par Me Bach, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif d'Amiens ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 22 juillet 2020 par laquelle la directrice départementale des finances publiques de l'Aisne a fixé au 3 mars 2020 la date de consolidation de son état de santé à la suite de son accident de service du 23 octobre 1990 et retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %, dont 10 % liés à une pathologie distincte ;
4°) d'enjoindre à l'administration de lui reconnaître un taux d'incapacité de 20 % lié à son accident de service du 23 octobre 1990, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé que sa demande était irrecevable dès lors que la décision fixant son taux d'incapacité permanente partielle est un acte susceptible de recours ;
- l'auteur de la décision contestée ne justifiait pas d'une délégation de signature régulière ;
- la décision litigieuse est entachée de vices de procédure au regard du décret du 14 mars 1986 en l'absence de rapport écrit du médecin de prévention, en raison du caractère incomplet du dossier sur lequel la commission de réforme s'est prononcée, en l'absence de convocation et d'information régulières concernant la réunion de la commission de réforme et en l'absence de médecin spécialiste de sa pathologie au cours de cette réunion ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation en ce qu'elle retient un taux d'invalidité limité à 10 % concernant l'accident de service qu'elle a subi le 23 octobre 1990 et estime que son état de santé était consolidé au 3 mars 2020.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 févier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 2 mars 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 25 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaire de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., titularisée dans le grade des contrôleurs des impôts de 2ème classe le 1er septembre 1999 et affectée au centre des impôts fonciers de Château-Thierry, a été promue contrôleur principal des finances publiques le 31 décembre 2012 et affectée au service des impôts des particuliers de cette commune. Par un avis du 7 juillet 2020, la commission de réforme a prononcé son inaptitude définitive à exercer toute fonction. Par une décision du 22 juillet 2020, la directrice départementale des finances publiques de l'Aisne a fixé au 3 mars 2020 la date de consolidation de son état de santé à la suite d'un accident de service du 23 octobre 1990 et retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %, dont 10 % liés à une pathologie distincte. Le 1er janvier 2021, Mme B... a été admise d'office à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité. Elle relève appel de l'ordonnance du 26 avril 2021 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juillet 2020 précitée.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 65 de cette même loi : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'allocation temporaire d'invalidité prévue à l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est attribuée aux agents maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux rémunérable au moins égal à 10 % ; (...) / dans ces cas, par dérogation aux règles prévues par cet article, le pouvoir de décision appartient en dernier ressort au ministre dont relève l'agent et au ministre chargé du budget (....) La demande d'allocation doit, à peine de déchéance, être présentée dans le délai d'un an à partir du jour où le fonctionnaire a repris ses fonctions après la consolidation de la blessure ou de son état de santé ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, la reconnaissance du caractère professionnel des maladies, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission de réforme prévue à l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas au ministre dont relève l'agent et au ministre chargé du budget ".
4. Pour considérer que la demande de Mme B... était entachée d'une irrecevabilité manifeste et pouvait être rejetée sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a estimé que le taux d'incapacité de l'intéressée résultant de son accident de service du 23 octobre 1990 ne pouvait être utilement contesté qu'après l'intervention d'une décision se prononçant sur le principe et l'étendue de son droit à l'allocation temporaire d'invalidité prise dans les conditions prévues à l'article 3 du décret du 6 octobre 1960 précité, ce sur quoi ne se prononçait pas la décision contestée et alors que l'intéressée n'avait pas sollicité le bénéfice de cette allocation. Toutefois, la décision par laquelle l'administration fixe un taux d'invalidité résultant d'un accident de service est un acte faisant grief qui est ainsi susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux. Par ailleurs, il ne résulte pas des dispositions citées au point 3 que la recevabilité de ce recours serait conditionnée par une demande préalable d'allocation temporaire d'invalidité alors au demeurant que cette demande peut être présentée dans le délai d'un an à partir du jour où le fonctionnaire a repris ses fonctions après la consolidation de la blessure ou de son état de santé ainsi que le prévoit l'article 1er de ce même décret.
5. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance contestée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté comme manifestement irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juillet 2020 par laquelle la directrice départementale des finances publiques de l'Aisne a fixé au 3 mars 2020 la date de consolidation de son accident de service du 23 octobre 1990 et retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %, dont 10 % liés à une pathologie distincte de celle résultant de l'accident de service du 23 octobre 1990. L'appelante demandant, à titre principal, le renvoi de cette affaire devant le tribunal administratif d'Amiens, il y a lieu d'y procéder pour qu'il y soit statué.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens du 26 avril 2021 est annulée.
Article 2 : La demande de Mme B... est renvoyée devant le tribunal administratif d'Amiens.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.
Le rapporteur,
Signé : N. Carpentier-Daubresse
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
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