CAA de DOUAI, 3ème chambre, 07/07/2022, 21DA01490, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 juillet 2022
Num21DA01490
JuridictionDouai
Formation3ème chambre
PresidentMme Borot
RapporteurM. Nil Carpentier-Daubresse
CommissaireM. Cassara
AvocatsBACH

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision non formalisée par laquelle la direction départementale des finances publiques de l'Aisne a interrompu sa rémunération ainsi que l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le directeur général des finances publiques a prononcé son admission d'office à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2021.

Par une ordonnance n° 2100924 du 26 avril 2021, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin 2021 et 1er mars 2022, Mme B..., représentée par Me Bach, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif d'Amiens ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le directeur général des finances publiques a prononcé son admission d'office à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2021 ;

4°) d'enjoindre à l'administration de régulariser sa situation en lui accordant le congé pour invalidité temporaire imputable au service dont elle aurait dû bénéficier en lieu et place d'une mise à la retraite d'office et d'en tirer toutes les conséquences, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761­1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que sa demande entrait dans la champ d'application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
- l'arrêté litigieux est entaché de vices de procédure au regard du décret du 14 mars 1986 en l'absence de rapport écrit du médecin de prévention, en raison du caractère incomplet du dossier sur lequel la commission de réforme s'est prononcée, en l'absence de convocation et d'information régulières concernant la réunion de la commission de réforme et en l'absence de médecin spécialiste de sa pathologie au cours de cette réunion ;
- il est entaché d'erreur de droit en raison de sa portée rétroactive ;
- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation dès lors que Mme B... n'a pas été déclarée inapte définitivement à toutes fonctions et qu'elle n'a pas été invitée à présenter une demande de reclassement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 2 mars 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 25 mars 2022.

Par un courrier du 9 juin 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance en litige qui a rejeté la demande présentée par Mme B... sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative alors que cet article ne permet pas d'écarter un moyen de légalité interne comme étant manifestement infondé, de sorte que l'affaire aurait dû être jugée en formation collégiale.



Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaire de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ;
- le code de justice administrative.






Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., titularisée dans le grade des contrôleurs des impôts de 2ème classe le 1er septembre 1999 et affectée au centre des impôts fonciers de Château-Thierry, a été promue contrôleur principal des finances publiques le 31 décembre 2012 et affectée au service des impôts des particuliers de cette commune. Par un avis du 7 juillet 2020, la commission de réforme a prononcé son inaptitude définitive à exercer toute fonction. Par une décision du 22 juillet 2020, la directrice départementale des finances publiques de l'Aisne a fixé au 3 mars 2020 la date de consolidation de son état de santé à la suite d'un accident de service du 23 octobre 1990 et retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %, dont 10 % liés à une pathologie distincte. Par un arrêté du 18 décembre 2020, le directeur général des finances publiques a prononcé son admission d'office à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er janvier 2021. Mme B... relève appel de l'ordonnance du 26 avril 2021 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision non formalisée par laquelle la direction départementale des finances publiques de l'Aisne a interrompu sa rémunération ainsi que de l'arrêté du 18 décembre 2020 précité.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les (...) présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".

3. Pour considérer que la demande de Mme B... pouvait être rejetée sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a notamment estimé que le moyen tiré de la rétroactivité illégale au 3 mars 2020 de l'arrêté du 18 décembre 2020 en litige manquait en fait. Toutefois, ce moyen relevant de la légalité interne, il ne pouvait être écarté comme manifestement infondé sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, de sorte que l'affaire aurait dû être jugée en formation collégiale.

4. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance contestée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens a rejeté, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de la décision non formalisée par laquelle la direction départementale des finances publiques de l'Aisne a interrompu sa rémunération ainsi que de l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le directeur général des finances publiques a prononcé son admission d'office à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2021. L'appelante demandant, à titre principal, le renvoi de cette affaire devant le tribunal administratif d'Amiens, il y a lieu d'y procéder pour qu'il y soit statué.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :


Article 1er : L'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif d'Amiens du 26 avril 2021 est annulée.

Article 2 : La demande de Mme B... est renvoyée devant le tribunal administratif d'Amiens.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,
Signé : N. Carpentier-Daubresse
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
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