CAA de LYON, 7ème chambre, 22/09/2022, 21LY00596, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 septembre 2022
Num21LY00596
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. PICARD
RapporteurMme Christine DJEBIRI
CommissaireM. RIVIERE
AvocatsLABORIE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 7 décembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre du syndrome post-traumatique.

Par un jugement n° 1907311 du 28 décembre 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 février 2021, Mme A..., représentée par Me Laborie, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision contestée ;
2°) d'ordonner une expertise à titre subsidiaire ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la décision du 7 juillet 2008 ne mentionnait pas les délais et voies de recours ; la décision d'allocation d'une pension militaire d'invalidité pour pathologie cervicale ne peut valoir notification du rejet de sa demande de pension pour pathologie psychique ;
- elle établit l'existence de circonstances particulières l'ayant empêchée de contester la décision du 7 juillet 2008 ;


- la décision du 7 décembre 2017 n'est pas confirmative, sa demande du 30 mai 2017 étant relative à une infirmité nouvelle, liée au syndrome post-traumatique ; elle ne concernait pas la même pathologie que celle qui a fait l'objet de la décision du 7 juillet 2008 ;
- le lien entre son traumatisme et ses fonctions militaires est indiscutable ; son taux de pension doit donc être réévalué.
Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 18 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 avril 2022.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
-et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née en 1971, et engagée dans l'armée de terre le 1er juin 1993, a été victime le 12 juin 1997 d'un accident lors d'un match de volley-ball. En raison d'une atteinte aux cervicales consécutive à un accident survenu le 12 juin 1997, elle a obtenu par un jugement du 11 juin 2003 une pension militaire d'invalidité de 20 %. Le 7 juillet 2008, le versement d'une pension militaire d'invalidité au titre d'un " syndrome hyperalgique avec troubles de l'adaptation à symptomatologie mixte anxieuse. Contexte de personnalité psychotique ", qu'elle avait demandé le 3 janvier 2007, lui a été refusé. Le 7 décembre 2017 le ministre de la défense a rejeté une nouvelle demande que Mme A... avait formée le 16 mai 2017 pour obtenir le bénéfice d'une telle pension pour " syndrome post-traumatique hyperalgique avec des troubles de l'adaptation à réaction mixte anxieuse et dépressive ". Elle relève appel du jugement du 28 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) " Aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. "

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

4. Mme A..., dont la demande de pension relative à sa pathologie psychiatrique date du 3 janvier 2007, mais dont la décision de refus du 7 juillet 2008 ne lui a pas été notifiée avec la mention des voies et délais de recours, a signé le 16 juillet 2008 une déclaration préalable à la mise en paiement de sa pension militaire d'invalidité relative uniquement aux séquelles d'une entorse cervicale. Il apparaît qu'elle a nécessairement eu connaissance, au plus tard à cette dernière date, que sa demande du 3 janvier 2007 avait été rejetée. Si Mme A... entend se prévaloir de ses hospitalisations en 2008, elle n'établit aucunement que, eu égard à leur caractère intermittent, elles seraient constitutives de circonstances particulières qui l'auraient empêchée d'exercer, dans un délai raisonnable d'un an, un recours contentieux contre le rejet de sa demande de prise en charge. De toutes les façons, et même en admettant que, compte tenu notamment d'hospitalisations qui se sont poursuivies jusqu'en 2013, ce délai raisonnable devait être reporté au-delà d'un an, il n'en reste pas moins que, lorsque lui a été opposée la décision contestée du 7 décembre 2017, le délai pour exercer un recours juridictionnel contre la décision rejetant sa demande du 3 janvier 2007 était expiré. Il apparaît par ailleurs que, comme l'a relevé le tribunal, les demandes de pension militaire d'invalidité formulées les 3 janvier 2007 et 16 mai 2017 sont relatives à la même pathologie psychiatrique quand bien même les termes utilisés ne seraient pas strictement identiques, évoquant pour la première un " syndrome hyperalgique avec troubles de l'adaptation à symptomatologie mixte anxieuse. Contexte de personnalité psychotique " et pour la seconde un " syndrome post-traumatique hyperalgique avec des troubles de l'adaptation à réaction mixte anxieuse et dépressive ". D'ailleurs, la décision du 7 décembre 2017 indique qu'elle concerne la même pathologie que celle qui a fait l'objet du refus du 7 juillet 2008. Dans ces circonstances, et en l'absence de toute modification dans les circonstances de fait ou de droit, la décision de rejet du 7 décembre 2017 constitue une décision purement confirmative de celle du 7 juillet 2008, portée à la connaissance de l'intéressée au plus tard le 16 juillet suivant, et n'est pas de nature à rouvrir le délai de recours contentieux. Il suit de là que la demande de première instance de Mme A... était tardive.



5. Il résulte de ce qui précède qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :


Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.
La rapporteure,
C. Djebiri
Le président
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter


La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY00596 2
al