CAA de LYON, 7ème chambre, 19/01/2023, 22LY01432, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision19 janvier 2023
Num22LY01432
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. PICARD
RapporteurMme Christine DJEBIRI
CommissaireM. RIVIERE
AvocatsVILLARD MATHILDE

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du ministre de la défense du 27 mars 2017 en tant qu'il décide qu'une partie des infirmités dont il souffre n'est pas imputable au service.

Par un jugement n° 1907353 du 16 mars 2022, le tribunal a fixé les taux d'invalidité de la pension militaire d'invalidité de M. B... imputable au service à 40 % pour le syndrome dépressif et anxieux et 30 % pour les séquelles de traumatisme lombaire.


Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 mai et 28 juillet 2022, le ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que la décision du 22 avril 2013 prise sur une demande concernant les séquelles du traumatisme lombaire qui n'a pas été contestée qui fixe à 10 % le taux d'invalidité non imputable au service de la pension militaire est revêtue de l'autorité de la chose décidée.
Par un mémoire enregistré le 4 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Villard, conclut au rejet de la requête, demande la réformation partielle du jugement et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé et que le jugement doit être réformé en tant qu'il prévoit que les séquelles du traumatisme et le stress anxieux dépressif sont imputables au service à compter du 23 septembre 2015 alors qu'elles doivent l'être à compter du 16 décembre 2008.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2022


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :


1. M. B..., né en 1977, s'est engagé dans l'armée le 1er avril 1997 et a subi deux accidents à l'entraînement en février 1998 et novembre 1999. A la suite d'une demande de pension militaire enregistrée le 16 décembre 2008, l'administration, par décision du 22 avril 2013, a considéré que M. B... présentait des séquelles de traumatisme lombaire sur canal lombaire étroit constitutionnel avec un taux global de 20 % dont 10 % non imputables au service, et un syndrome dépressif au taux global de 20 %, dont 10 % non imputables au service. Par une décision du 27 mars 2017, la ministre des armées a, à compter du 23 septembre 2015, pour sa pension militaire d'invalidité définitive, fixé son taux d'invalidité pour le syndrome anxio-dépressif avec somatisation, troubles de l'humeur et du sommeil à 40 %, dont 20 % imputables au service, et pour les séquelles de traumatisme lombaire sur canal étroit constitutionnel à 30 %, dont 15 % imputables au service, soit un taux global d'invalidité fixé à 40 %. La ministre des armées demande à la cour l'annulation du jugement du 16 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a fixé les taux d'invalidité de la pension militaire d'invalidité de M. B... imputable au service à 40 % pour le syndrome dépressif et anxieux, et 30 % pour les séquelles de traumatisme lombaire. Par la voie de l'appel incident, M. B... en demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a fixé le début de l'imputabilité au service des infirmités au 23 septembre 2015 et non au 16 décembre 2008.


Sur l'appel principal :


2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / (...). " Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / (...) / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...). " Selon l'article L. 4 : " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % (...). " Enfin, l'article L. 29 dispose : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Ainsi l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 29 font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée.

3. La circonstance que, par une décision du 23 avril 2013 qui n'a pas été contestée, le ministre de la défense a rejeté une précédente demande d'imputabilité totale au service de l'intégralité de son infirmité liée au séquelle de son traumatisme ne saurait faire obstacle à ce que M. B... conteste la décision, qui a un objet différent, statuant sur son droit à majoration de la pension après prise en compte d'éléments objectivés par une nouvelle expertise du 8 octobre 2021. Par suite, la ministre des armées ne peut utilement se prévaloir, sur ce point, d'une " autorité de la chose décidée ".




4. Il en résulte que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fixé les taux d'invalidité de la pension militaire d'invalidité de M. B... imputable au service à 40 % pour le syndrome dépressif et anxieux et 30 % pour les séquelles de traumatisme lombaire.


Sur l'appel incident :


5. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. "

6. M. B... a renouvelé le 23 septembre 2015 sa demande de pension militaire d'invalidité, qui a abouti à la décision du 27 mars 2017. Par suite, alors même qu'aux termes du rapport d'expertise du 8 octobre 2021 l'imputabilité au service de l'accident du 18 novembre 1999 est totale, la date d'entrée en jouissance de la pension correspond au 23 septembre 2015, date de dépôt de sa nouvelle demande, même s'il a déposé une demande le 16 décembre 2008 qui a donné lieu à une décision du 15 juillet 2014, emportant concession d'une pension définitive à compter du 16 décembre 2011, non contestée, et qui ne peut l'être utilement dès lors qu'elle ne constitue pas la base légale de la décision en litige, et qui au surplus est elle-même devenue définitive et est indépendante de la décision en litige.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fixé la date d'entrée en jouissance de la pension au 23 septembre 2015.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme demandée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'appel incident de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.


La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter


La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY01432 2
al